Cannes 2022 : on a vu Leila et ses frères, un Le Parrain en Iran monumental

Alexandre Janowiak | 27 mai 2022 - MAJ : 31/05/2022 17:25
Alexandre Janowiak | 27 mai 2022 - MAJ : 31/05/2022 17:25

Après une année 2021 exceptionnelle en juillet, Cannes retrouve le mois de mai pour son édition 2022 et sa sélection riche d'une centaine de films plus ou moins attendus. Après son ouverture zombiesque avec Coupez !, le festival bat donc son plein et dévoile un peu plus ses joyaux (ou non) chaque jour. L'heure pour nous de vous livrer notre avis à chaud sur Leila et ses frèresla fresque familiale monumentale de Saeed Roustayi, réalisateur de La Loi de Téhéran.

 

Leila et ses frères : photo, Taraneh AlidoostiLeila, déterminée et impuissante à la fois

 

De quoi ça parle ? Alors que Leila a dédié toute sa vie à ses parents et ses quatre frères., la famille croule sous les dettes à cause d'une crise économique à l'ampleur inédite. Afin de les sortir de cette situation, Leila élabore un plan : acheter une boutique pour lancer une affaire avec ses frères. Mais malheureusement, les actions de chacun vont entraîner la famille au bord de l’implosion.

C’était comment ? Monumental, déchirant, tragique. Leila et ses frères fait indiscutablement partie des favoris pour remporter la Palme d'or du Festival de Cannes 2022. Au visionnage, l'auteur de ces lignes a même eu la sensation de découvrir un film qui fera date dans l'histoire du cinéma, car Leila et ses frères a l'ampleur de Le Parrain d'un certain Francis Ford Coppola, transposé dans un Iran du 21e siècle.

Le Parrain a été régulièrement réduit à un simple film de mafieux, alors même qu'il s'agit avant tout d'une grande chronique familiale au coeur de l'Amérique. Autant le préciser tout de suite, le long-métrage de Roustayi n'a donc rien à voir avec une quelconque histoire de mafia, en revanche, il suit également la vie d'une famille, en proie aux doutes, face à la défaillance progressive de sa figure paternelle et les crises auxquelles elle doit se confronter. Et c"est évidemment dans cette optique que le film iranien fait écho au chef-d'oeuvre de Coppola, porté par une longueur-fleuve de 2h49 lui permettant de développer en profondeur une myriade de sujets, de personnages, de situations... 

 

Leila et ses frères : photo, Taraneh AlidoostiUne fratrie aux individualités passionnantes

 

Dans les premières secondes du film, avec cette manifestation ouvrière qui se transforme en émeute avec violences policières, Leila et ses frères semblait pourtant partie pour ressembler à La loi de Téhéran. La caméra suit au pas de course un personnage, Alireza (Navid Mohammadzade, déjà au centre de La loi de Téhéran) dans un grand bordel industriel où la panique gagne les manifestants, et l'on semble s'engouffrer dans un énorme thriller enragé.

Sauf qu'à travers une triple narration d'introduction pour présenter le patriarche Esmail, la soeur Leila et donc Alireza, Leila et ses frères prend rapidement un chemin différent et une autre ampleur. Ici, ce n'est pas tant l'action qui dynamitera le récit ou le suspense qui viendra créer de la tension, pas plus que la mise en scène de l'Iranien, beaucoup plus en retrait et moins virtuose (même si pas dénuée de scènes majestueuses à l'image du mariage). Non, au contraire, ce sont pleinement les énergies des personnages et les arcs narratifs de chacun d'entre eux qui vont former cette grande fresque familiale au coeur de l'Iran contemporain.

 

Leila et ses frères : Photo Taraneh AlidoostiDes dialogues intimistes qui attrapent le coeur

 

Le long-métrage met peut-être un peu de temps à démarrer, obligé de placer ses nombreux pions sur l'échiquier familial et au coeur des dérives du système iranien, mais les longueurs du début et dialogues copieux démontrent leur importance capitale. Grâce à cette mise en route, aucun personnage ne sera délaissé sur le bord du chemin, et tous suivront une trajectoire personnelle extrêmement précise et travaillée, afin d'espérer mieux les rassembler.

Avec une facilité déconcertante, Saeed Roustayi filme ainsi la quête de réussite sociale de cette famille en perte de vitesse, incapable de prendre les bonnes décisions aux moments opportuns et victime d'un monde défavorable aux plus démunis ("la pauvreté, ça te colle à la peau"). Un enfer des désillusions et faux-espoirs qui mène à un chaos familial extrême, les personnages se poursuivant sans relâche, s'engueulant à ne plus pouvoir s'entendre et se manipulant pour mieux réaliser leurs desseins ou contrecarrer les plans des autres.

 

Leila et ses frères : photoUne photo de famille qui mériterait bien une suite

 

Leila et ses frères déploie alors sa force romanesque et son ampleur narrative, gagnés notamment à travers son auscultation de l'Iran sous tous les angles : crise économique (ce prix de l'or terriblement instable), conflits générationnels (père et fils, mère et fille...), impuissance féminine (la protectrice et désarmée Leila incarnée par Taraneh Alidoosti), faillite de l'hôpital, conséquences du mondialisme... le long-métrage dresse un portrait saisissant d'un Iran à bout de souffle, malmené par des politiques économiques et sociales désastreuses.

Et évidemment, derrière ces multiples obstacles du quotidien, ce sont de simples destins humains qui se jouent. La riche chronique familiale captivante se mue dès lors en véritable tragédie de vie déchirante et shakespearienne. De celles qui ont un écho universel, pourrait faire l'objet d'une trilogie comme son modèle (et aurait bien mérité une Palme).

Et ça sort quand ? Le film sort le 24 août au cinéma et ça vous fera une double-séance parfaite avec l'autre grand film de Cannes, Trois mille ans à t'attendre.

Tout savoir sur Leila et ses frères

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commentaires
Grift
27/05/2022 à 19:36

Pas compris pourquoi mon commentaire s'est retrouvé là (je l'écrivais sur la news de Williow évidement).. Et apres la validation me suis retrouvé sur cette page. Chelouche...

Grift
27/05/2022 à 19:34

Ca l'air plutot prometteur.
J'ai peur qu'on ressente le manque de Madmartigan cela dit.

Cyrus le Grand
27/05/2022 à 19:10

on croit dur comme fer que ce film "fera date dans l'histoire du cinema", en effet

sylvinception
27/05/2022 à 11:58

Mais c'est aussi chiant que les Coppola, ou pas ??

Sanchez
27/05/2022 à 11:02

Devenu numéro 1 dans mes envies