Lars Von Trier se lâche et parle d'Hitler, des femmes, de Björk et de Metoo dans la promo de The House That Jack Built

Christophe Foltzer | 18 mai 2018
Christophe Foltzer | 18 mai 2018

Comme on pouvait s'y attendre, la projection cannoise de The House That Jack Built a tourné en mini-scandale avec une centaine de spectateurs quittant la salle et des festivaliers visiblement choqués par le propos et le traitement du film.

Tout au long de sa filmographie, Lars Von Trier n'a jamais fait de prisonniers. Il s'est même fait une spécialité de mettre son gros doigt là où ça fait bien mal et d'appuyer dessus avec le sourire. Et c'est une des raisons pour lesquelles son cinéma est intéressant. Mais à côté de ça, LVT est aussi victime de sa personnalité. On se rappelle en effet sa mise au ban du Festival de Cannes en 2011 après une blague sur Hitler qui lui a valu d'être Persona Non Grata à vie.

 

Photo Lars Von Trier

Lars Von Trier

 

Si la situation s'est arrangée et qu'il est de retour à Cannes, LVT n'a cependant pas droit à la Sélection Officielle, manière de lui rappeler sa punition. Mais il s'en fout. Et ce n'est pas pour ça qu'il va changer son discours. Et il l'a prouvé lors de quelques interviews autour du film, où il a parlé de la façon la plus sincère des nombreux sujets qui en font un personnage sulfureux et notamment au micro d'Allociné. Morceaux choisis :

"QUESTION : Peut-on dire que votre film est une réaction à ce que vous avez vécu à Cannes ?

LVT : Je suis taquin, dans le sens où je ne ferai plus de film sans Hitler désormais. Hitler sera toujours là d'une façon ou d'une autre.

QUESTION : Vous avez dit qu’il y avait eu un accueil très chaleureux quand vous êtes rentré dans la salle du Palais des festivals, mais était-ce clair dans votre tête à ce moment-là que des personnes allaient sortir avant que le film ne soit terminé?

LVT : Je l’espérais, oui. J’ai entendu qu’il y en a eu environ 100. J’ai dit : « la prochaine fois, ce sera 200 ! »

QUESTION : Ca vous plait de savoir que des personnes sont choquées ?

LVT : C’est une réaction, non ? La plupart des gens ne réagissent pas du tout aux films. Ils doivent d’abord avoir l’idée de vouloir sortir, puis passer à l’acte. C’est tout un processus de sortir d’un cinéma, au milieu d’un film. Je me souviens que quand je suis venu ici avec Element of Crime, c’était un autre type de siège dans la salle, et quand quelqu’un se levait, ça faisait « boum », « boum »… J’étais donc assis là, et quand une nouvelle scène commençait, ça faisait « boum », « boum », « boum »…. C’était comme une symphonie ! Cette fois-ci, je ne sais pas avec certitude combien de personnes sont parties."

 

Photo Matt DillonThe House That Jack Built

 

Bon, jusque là, rien d'anormal, LVT justifie son film et ses choix, bref, il fait sa promo et surfe sur le scandale. Mais, un moment donné, il faut quand même parler des précédents du réalisateur.

"QUESTION : Que pensez-vous du mouvement Me Too et des accusations à votre encontre ?

LVT : Je pense que le mouvement Me Too est une idée brillante. Si c’est utilisé de la bonne façon, c’est quelque chose de très important. Le problème est qu’Internet est quelque chose dont on n’avait pas imaginé que cela influerait autant sur nos vies. Personne n’avait pensé que ceci ou cela pourrait arriver. Seulement que certaines personnes réprimées dans certains pays avaient un moyen de s’adresser au monde, ce qui est bien bien sûr. J’ai juste peur que… Si quelqu’un dit cette personne a commis un meurtre ou autre, elle est normalement présumée innocente jusqu’à ce qu’on prouve qu'elle est coupable. Vous savez, 90% des journalistes à qui j’ai parlé croient que j’ai harcelé Björk, mais c’est ridicule car j’ai nié, mais personne ne l’a écrit. Car une bonne histoire, c’est d’écrire que je l’ai harcelé. Et ce n’est pas le cas. Je l’ai touchée, c’est vrai. Je l’ai fait avec toutes mes actrices. Parce qu’elle faisait un travail vraiment intense : crier, être malade… Donc évidemment que je l’ai étreinte. Mais si elle pense qu’une étreinte est du harcèlement, alors je pense que je n’arriverais pas à réaliser sans toucher mes acteurs. Je ne la touche pas aux mauvais endroits, je pense.

 

Photo Lars von Trier, BjörkSur le tournage de Dancer in the Dark

 

 

QUESTION : Il y a un moment dans le film pendant lequel Jack dit qu’il se sent coupable d’être un homme. Y a-t-il un lien avec ce que vous venez de dire ?

LVT : Je me sens coupable d’être un homme, dans des situations comme celles-ci où il est question des sexes. J’ai tendance à voir une question des deux côtés. Je vais dire quelque chose que je regretterai peut être, mais on doit prendre en considération la biologie. C’est-à-dire que les hommes ont de la testostérone, et vous pouvez vous en servir ou non. Je ne parlerai jamais en faveur du viol bien sûr. Je pense que personne ne devrait faire ce que ces personnes ne veulent pas. Mais je pense toujours que quand vous êtes un homme – et je suis sûr que vous avez une sexualité, aussi en tant que femmes (il y avait trois femmes journalistes, dont AlloCiné, et huit hommes présents à cette table-ronde, Ndlr.) – mais j’ai la conviction qu’il y a des différences entre les sexes. En Suède, ils ont introduit un nouveau mot, qui est un mélange de him et her, hem. Désormais, dans les articles, le mot hem est utilisé pour ne discriminer personne, et ça c’est hystérique. Est-ce qu’on peut revenir en arrière, et je dis que je n’ai pas de commentaire à faire ? (rires confus dans la salle, Ndlr.)

 

Photo BjörkBjörk dans Dancer in the Dark

 

QUESTION : Peut-on également revenir sur le moment où vous avez été banni de Cannes. Quand vous êtes retourné au Danemark, ils voulaient vous sanctionner...

LVT : Ce n’est pas le gouvernement danois, mais la France. L’idée était de me juger et j’ai été menacé de cinq ans prison à Marseille. Cinq ans dans n’importe quelle prison me tuerait. A Marseille, ce serait ridicule. Ils feraient aussi vite de me jeter du haut d’une maison.

QUESTION : Comment avez-vous vécu cette période ?

LVT : C’était terrible. Je suis un homme facilement effrayé. Bien sûr qu’ils peuvent me faire peur si on sent que toute une nation se tourne soudainement contre vous. J’admets que c’était maladroit, et en particulier parce que la France a un problème avec la Seconde guerre mondiale, le gouvernement de Vichy et la question des Juifs. Je m’en serais probablement mieux sorti en Allemagne. Je devrais être plus prudent. Mais d’un autre côté, j’ai vécu en n’étant jamais prudent dans les films que j’ai fait. Donc d’être très prudent serait moins honnête.

 

AntichristSur le tournage d'Antichrist

 

 

Dans la salle de presse, il n’y avait aucun problème. Et soudainement, quelqu’un est venu à moi, en me disant : excusez-vous ! J’ai dit : « de quoi devrais-je m’excuser ? » « Vous avez dit ceci, cela… » Je ne vais pas m’excuser car je ne crois pas aux excuses. Je dirai que je suis désolé, que je n’ai pas été clair. Mais ce n’était certainement pas assez. Et puis on m’a mis en troisième position de la liste des personnes détestant le plus les juifs pour quatre ans ou quelque chose comme ça, et ça c’est mauvais.

Le problème est le même qu’avec Me Too et tout ce qu’il y a sur Internet. Si c’est là, basé sur une rumeur, parce que j’ai été libéré après avoir été jugé – pendant deux ans, j’ai eu des conversations avec un juge français, et j’ai été libéré -. Mais comme c’est là, ça en devient vrai. Parce que c’est une source de confiance. Mais si cette source de confiance ne l’est pas, Internet peut faire beaucoup de mal."

Donc, encore une fois avec Lars Von Trier, on ne va pas commenter ses propos, on vous laisse juste méditer dessus.

 

Affiche

Tout savoir sur The House That Jack Built

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commentaires
Spil
20/05/2018 à 12:54

Erratum europa est de la bombe

Spil
20/05/2018 à 12:50

Très grand réalisateur Europe de la bombe

lol
18/05/2018 à 21:28

Il est très bien cet homme, je vais regarder sa filmographie de ce pas

Clem13
18/05/2018 à 19:51

Je ne vois rien de choquant dans ses propos, on a juste un artiste honnête qui a peur de la dictature de la pensée qui s'installe et tente subtilement d'exprimer ses craintes... Décidément un personage que j'apprécie !

Number6
18/05/2018 à 18:06

#jesuislars

ClikClic
18/05/2018 à 17:41

Belle interview , j'aime bien le personnage et la bande annonce de son film est une tuerie !!!

Buddy
18/05/2018 à 17:31

"Si la situation s'est arrangée et qu'il est de retour à Cannes, LVT n'a cependant pas droit à la Sélection Officielle."
Mais... bien sûr que son film est en Sélection Officielle.

F4RR4LL
18/05/2018 à 17:28

Je suis Lars.
De toute façon nos enfants vivront mieux que nous car cette folie ne pourra pas durer. ça fait 5 ans ou 10 ans que ce politiquement correct est devenu un boa constricteur et a un moment les gens vont se révolter et on en reviendra au temps des bonnes moeurs, comme durant les années 60

Dirty Harry
18/05/2018 à 13:04

Faut résister Lars ! Ne te laisse manger par la pression de la société et ses dogmes moraux complètement hypocrites et leur imposture de se présenter comme "évolués" ou supérieurs !

Atrée
18/05/2018 à 12:01

Amen Lars ! Incroyable cette dictature de la pensée et du politiquement correcte, heureux de voir que le bonhomme n'a pas perdus son caractère subversif.

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