Judge Dredd : cette adaptation avec Arnold Schwarzenegger qui ne verra jamais le jour

Mathias Penguilly | 20 juillet 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathias Penguilly | 20 juillet 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avant d'écrire le Hellboy de 2004, Peter Briggs souhaitait écrire un scénario sur le justicier et c'est Schwarzy qui aurait dû enfiler le casque mythique.

Avant de se prendre une taule au box-office (113 millions de dollars de recettes pour un budget hors marketing astronomique de 90 millions), Judge Dredd était un personnage de comics populaire au cours des années 70. Il apparaît pour la première fois en 1977, sous la plume de John Wagner et Carlos Ezquerra, dans la revue britannique appelée 2000 AD, avant d'obtenir son format solo. Le justicier casqué devient alors un personnage culte de la culture comics anglaise.

Elle met en scène Joseph Dredd (un jeu de mot avec le mot anglais dread, signifiant "redouter"), un juge de rue de l'énorme métropole de Mega-City aux États-Unis. Dans ce futur dystopique, la loi et l'ordre sont assurés par un corps de Juges, pouvant successivement arrêter, juger et exécuter sommairement les criminels qui croisent leur chemin. Dredd en est un et il affronte à la fois criminels, mafieux et juges de rue ripoux.

 

photoJudge Dredd : l'allégorie d'une justice totalitaire et expéditive

 

De l'action, un super-justicier charismatique (bien qu'il ne soit pas aussi souriant que les héros Marvel), un sous-texte politique plus ou moins subtil : l'intrigue avait tout, sur le papier, pour devenir une adaptation réussie. Finalement, ni le film de 1995 avec Sylvester Stallone ni son remake de 2012 (Dredd avec Karl Urban) n'ont été de vrais succès. Prochainement, la franchise devrait pourtant faire l'objet d'une nouvelle relecture à travers une série intitulée Judge Dredd: Mega-City One.

Pour l'occasion, le scénariste Peter Briggs s'est longuement confié à Bloody Disgusting sur un projet d'adaptation qu'il avait lui-même nourri pendant longtemps, avant que Danny Cannon ne réalise la version ciné avec Sly. Très enthousiaste, il a ainsi raconté la manière incongrue dont on lui a proposé le projet :

"Un vendredi soir, mon téléphone a sonné. C'était Lloyd Levin, un des producteurs de Larry Gordon. Il m'a dit 'Pete, écoute, j'ai un projet, qu'est-ce que tu sais à propos de Judge Dredd ?', et je suis tombé de ma chaise. Parce que je suis anglais. Lorsque j'étais môme, j'étais fan de Doctor Who, de Star Trek, un fan de TOUT [...] Alors que Star Wars allait sortir, quelqu'un a eu l'idée d'une revue qui s'appelait 2000 AD, devinant que la science-fiction serait un truc énorme. Je l'ai acheté à partir du numéro 2 et Judge Dredd a commencé dans ce numéro.

 

Photo Judge DreddViolences policières dans la Méga-City du 22e siècle

 

J'étais là depuis le début. Donc quand Lloyd vient me voir pour me demander si je connais et si je veux le faire, j'ai simplement dit 'Oui'. C'est comme ça que je me suis retrouvé sur Judge Dredd."

Briggs raconte qu'au départ, la société de Larry Gordon était en partenariat avec Ed Pressman, producteur de Conan le Barbare et qu'ils devaient coproduire le film. Après une dispute, les deux hommes se sont séparés et chacun a voulu poursuivre le projet de son côté. Le scénariste a alors dû choisir entre un projet de trilogie avec Gordon ou un one-shot avec Arnold Schwarzenegger et Tony Scott (le réalisateur de Top Gun). Il a finalement choisi le second, qui ne verra jamais le jour.

 

photoCrise du logement à Méga-City (les voisins ne sont pas trop recommandables)

 

Immédiatement, en grand adepte de la bande-dessinée, Peter Briggs a une idée précise des antagonistes qu'il veut écrire. Les Juges Noirs - un pendant maléfique des juges de rue, sorte de morts-vivants psychopathes qui exterminent les habitants de Méga-City - menés par l'horrible Juge Death sont les méchants parfaits. Plutôt que de choisir des hors-la-loi plus "humains", à l'image de Rico (le frère jumeau de Dredd, que Stallone doit faire tomber), l'auteur trouvait qu'il fallait choisir "le méchant le plus fort" des comics - et c'est Juge Death.

Le juge de la mort, d'abord introduit dans la revue 2000 AD en parallèle des aventures de Dredd, n'a affronté son pendant héroïque que tardivement dans les comics. Selon Peter Briggs cependant, il était un choix évident :

"J'ai dit du tac au tac [à Pressman] 'le Juge Death'. J'ai ressorti l'argument qu'il est l'équivalent du Joker pour Batman, qu'il nous faut commencer par cette histoire, quitte à jouer avec la chronologie des comics". 

 

photoDredd, inspiré de la Batmobile de Nolan ?

 

Jusque-là, la coopération entre le scénariste et le producteur semblait très bien fonctionner. Les deux étaient même prêts à miser sur cet antagoniste particulièrement maléfique, quitte à faire de l'adaptation un film d'horreur, nécessitant quelques prouesses techniques (en termes d'effets spéciaux). Leur désaccord est venu plus tardivement, concernant l'utilisation de Schwarzy. Le scénariste a ainsi remarqué que le héros du comics n'enlevait jamais son casque dans le support papier, un détail inconcevable en engageant un acteur de cette ampleur :

"Non, non, non, il ne fallait JAMAIS enlever son casque. Pour les producteurs, l'argument c'était 'Si on paye Arnold Schwarzenegger dix millions de dollars pour jouer le Juge Dredd, alors il a intérêt à retirer son casque', et moi j'étais en mode 'Oui, mais vous ne comprenez pas. Vous ne saisissez pas le matériau original et le film'".

Finalement, Briggs avait raison, puisque les fans avaient été profondément gênés par le fait que Sylvester Stallone retire son casque dans le Judge Dredd de 1995. Célébrité ou pas, un juge si redouté ne fait qu'un avec son couvre-chef dans la BD et Briggs ne voulait pas compromettre ce sujet.

 

photo, Lena HeadeyCersei Lannister en 2139

 

C'est après ce désaccord mineur néanmoins que les choses se sont gâtées. Peter Briggs se souvient qu'à plusieurs reprises, l'équipe de production le menait par le bout du nez. Il s'est ainsi retrouvé en compétition avec d'autres scénaristes - y compris Jonathan Gems, l'auteur de Mars Attacks ! et William Wisher, qui a écrit Terminator 2 - même après avoir signé un contrat avec la société d'Ed Pressman. 

Après une réunion particulièrement pénible lors de laquelle Briggs a vu son scénario taillé au rasoir et l'intégration du personnage de Rico, l'auteur a appelé Charles Lippincott, un des coproducteurs pour lui demander ce qu'il se passait :

"Il m'a dit 'écoute, ça n'a rien de personnel, il y a beaucoup de désaccords par ici, mais... Je n'ai jamais voulu faire le Juge Death'. Je me suis dit 'Pardon ?' et j'ai pensé 'tout ce temps, quand on s'est parlé au téléphone, tu ne pouvais pas me dire que tu ne voulais pas de Juge Death ?! Histoire que je ne vienne pas écrire un film sur le Juge Death ? Ce que j'ai fait ?' et il m'a répondu 'Oui, écoute, ce n'est pas personnel, mais je veux juste dire que je vais faire tout ce que je peux pour être sûr que ce scénario avec toi ne se produise pas.' C'est une citation directe de Charlie Lippincott. Telle quelle."

 

photoUn masque anti-fumigène ? Pratique pour les manifs !

 

Évidemment cette déclaration a profondément marqué le scénariste qui a fait une crise d'angoisse et s'est retrouvé aux urgences. Il y a vu un signe du destin et s'est confié en ces termes à Bloody Disgusting : "C'est la nature qui me dit 'Barre-toi de ce putain de film', et je l'ai fait. Je suis parti. Schwarzenegger est parti. Puis, Tony Scott est parti. Tout est arrivé très, très vite, je ne sais pas exactement pourquoi. Je crois que Stallone est arrivé après le départ de Tony puis Danny Cannon."

La suite du feuilleton, on la connait : Danny Cannon a réalisé Judge Dredd, dont la sortie en salles en 1995 a fait un four monumental. Les spectateurs, outrés par l'intrigue et Sly dévoilant son tarin, n'ont pas voulu de suite, et le personnage du Juge Death est resté dans les ténèbres. Le remake de 2012 a fait pire encore (peut-être injustement ?), n'obtenant que 41 millions de dollars de bénéfices pour un investissement de 50 millions.

 

photo, Olivia Thirlby, Karl UrbanUn rictus inoubliable

 

Le projet de série, annoncé dès mai 2017, n'a pas encore été annulé même s’il s'est fait très discret depuis 2012. Mis à part Karl Urban qui a essayé de faire comprendre désespérément qu'il aimerait retrouver la combinaison du Juge, aucune information n'a filtré depuis deux ans. Espérons qu'en off, son processus d'écriture ne soit pas aussi chaotique que celui qui a évincé Peter Briggs, Schwarzy et Tony Scott en un coup de balai.

Depuis ses mésaventures, le scénariste n'a écrit qu'un seul film, le Hellboy de 2004, avec Guillermo del Toro. Une allégorie de sa descente aux enfers ?

 

PhotoUne passion évidente pour les comics chez le très discret Peter Briggs

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commentaires
MickeymousE
22/07/2020 à 11:01

le Dreed de 2012 était vraiment bon, une sorte de Robocop.

Le film n'a pas marché car le marketing et la com ont été carrément anecdotique, pendant que les kikoolol te vendent du Avatar de James Cameron calibré pour la ménagère de plus de 50 ans.

Emynoduesp
22/07/2020 à 04:57

A DL19:#releasethecannoncut :')

Le juge Sly etait bien mais sans plus, il y avait de bon trucs, mais aussi des trucs affligeants comme dans tous les films qui veulent bouffer a tous les rateliers. Et puis t'facon, Dredd...c est pas un Bisounours quoi, c est quoi c est histoires d en faire un film grand public?
Ca fait bien longtemps que je ne l ai pas vu, ca doit etre kitchissime maintenant.

Le juge Urban...il dechire sa môman. Ca manque un peu de background, mais c est un film a la francaise, 90mn generique compris et t essaies de touf mettre dedans sans chichis et au final ca marche, son defaut, c est qu il aurait merite des suites pour developper l univers de Mega City One qui n aura pas ete developpe dans ce 1er et unique film.
Quelques scenes d humour sombre (humour noir,on peut encore utiliser ce terme ou c est raciste aussi? Car c est bien connu que les noirs n ont pas d humour hein...)

Je ne savais pas qu une serie etait en projet, s il pouvait aboutir et que Karl Urban pouvait reprendre le role, ce serait parfait. Cet acteur a une gueule et on la reconnait de suite sous le casque, si en plus il est demandeur pour cacher sa belle gueule, qu on lui fasse plaisir.

Crise2nerf
21/07/2020 à 19:12

Le remake était vraiment une très bonne surprise, je ne comprend pas que ça n'ai pas marché. Une suite aurait été la bienvenue, encore plus sombre. Pour moi le dredd façon John wick ça fonctionne et y a matière à faire des trucs terrible.

DL 19
20/07/2020 à 19:35

Étant un fan de Stallone, j'avais adoré sa version du personnage de la BD dans le film, pour moi c'est un classique !
J'ai découvert ce personnage grâce à ce film, ne connaissant pas du tout le personnage de BD..
J'avais énormément apprécié l'univers originale de ce film..
Et je désespère toujours de découvrir l'autre version de ce film, celle-ci étant paraît-t'il, étend plus sombre et plus longue !
Je vous avoue que je ne suis pas très BD..
Peut-être que je ne suis pas la bonne personne pour juger ??
Pour la version la plus récente avec l'excellent acteur Karl Urban, ce film était sympa sans plus..
À un certain moment, il était question que Karl Urban reprenne l'interprétation de ce personnage pour une série... Je n'aurais pas dit non..
On attend toujours ??

Karlito
20/07/2020 à 19:17

Quand Danny Cannon est arrivé, il y a eu un moment le projet d'un film basé sur les mutants et d'avoir Cint Eastwood en Dredd, du moins c'était le souhait du réalisateur. La production a imposé le scénario que l'on connait, gros budget + star a l'égo comme un melon=un film pour toute la famille avec des gags, car il faut bien rigoler un peu ma bonne dame. Il semblerait que Cannon l'avait si mal digéré (son deuxième film, mais le premier à gros budget). Le tournage a été assez houleux, sans compter Stallone qui n'avait absolument rien compris au Comic (à voir son interview sur le film, il est complètement à côté de la plaque). Steven de Souza était aussi derrière le scénario, le même qui a pondu celui du crétin Street Fighter, sorti un an plus tôt.

Life is Hard
20/07/2020 à 17:27

Le Dredd version Karl Urban était une bombe surprise !