Pourquoi Blade Runner 2049 s'est planté au box-office

Jacques-Henry Poucave | 9 octobre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jacques-Henry Poucave | 9 octobre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

À l’issue d’un très intense marathon promotionnel, Blade Runner 2049 s’est cassé les dents au box-office américain, amassant seulement 31 millions de dollars à l’issue de son premier week-end d’exploitation, quand Warner, Sony et Alcon s’attendaient à des chiffres compris entre 43 et 50 millions (soit un début relativement modeste). Malgré des critiques dithyrambiques et des premiers retours majoritairement positifs, pourquoi le blockbuster de science-fiction s’est-il ainsi ramassé ?

 

IGNORER LE GRAND PUBLIC

Pour les fans du Blade Runner de Ridley Scott, les multiples trailer, featurettes et spots Tv, affiches, posters, photos ont pu apparaître comme de vibrantes réussites. Souvent somptueuses – exception faite de l’abominable affiche finale, aux airs de DTV réalisé par Steven Seagal – ces créations ont eu le bon goût de ne rien dévoiler de l’intrigue.

 

Photo Harrison FordBladiana Jonard et le Répliquant de Cristal

 

Une orientation parfaite pour tous les cinéphiles désireux de voir un film sans connaître préalablement la moitié de son intrigue. Problème : la promotion de Blade Runner 2049 n’a même pas pris la peine d’expliquer au grand public de quoi causait le film.

La majeure partie des spectateurs n’ont pas vu Blade Runner. C’est bien dommage, mais c’est ainsi. Partir du principe que tout le monde connaît l’univers de Philip K. Dick, les répliquants, et l’histoire de Deckard, c’est dire en creux à énormément de spectateurs que Blade Runner 2049 n’est pas pour eux et ne s’inquiète pas du tout de leur raconter quoi que ce soit.

 

Photo Ryan Gosling, Carla Juri, Mackenzie DavisUn décor qui amusera les fans de la première heure... mais les autres ?

 

Pire, les trailers ont carrément éloigné une large partie de l’audience, en se focalisant sur le retour de Harrison Ford, venu du premier film. Une information totalement neutre pour qui n’est pas familier avec cet univers.

Or, un univers esthétisant, aux thématiques complexes et à l’intrigue à peu près incompréhensible pour qui n’a pas vu l’original, doit être un minimum

 

FILM OBESE

Il y a de multiples raisons de se féliciter de l’existence de Blade Runner 2049, tant les récents blockbusters ont tenté de s’éloigner de toute forme de proposition artistique, d’ambition, et de liberté créative.

 

Photo Ryan GoslingGosling, pas le meilleur choix pour attirer le public dans les salles ?

 

Mais sur le papier, on ne comprend pas bien comment  les producteurs de Blade Runner 2049 ont pu espérer que l’entreprise fonctionne. Avec un budget de plus de 150 millions de dollars (hors promo !), un classement R et une durée de 2h 40, synonyme d’un nombre de séances inférieur à la concurrence, le blockbuster paraît très peu adapté au marché dans lequel il débarque.

À ce titre, on pourra se demander si paradoxalement, les critiques extrêmement positives n’ont pas joué contre le film. En effet, lire un peu partout une presse louant une œuvre déroutante, à l’opposé du spectre du divertissement contemporain, volontiers contemplative, n’a probablement pas encouragé les nouveaux venus à se risquer dans les salles.

 

Photo Harrison Ford, Ryan GoslingUn duel au sommet... ou pas.

 

DES LARMES DANS LA PLUIE

Ce que révèle ce désintérêt pour le film, c’est également que globalement, le chef d’œuvre de Scott est toujours clivant. Si ses défenseurs ont toujours donné de la voix pour que la proposition esthétique et thématique renversante du réalisateur soit reconnue à sa juste valeur (et y sont parvenus), pour beaucoup, l’œuvre demeure déplaisante, inaccessible, ou profondément inintéressante.

Délire contemplatif entre SF et film noir, tendance arty glauque, totalement à rebours de la ligne claire et de la décomplexion euphorique du cinéma grand public des années 80, Blade Runner, redécouvert par de nombreux spectateurs à l’approche de sa suite, laisse toujours autant de gens sur le bord du chemin.

Le moindre article sur le sujet s’avère révélateur tant les commentaires témoignent souvent de la surprise éprouvée par une partie du public, désarçonnée par cette création qui les prend à rebrousse-poil. C’est une réalité que Blade Runner 2049 n’a pas pu ou voulu regarder en face. L’immense majorité se contrefout du précédent film, voire le conchie gentiment.

 

Harrison Ford Ryan GoslingUn hommage au premier film qui risque fort de laisser le public contemporain insensible.

 

FANTASME DE L’INDUSTRIE

Les réseaux sociaux et la fièvre cinéphile, ainsi que la manière dont elle s’exprime actuellement a pu fonctionner à la manière d’un verre grossissant et faire surestimer l’importance de Blade Runner dans la culture collective. Le film est une œuvre matricielle, dont les fans, réels, supposés ou moutonniers, entretiennent régulièrement le souvenir.

Mais la fréquentation des salles le prouve : les spectateurs qui se pressent pour voir le film de Denis Villeneuve sont à près de 40% des hommes de plus de 40 ans. Une statistique qui témoigne d’une cible assez réduite et éloignée de celle qui fit l’énorme succès du tout récent Ça, à savoir un public mixte essentiellement composé d’individus entre 13 et 20 ans.

Contrairement à l’analyse hollywoodienne, il n’y a pas de mouvement d’excitation transversal en faveur du film ou de son univers dans le grand public. Il faut dire que l’échec de Blade Runner 2049 arrive après un été aux airs de catastrophe stellaire pour Hollywood, qui a enregistré son plus faible taux de fréquentation sur le territoire américain depuis une vingtaine d’années, entraînement des pertes de plusieurs milliards de dollars dans le secteur de l’exploitation (notamment dans le réseau de salles AMC, qui  a perdu plus d’un tiers de sa valeur durant l’été en bourse).

 

Photo Ryan Gosling"Une place pour le film avec le clown siouplaît."

 

Ajoutons à cela un casting particulièrement alléchant… mais pas très bankable – Ford n’a rien fait qui surexcite le grand public depuis trop longtemps et Gosling est perçu comme un comédien de cinéma d’auteur prestigieux – et très masculin. Tandis que public, critiques, et artistes débattent vivement de la place des femmes, devant et derrière la caméra, Blade Runner pourra sembler à qui ne connaît pas son univers ou celui de Ridley Scott, comme un jeu de nerds entourés d’androïdes sexy.

Rien de tout cela ne remet en cause les qualités intrinsèques du film de Denis Villeneuve,  mais ce qui se dessine comme un lourd échec au box-office pourrait bien enfoncer un nouveau clou dans le cercueil de la créativité hollywoodienne en matière de films à gros budget.

 

Photo

Tout savoir sur Blade Runner 2049

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commentaires
The replicant
04/11/2017 à 10:59

Très bonne comédie américaine !? vous allez rire du début à la fin !! croyez-moi

Superhuman
16/10/2017 à 11:44

Article bien con et... consensuel.

Thierry
10/10/2017 à 09:14

Je rappelle tout de même que le film fait, en quelques jours seulement, 82 millions de dollars, soit 32 aux USA et 50 dans le reste du monde(box office mojo). Bonne, très bonne nouvelle, les USA ne sont pas l'entièreté de l'espèce humaine. Il n'y a là aucune raison de s'inquiéter.
On notera aussi que "Spider-Man: Homecoming" a atteint les 879 millions de dollars, soit numéro 4 à cette heure au box office mondial pour 2017. Un film qui semblait décevant au départ en terme de rentabilité....

Oula
10/10/2017 à 09:11

C'est plutôt des bons chiffres, pour un film non grand public, et d'une durée assez longue. Surtout dans le marché actuel et le genre sf du film. Le studio ne s'attendait sûrement pas à pulvériser des records, et le gros budget était simplement nécessaire pour l'ambition et la réalisation du film, mais certainement pas pensé pour être un blockbuster lambda.

Gage
09/10/2017 à 22:47

Le gros problème de toutes ces suites à la c... à la mode c'est qu'elles sont trop "propres" visuellement ou esthétiquement parlant. Même l'affiche donne envie de fuir... Où est passé la bonne vieille crasse d'antan ou cela suintait même par delà l'écran ?

Zippo
09/10/2017 à 21:32

à l'international il fait déjà 80 Millions de dollars, ce ne sera pas un carton mais il peut s'avérer bénéficiare. Et puis c'est un grand film, qui résistera bien mieux au temps que bcp de films commerciaux d'aujourd'hui

sandwill
09/10/2017 à 21:08

je me rappelle nettement avoir vu blade runner a l'époque et il n'y avait que 4 personnes dans la salle,le film avait été un échec artistique et commercial.
il a fallu une ressortie director's cut et le temps aidant c'est devenu un film culte.
alors wait and see...peut-etre que dans 10 ans ,et au vu de la qualité des films que l'on va avoir,se seras a son tour un film culte.

MystereK
09/10/2017 à 20:24

@Cervo

4a fait des semaine que Sony annonçait qu'ils estimaient bien un score de 45 mio pour le premier week-end, on trouve facilement les articles sur IMDB, alors il ne faut pas dire que cela n'est pas vrai. Ils ont bien le droit, connaissant le résultat du film avant nous, d'estimer que c'est ce qu'ils attendent même si c'est en dessous des standards usuels pour ce genre de film.

Pickle Rick
09/10/2017 à 18:45

@Supplex

Cet article d'EL est un plagiat d'un billet d'un collaborateur de Forbes sur sa page perso tout simplement parce qu'il défend la même thèse avec exactement les mêmes arguments.

Après, c'est pas très grave, on a tous regardé par dessus l'épaule du voisin pour copier. Par contre quand t'es pris c'est petit de nier. Mais après tout, cette histoire de plagiat n'est pas très importante, dans la presse actuelle ça se fait partoutx.

C'est plus gênant sur le fond, parce que cet article est bourré de trous, de raccourcis et de conclusions hâtives et ignore volontairement des contre-arguments sans aucune raison.

Les critiques trop bonnes ont été un handicap ? sérieusement ? Le film a été trop hypé ? Il l'a été autant que "Fury Road" ou "Ça". "Ça" aurait été un succès parce qu'il visait les 13-20 ans ? sérieusement encore ? "Ça" est classé R et ne vise donc pas les 13-20 ans. En plus il a beaucoup marché sur la nostalgie du roman et de l'adaptation tv donc auprès de 40 ans... comme "2049".

Ajoutons que le postulat même de l'article est erroné : ce 1er week end n'est pas assez faible pour parler de plantage.

Ethanhunt
09/10/2017 à 18:24

Le plantage était prévisible mais tout le monde s en branle complètement de ce blade runner et moi le premier déjà que le blase runner de Ridley Scott était naze!!!

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