Festival Même Pas Peur - Jour 2 : rhum arrangé, scorpion fluo et body horror

Christophe Foltzer | 21 février 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 21 février 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

SI la première journée du festival avait déjà posé ses intentions, cette seconde journée de Même Pas peur, 9ème édition qui se déroule au cinéma Henri Madoré du 20 février au 23 février, à Saint-Philippe, confirme qu'il en a dans le ventre.

A quoi reconnait-on un vrai bon festival ? Pas à sa compétition officielle, encore moins à son défilé de starlettes sur les tapis rouges. Non, un vrai bon festival ne s'enorgueillit d'aucun apparat pour nous transporter dans un autre monde tout en nous faisant nous sentir instantanément chez soi. Un sens de l'acceuil et du partage qui constitue à n'en point douter cette seconde journée du Festival Même Pas Peur, dont la 9ème édition se tient en ce moment même à l'ïle de la Réunion, à Saint-Philippe.

Toujours dans cette volonté de découverte et d'exploration d'un cinéma étrange, envoûtant, fascinant et parfois dérangeant, cette deuxième journée a encore réservé son lot de sensations fortes. Par sa nouvelle fournée de courts-métrages pour commencer. Si la projection d'ouverture nous avait déjà énormément plu, elle ne constituait manifestement que la partie émergée de l'iceberg, le tour de chauffe du festival. Le démarrage en douceur.

 

photo UltravioletL'envoûtant Ultraviolet

 

Là, dès le premier court, Mr. Death, d'Andreas J. Riiser, l'étrange reprend ses droits avec cette vision très administrative de la mort qui explique son quotidien et les difficultés de son travail dans une époque moderne qui l'oblige au rendement. Un sujet qui pourrait s'avérer particulièrement lourd s'il n'était empreint d'un second degré ravageur, d'un humour à froid et d'une réelle tendresse pour son personnage principal qui font du film un objet étonnament émouvant tout autant que drôle. Une excellente entrée en matière.

Citons aussi le très étrange Ultraviolet de Marc Johnson, qui verse allègrement dans l'expérimental avec son parti-pris artistique radical. Une femme se reconnait dans un scorpion mais n'arrive plus à savoir si c'est elle qui rêve qu'elle est la créature ou l'inverse. S'en suit un envoûtant jeu entre les corps de la femme et celui du scorpion, dans un ballet autoérotique fascinant, d'autant que visuellement le film est particulièrement soigné avec son traitement fluo des plus réussis. Une parenthèse contemplative et troublante qui mérite qu'on s'y attarde.

 

photo CreswickCreswick

 

Creswick quant à lui, de Natalie Erika James, parvient à nous raconter beaucoup de choses dans ses 10 minutes sans pourtant jamais nous les montrer réellement. Lorsqu'une femme vide la maison familiale de son père ébéniste et qu'il lui dit que parfois il a l'impression de ne pas être seul, c'est tout un pan de la psyché familiale qui s'ouvre sans crier gare. En jouant admirablement avec les ambiances lourdes et pesantes, angoissantes au possible, les cadres qui laissent deviner un hors-champ terrifiant, le film parvient à installer une vraie tension toute en subtilité, preuve que l'auteure maitrise son sujet, que l'on aimerait d'ailleurs beaucoup voir en long-métrage du coup, histoire de donner une leçon à tous les films d'horreur consensuels actuels. D'autant qu'il se conclut par une impressionnante image fugace, qui, bien que dédramatisée au possible produit un effet monstrueux sur le spectateur. Vraiment, une réalisatrice à surveiller de très près.

 

photo EstigmaLe très impressionnant Estigma

 

Et puis, tant qu'on y est, allons à fond dans l'horreur surprenante et parlons un peu body-horror avec le très impressionnant Estigma de David Velduque. Ou comment la première expérience homosexuelle d'un jeune homme traitée sur un mode des plus naturalistes se transforme à notre insu en film de David Cronenberg avec créature visqueuse, boutons purulents sur le corps et métamorphoses physiques peu ragoûtantes. Hormis le dernier plan du film un peu trop significatif qui gâche un peu la fête, l'ensemble est d'une haute tenue et surprend par l'excellence de ses effets spéciaux et maquillages qui n'ont pas à rougir face aux travaux de professionnels plus chevronnés et installés dans le métier.

 

photo, Hasan Ma'juniPig

 

Le mot d'ordre du festival étant le partage et la découverte, notamment de films qui n'ont aucune chance de sortir sur les écrans réunionnais, la journée s'est poursuivie avec la projection de l'excellent Pig, de Mani Haghighi, qui nous avait bien tapé dans l'oeil au moment de sa sortie, présenté ici par Daniel Chabannes, distributeur du film via sa société Epicentre Films. Une oeuvre qui a bien évidemment marqué le public par sa radicalité et cet emballage si particulier qui fait que nous l'aimons autant.

Quant à votre serviteur, il s'est fait une joie de présenter Under the Silver Lake de David Robert Mitchell, convaincu qu'un bon gros film de stoner en mode halluciné dans un Los Angeles déphasé par le réalisateur d'It Follows ne pouvait qu'intéresser ce public curieux et passionné par le cinéma et par tous les cinémas. Et, visiblement, nous ne nous étions pas trompés.

 

photo, Riley KeoughUnder the Silver Lake

 

On ne tarit donc pas d'éloges sur ce festival réellement à part dans le paysage cinématographique actuel, rafraichissant au possible et qui ravive notre passion pour un cinéma moins clinquant, moins exposé mais beaucoup plus ambitieux que ce que l'on nous propose habituellement. Il mérite à ce titre un réel soutien du public, des institutions et des médias. Et on ne dit pas ça parce qu'on a fini la soirée au rhum arrangé.

 

A suivre...

 

photo Même pas peur

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commentaires
Snake Plissken
22/02/2019 à 09:57

Moi j'aime la peur

CLLrun97439
22/02/2019 à 09:19

Merci pour cet article passionnant et clair qui fait une bonne synthèse de notre soirée d’h. Il nous a manqué à la fin la possibilité de parler du dernier film... ce n’ Que partie remise. Amitiés. Claire