Cannes 2019 : Le Traître de Bellochio tient-il toutes ses promesses ?

Simon Riaux | 24 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 24 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Dix ans après VincereMarco Bellochio foule à nouveau le tapis rouge cannois avec Le Traitre. Nouvelle incursion dans les ténèbres du pouvoir transalpin, il y ausculte cette fois l’histoire récente de la Cosa Nostra plutôt que les arcanes du fascisme. L’occasion pour l’auteur de prendre une nouvelle fois le pouls des maîtres, tout en révélant le poids des péchés qu’ils dissimulent.

 

APOCALYPSE MAFIA

L’année 1985 fut l’annus horribilis du crime organisé italien, à l’occasion du maxi-procès qui se tint à Palerme, au cours duquel la Cosa Nostra fut décapitée, plus de 300 de ses membres se retrouvant derrière les verrous. Une révolution à mettre à l’actif d’un seul homme : Tommaso Buscetta, qui choisit en son âme et conscience de trahir l’organisation à laquelle il avait consacré la quasi-totalité de son existence.

 

PhotoSi si la famille

 

Peu connu dans la France contemporaine, cet évènement complexe fit trembler jusqu’au sommet des institutions italiennes, et culmina avec le procès de l’homme politique le plus puissant et craint d’Italie, Il Divo Andreotti, qui fut assigné à comparaître en 1995. Pour traiter de ce sujet aux innombrables soubassements, ramifications et rebondissements, Marco Bellochio fait le choix d’offrir un contexte humain et dramatique auquel le spectateur peu familier du sujet peut se raccrocher.

Après une magnétique introduction, qui cite avec malice Le Guépard de Visconti, le metteur en scène retrace aussi vite que possible les luttes internes et compromissions qui pousseront son personnage principal à choisir la trahison. Malheureusement, cette entrée en matière a des airs de face nord de l’Everest, tant les évènements s’enchaînent, tant les situations évoluent rapidement. Et après une demi-heure de mise en bouche, Le Traitre n’est pas loin d’avoir tout à fait perdu le spectateur.

 

photo Pierfrancesco Favino

 

JUGEZ-MOI COUPABLE

Mais ce serait mal connaître Bellochio, qui n’est pas là pour verser dans le grand film de mafieux, mais plutôt dans une fresque au ralenti, qui prend toute son ampleur sitôt le procès surréaliste qui en compose le morceau de résistance entamé. Dès lors, nous retrouvons le cinéaste de Vincere, capable de mixer le folklore haut en couleur d’une Cosa Nostra à l’agonie avec la puissance funèbre qui innervait déjà Vincere. Avec un art consommé du découpage, le cinéaste enregistre la transmission du pouvoir, la confrontation des énergies, parvenant par endroits à rendre palpable le concept d'honneur qui sert d'impulsion à ses personnages.

Chaque confrontation jouit d’un découpage réglé à la perfection, transformant progressivement les prétoires en arènes de cirque mortifères. Nimbé d’une photo glaciale, le métrage offre un terrain de jeu idéal à un casting en pleine maîtrise de ses moyensPierfrancesco Favino est une colonne de charisme qui menace à la moindre réplique de fendre l’écorce terrestre en deux, quand Fabrizio Ferracane lui oppose une veulerie redoutablement cinégénique. La malice évidente avec laquelle la photographie du film se plaît à les portraiturer en statues du commandeur fêlées est remarquable.

 

photoUn procès à haut risque

 

Alors que l’histoire souterraine de l’Italie se fracture à l’écran, c’est l’humanité qui éclôt au fur et à mesure que s’ébrouent ces criminels soudain confrontés à la chute de leur empire.

Dans ses meilleurs moments, Le Traitre parvient à croquer de fascinants portraits d’hommes à contretemps, de guerriers contraints et de salauds magnifique. On pourra regretter que le dernier acte manque de concision, mais jusqu’à sa conclusion fatale, c’est avec plaisir qu’on assiste à cette épopée catastrophique.

résumé : Le Traître souffre parfois de l'incroyable complexité de son sujet mais offre une chronique d'un cataclysme mafieux passionnant.

 

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