Cannes 2022 : les 10 meilleurs films (ou presque) à voir absolument

Alexandre Janowiak | 28 mai 2022 - MAJ : 28/05/2022 17:51
Alexandre Janowiak | 28 mai 2022 - MAJ : 28/05/2022 17:51

Le Festival de Cannes 2022 a eu son bon et son moins bon. Ecran Large vous raconte les (meilleurs) 10 films qu'il ne fallait pas manquer.

Autant le dire tout de suite, la sélection cannoise de 2022 n'est clairement pas la meilleure des dernières années. Cependant, avec plus de 100 films présentés dans toutes les sections confondues (entre la Sélection officielle, la Quinzaine, la Semaine de la critique et l'ACID), une bonne vingtaine de longs-métrages se sont détachés (et peut-être même plus, Ecran Large n'ayant pas pu découvrir l'intégralité des films présents).

Pour éviter la redondance, on ne reparlera pas des films ayant bénéficié d'un papier durant le festival sur Ecran Large. Exit donc le métaphysique Trois mille ans à t'attendre, le cauchemardesque Men, le thriller choc Les Nuits de Mashhad, le monumental Leila et ses frères, le labyrinthique Decision To Leave, la comédie délirante Sans Filtre ou le minutieux La Femme de Tchaikovski. On ne parlera pas non plus des films déjà visibles en salles comme Frère et soeur, le sanglant Coupez ! et surtout le testamentaire Les Crimes du futur.

Non, on se lance dans une liste (évidemment subjective) de 10 autres films qu'il fallait voir absolument sur la Croisette. Ce ne sont donc pas forcément les meilleurs (beaucoup étant cités au-dessus), mais voilà au moins dix longs-métrages qu'on vous conseille de rattraper en salles, dès qu'ils y sortiront.  C'est parti, sans ordre précis !

 

 

ARMAGEDDON TIME

 

Armageddon Time : Photo Michael Banks Repeta, Anthony HopkinsL'émotion dans ce qu'elle a de plus simple

 

Comment pourrait-on ne pas commencer par le nouveau film de James GrayArmageddon Time ? Alors qu'il avait quitté son New York natal pour affronter la jungle amazonienne dans The Lost City of Z et les confins de l'espace dans Ad Astra, le cinéaste revient à ses premières amours et sa ville de coeur en réalisant un drame très personnel et semi-autobiographique. Une tendance à Hollywood ces dernières années entre Roma d'Alfonso Cuaron, Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson ou Belfast de Kenneth Branagh, dont James Gray réussit le défi avec une sensibilité déchirante.

Plongeant dans le New York des années 80, Armageddon Time est un magnifique drame à hauteur d'enfants dont la crédulité affronte la gravité et la maturité de l'impitoyable monde adulte. Racisme, anti-sémitisme, lutte des classes, privilèges... James Gray étudie la société américaine de l'époque avec une certaine culpabilité, faisant l'examen de sa propre complicité dans les inégalités vécues par son jeune ami afro-américain de l'époque. Grâce à son écriture intelligente, Armageddon Time bouleverse par sa justesse et son absence de pathos, créant un déluge d'émotions discrètes (une scène de fusée qui provoquera de nombreux sanglots).

Le film n'a pas encore de date de sortie officielle en France mais devrait débarquer en septembre.

GODLAND

 

Godland : photoLe grand voyage éprouvant du festival

 

Le cinéaste islandais Hlynur Pálmason est encore inconnu du grand public (et risque de le rester encore longtemps), mais son Godland était l'une des merveilles de ce festival de Cannes 2022. Son absence de la compétition pour la Palme d'or est d'ailleurs une énorme injustice (surtout avec la présence de films comme Nostalgia en compétition).

Godland raconte le voyage d'un prêtre danois en Islande où il doit aider à la construction d'une petite chapelle et photographier la population locale, notamment durant son périple complexe et dangereux. Avec ce récit, où le prêtre affronte la tempête de la foi, les tumultes de cette Islande déchaînée, les tourments de l'humanité, l'agitation de sentiments interdits... Palmason impressionne par l'envergure de son métrage questionnant une multitude de sujets avec une maîtrise narrative prodigieuse.

Une maîtrise sublimée par la virtuosité de la mise en scène et la perfection visuelle de l'ensembleGoldand est sans doute le film le plus beau, esthétiquement de ce festival de Cannes 2022, sa photographie captant pleinement la splendeur des paysages tout autant que leur hostilité. Le film sort le 21 décembre prochain et même si c'est un cinéma rude, c'est un immanquable.

Pacifiction - Tourment sur les îles

 

Tourment sur les îles : Photo Benoît MagimelUn festival d'échanges anodins (et pourtant captivants)

 

Voilà l'OVNI de cette compétition 2022 pour la Palme d'or : Pacifiction - Tourment sur les îles réalisé par Albert Serra. Les connaisseurs savent évidemment que ce n'est pas une surprise venant du réalisateur espagnol, mais son nouveau film est une véritable expérience. Une proposition complètement unique de 2h45 (une durée rocambolesque) où Albert Serra suit un représentant de l'État français en Polynésie, missionné pour prendre le pouls de la population locale alors qu'une rumeur sur une reprise des essais nucléaires est de plus en plus insistante.

En résulte un gros délire complètement stone et parano où le long-métrage moque la banalité des échanges humains au coeur d'un paradis isolé. Un paradis complètement abandonné même par un État français, lointain démissionnaire aux desseins incompatibles avec des locaux qu'il ne comprend pas. Des locaux en total décalage, préoccupés par d'autres intérêts, vivants à un autre rythme... Évidemment, ce n'est pas fait pour tout le monde vu le tempo du film, son récit très évasif et ses personnages avançant sans véritable cap, mais Pacifiction vaut le coup d'oeil. Et en plus Benoît Magimel livre une performance démente.

Le film n'a pas encore de date de sortie en France.

AS BESTAS

 

As bestas : photo, Denis Ménochet, Marina FoïsLe meilleur duo français de l'année (oui on est qu'en mai c'est vrai)

 

Après El Reino, Madre ou même sa série AntidisturbiosRodrigo Sorogoyen a encore frappé fort pour sa première venue à Cannes avec As BestasLe cinéaste suit ici un couple de Français installé dans un petit village espagnol et adepte d'une agriculture écoresponsable. Sauf qu'en refusant un projet d'éolienne, les deux agricultures provoquent un dangereux conflit de voisinage et ouvrent la porte à des affrontements interposés qui pourraient les mener au pire.

Rodrigo Sorogoyen a prouvé qu'il était l'un des maîtres actuels de la tension et encore une fois, il nous met sous pression avec As Bestas. Mettant en place progressivement les discordes entre ses voisins qui ne se comprennent pas (différentes cultures, convictions, difficultés...), le long-métrage démarre comme un petit thriller sur fond de lobbying environnemental avant une bascule souveraine muant le récit en profond drame familial désespéré et aux personnages en quête de réponse.

L'ensemble est évidemment porté par une mise en scène incroyable, Sorogoyen créant une tension non pas à travers des scènes d'action dynamiques, mais de simples plans-séquences captant les discussions houleuses entre les protagonistes. Du cinéma sans artifice et pourtant capable d'exploser à tout instant que vous ne devez pas manquer le 20 juillet prochain au cinéma.

RMN

 

RMN : photoUne violence dès l'enfance

 

Dans un style assez similaire, où la mise en scène parvient à élever de simples moments d'échanges, RMN réalisé par Cristian Mungiu a lui aussi impressionné par sa puissance sourde, notamment lors d'un plan-séquence fixe de 17 minutes aux allures du Serment du Jeu de paume prenant vie. Bon, le réalisateur roumain n'est pas un manche, lui qui a déjà remporté une Palme d'or pour 4 mois, 3 semaines et 2 jours en 2007 et est reparti avec un prix à chacun de ses passages cannois (scénario avec Au-delà des collines en 2012 et mise en scène avec Baccalauréat en 2016), mais il se hisse encore un cran au-dessus avec son nouveau métrage.

Avec RMN (signifiant IRM en roumain), Mungiu filme l'aliénation mentale de la société roumaine (et d'une certaine manière, du monde) guidée par une peur irrationnelle de l'étranger. En suivant des personnages mus par une méfiance permanente, RMN ausculte ainsi la rage des habitants d'un petit village de Transylvanie. Le moyen de porter une grande réflexion politique et sociale sur une pensée (xénophobe, raciste...) risquant de mener à une folie irréelle terrifiante, le long-métrage basculant dans le quasi-fantastique au fur et à mesure de son avancée.

Sortie programmée à une date encore inconnue.

BOY FROM HEAVEN

 

Boy from Heaven : photoLe début de la galère

 

Adam est un fils de pêcheur qui intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, institution au coeur du pouvoir de l'Islam sunnite en Égypte. Sauf que le jour de la rentrée, le Grand Imam décède soudainement. La recherche de son successeur va provoquer une lutte de pouvoirs entre les élites politiques et les instances religieuses dans laquelle va se retrouver malgré lui le jeune Adam.

Avec un pitch pareil, Boy from Heaven s'annonçait comme un grand thriller plein de tension et la promesse de départ est plus que tenue. Sans perdre de temps, Tarik Saleh (le monsieur derrière Le Caire confidentiel) nous plonge très vite dans le vif du sujet, Adam devenant un infiltré dès le premier quart. C'était sûrement la manière la plus efficace pour dynamiter ce récit tendu, où traîtrises, jeux de dupes et guerres des mots se succèdent dans une spirale infernale. Avec intelligence, le long-métrage s'inquiète d'ailleurs autant d'un dangereux fanatisme religieux que d'une corruption politique inébranlable, traduisant une réalité du monde bien au-delà des frontières égyptiennes.

Le film sortira le 9 novembre au cinéma.

REVOIR PARIS

 

Revoir Paris : Photo Virginie Efira, Benoît MagimelVirginie Efira et Benoît Magimel affrontent les conséquences du drame

 

Cannes 2022 a été marqué par la projection de Novembre, film retraçant la traque des terroristes des attentats de Paris en novembre 2015 par les autorités françaises. Un long-métrage réalisé par Cédric Jimenez (Bac Nord) efficace, mais assez inutile, qui a largement éclipsé une autre oeuvre s'intéressant au même sujet : Revoir Paris d'Alice Winocour.

Et c'est bien dommage que Revoir Paris ait eu si peu d'échos tant il étudie le même drame (même s'il n'est jamais évoqué officiellement et largement fictionnalisé) sous un regard bien plus poignant et personnelle. Le long-métrage suit en effet la reconstruction d'une victime survivante des attentats, incapable de se souvenir exactement du déroulé de l'événement. Avec une belle sensibilité, Revoir Paris va alors l'accompagner en train de chercher les pièces manquantes de son puzzle traumatisant, espérant recoller les morceaux pour arrêter de survivre, mieux renaître et recommencer à vivre.

Jouant sur les flashbacks, des visions, des sons... Revoir Paris immisce pleinement le spectateur dans l'exploration douloureuse de la mémoire traumatique de son héroïne. Et en parvenant à garder une certaine retenue, une pudeur qui l'honore, Alice Winocour réalise un film extrêmement touchant. Le film sortira le 7 septembre prochain au cinéma.

Chronique d'une liaison passagère

 

Chronique d'une liaison passagère : photo, Sandrine Kiberlain, Vincent MacaigneUn duo terriblement attachant

 

Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants, et malgré les barrières établis pour éviter de tomber amoureux l'un de l'autre, ils se trouvent une complicité de plus en plus grandissante au fil de leurs rencontres. Voilà le pitch de Chronique d'une liaison passagèrenouveau film d'Emmanuel Mouret et nouvelle petite sucrerie à consommer sans modération.

En suivant l'évolution de ses personnages seulement à travers leur liaison (leur vie en dehors des moments où ils se voient n'est jamais montrée à l'écran), Emmanuel Mouret offre une sorte de Scènes de la vie extra-conjugale à l'attendrissante délicatesse et à la sensibilité émouvante. Le cinéaste offre aux spectateurs un cadre restreint, donnant la possibilité de mieux découvrir la progression de leurs sentiments respectifs qu'ils n'osent exprimer, craignent de voir naître ou espèrent réciproques.

De quoi rire, pleurer, se réjouir, s'agacer... des nombreuses interactions entre les personnages de Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, à travers des dialogues d'un naturel apaisant. Bref, c'est léger, badin, cocasse, sentimental, sincère, ça se laisse porter par le vent et ça profite du moment présent. À découvrir en salles dès le 14 septembre 2022.

La nuit du 12

 

La nuit du 12 : photoUn interrogatoire en forme de déclic

 

On parle souvent des polars américains et coréens, mais cette fois, on va surtout pouvoir mettre en avant un polar français : La nuit du 12 de Dominik Moll. C'est l'histoire d'une enquête sombre et obsédante sur le meurtre sordide d'une jeune femme, et clairement, le long-métrage impressionne. Évitant un suspense inutile sur la non-résolution de l'affaire (annoncé dès le panneau d'ouverture), La Nuit du 12 parvient malgré tout à provoquer une vraie tension dans la veine de Memories of Murder ou Zodiac.

Il y a évidemment l'enquête minutieuse des membres de la police judiciaire, menés par l'incroyable duo Bastien Bouillon-Bouli Lanners, et la recherche énergique du coupable, entre rebondissements scénaristiques, révélations inattendues et traumatismes obsédants (un plan sublime où le visage de l'inspecteur est hanté par toutes les personnes impliquées). Mais au-delà, le long-métrage pose surtout un regard lucide sur la société et son violent sexisme, amenant à un questionnement profond sur notre vision du monde.

La sortie au cinéma est prévue pour le 13 juillet.

EO

 

EO : photoOne Ane Show

 

On termine cette sélection de dix films avec l'expérience surréaliste EO de Jerzy Skolimowski. Le Polonais fait son retour au cinéma avec une sorte de remake du Au hasard Balthazar de Robert Bresson, le récit suivant le périple d'un âne, EO (ou Hi-Han), à travers le monde. Dans un mélange de réalisme extrêmement brutal et d'une dose de surréalisme plongeant le film dans une ambiance quasi-horrifique, EO explore ainsi la cruauté humaine (et particulièrement celle masculine) à travers les yeux de l'animal.

Il en résulte une expérience sensorielle complètement dingue, pas toujours convaincante (surtout quand elle s'attarde un peu trop sur des humains vains), mais totalement unique. Le cinéaste s'amuse avec les cadres et les couleurs (un rouge sang annonciateur des catastrophes à venir) pour mieux décrire un monde où l'homme est, non seulement un loup pour l'homme, mais surtout l'espèce la plus dangereuse de la planète.

Porté par une musique jonglant entre le classique et le metal, EO livre alors un pamphlet troublant contre les violences animales, et dresse un portrait du monde alarmiste à la vision singulière. Le film n'a pas encore de date de sortie.

Tout savoir sur Armageddon Time

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commentaires
Brasch-Eazy-E
28/05/2022 à 19:24

Jamais très bon quand y a beaucoup de films biographiques à Hollywood. Ça veut dire que les réalisateurs vieillissent et que les jeunes restent à la porte, sauf pour réaliser des Marvel où on sent tout sauf leur style personnel...

Kyle Reese
28/05/2022 à 19:20

Comme j’aime lire l’enthousiasme des chroniqueurs pour des films que je verrais peut être un jour ou pas.
Pour le moment j’attend surtout le nouveau Dominik Moll dont Seul les bêtes m’avait beaucoup plus. Un excellent réalisateur de thriller.