Cannes 2019 : Terrence Malick revient avec Une Vie Cachée, élégie bouleversante en lice pour la Palme d'Or
Après trois films éclatant les structures narratives qu’il avait déjà grandement subverties dans Tree of Life, Terrence Malick revient à Cannes pour y présenter Une vie cachée, qui signe son retour à un cinéma plus linéaire et l’impose comme un sérieux candidat à une seconde Palme d’Or.
JESUS CRIE
En 1939, Franz vit la sujétion de l’Autriche à l’Allemagne nazie comme un drame personnel, et refuse de prêter allégeance au führer, puis de porter les armes sous le drapeau du Reich. Objecteur de conscience peu connu, mis en lumière par Benoit XVI en 2007, il forme avec son épouse Fani le coeur du récit que déploie Terrence Malick. Dans leur hameau de Radegund, puis dans les geôles de Linz et Berlin, le cinéaste ausculte leurs âmes, les doutes qui les étreignent et les convictions qui les sauvent. Et pour ce faire, il lance dans la bataille toutes les thématiques précédemment explorées au cours de son oeuvre, tout en convoquant les expérimentations formelles de À la merveille, Knight of Cups et Song to Song.
Dès les premiers instants, le réalisateur marie images d’archives, grand angle, voix off et énergie panthéiste, mais ces ingrédients s’agencent désormais non plus au gré d’un flux pictural pensé comme une prière introspective, mais bien pour servir un récit linéaire. Ainsi, la narration retrouve une place fondamentale dans le dispositif, instantanément sublimée par le style surpuissant de Malick. Son cinéma est désormais en mesure de distordre les attendus du récit historique, de radiographier la vie des fermiers autrichiens à coups de fish-eye, tout en questionnement la foi chrétienne qui les meût, sans jamais cesser d'embarquer son spectateur dans un tourbillon émotionnel opératique.
TU NE TUERAS POINT
Franz ne peut se résoudre à porter les armes, ni Fani à lui abandonner son soutien, quand tout autour d’eux les conjure de renoncer aussi bien à leurs principes qu’à l’amour absolu qui les porte. C’est dans leur union que réside la beauté tranchante d’Une vie cachée, qui doit son titre à une citation de la romancière George Eliot, soulignant la grâce de ceux qui, en silence, luttent pour préserver la grâce et l’humanité.
La petite tragédie dans la prairie
Leur parcours est celui de deux saints, dont Terrence Malick se propose ici de coudre le linceul. Ce récit sidère par sa capacité à synthétiser les motifs de l’auteur. L’image composée par Jorg Widmer (qui travaillait déjà sur Tree of Life) apaise les motifs récurrents de Malick autant qu’elle en parfait les élans. Qu’il se précipite le long de monts rocheux déchirant les nuages, ou épouse les gestes de faucheurs de luzerne, il transcende avec sérénité les impulsions plastiques du cinéaste.
Le résultat tend vers la pure élégie, une prière dont la pudeur laisse le spectateur hébété à l’issue d’une troisième heure tragique, à la dignité qui confine au sublime. De tout temps, Terrence Malick a interrogé l’humanité de l’Homme confronté aussi bien à l’absolu salvateur de la nature qu’à l’entropie insatiable du béton. Il réaffirme ici cette opposition et nous offre une oraison dont les accomplissements esthétiques et l’impact émotionnel en font d’ores et déjà un des plus grands films de son auteur, un des piliers de Cannes 2019 et une des plus fascinantes propositions cinématographiques de l’année en cours.
résumé : Malick atteint ici un degré de poésie, de finesse, de puissance émotionnelle et de pureté narrative bouleversants. Une synthése autant qu'une élévation, qui l'imposent une nouvelle fois comme un des auteurs les plus importants de son temps.
23/05/2019 à 11:00
Je l'attends impatiemment, celui-là !
Avez-vous des infos sur ses projets ?
21/05/2019 à 22:21
Qu'en est-il de la musique ?
20/05/2019 à 14:33
@Affreux Sale et Méchant,
aucune date officielle d'annoncée pour le moment malheureusement même si des bruits de couloirs prédisent une sortie à l'automne. Rien d'officiel pour le moment en tout cas !
20/05/2019 à 14:33
Je vois ici et là quelques critiques sur la "bondieuserie"du film.
j'ignore totalement si c'est justifié ou pas mais toujours est il que c'est précisément ce qui m'a dérangé dans Tree of Life .
Cette odeur de catéchisme m'avait totalement perdu sur le fond malgré une réalisation et une puissance émotionnelle hors du commun.
j’espère être moins dérangé par ce coté dans Une vie cachée :)
Belle critique.
20/05/2019 à 13:45
Un papier qui fait envie, par le meilleur critique cinéma du moment. Et c’est pas la haute saison du léchage de bottes...
20/05/2019 à 09:11
Merci pour ce beau déroulé de mots. Et bonne nouvelle, un Terrence Malick appliqué à conjuguer un scénario et une histoire intelligibles.
19/05/2019 à 23:31
Si il pouvait venir à Canne chercher son prix, ce serait énorme.
19/05/2019 à 22:07
Les avis presse sont divisés, certains ont détesté, d'autres adoré.
C'est le film que j'attends le plus cette année, Malick reste un génie du 7e art, vivement la sortie !
19/05/2019 à 21:50
@Affreux Sale et Méchant Oui.
19/05/2019 à 21:31
Merci pour cette critique. On connaît la date de sortie ?