Interview Mr Garcin : Super-héros et pop-culture à la galerie Arludik

Florian Descamps | 11 mars 2015
Florian Descamps | 11 mars 2015

A quelques semaines de la sortie du très attendu Avengers : L’Ère d’Ultron au cinéma, la galerie Arludik accueille les collages de Mr Garcin à l’occasion d’une exposition consacrée aux super-héros et à la pop-culture. Jeune artiste Montpelliérain autodidacte et passionné de comics et de jeux vidéo, ce dernier se livre à nous au travers d’une discussion généreuse, où il n’hésite pas à aborder l’actualité Marvel au cinéma. Rencontre avec l'homme masqué.

En s’attardant sur les oeuvres exposées, on ne peut que s’arrêter sur celle dédiée à la firme Capcom. Elle semble contenir toute l’histoire de la société… C’était un voeu ?

Totalement. J’ai même poussé le vice jusqu’à y inclure leurs tout premiers jeux, inconnus du grand public. C’est l’une de mes premières motivations, et ce pourquoi j’étais content de pouvoir exposer chez Arludik. Certes, mes oeuvres représentent une démarche artistique que j’affectionne, mais au-delà, j’essaye toujours de leur apporter une dimension ludique. Ici, je passe en revue toute l’histoire de la firme. Mais sur le collage d’Astérix qui est juste à côté, j’ai par exemple tenté d’inclure tous les personnages de l’univers, depuis sa création. Je pense y être arrivé à 99%.

Ce qui doit représenter une certaine masse de travail…

Oh oui. L’oeuvre qui m’a pris le plus de temps est sans doute ma reproduction de La Vague d’Hokusai, qui est composée de 400 mangas différents, dont certains importés directement du Japon. Mais celle-ci a fait indéniablement parti des plus compliquées à réaliser, pour une raison toute bête, mais à laquelle je n’avais pas pensé : contrairement aux comics et aux mangas, la culture visuelle Franco-Belge ne raffole pas du gros plan, ou de la pleine page. De fait, la plupart des personnages du collage ne doivent pas excéder la taille de mon pouce... Ça a été un énorme travail de découpage.


Parlant de BD Franco-Belge, vous aviez déclaré dans une précédente interview que des oeuvres comme Astérix ou le périodique Strange faisaient parties des choses avec lesquelles vous aviez appris à lire, enfant. Où les situez-vous dans votre culture personnelle par rapport aux jeux vidéo ou aux mangas, qui j'imagine sont entrés bien plus tard dans vos intérêts ?

Je dois avouer ne jamais m’être posé la question. Je ne les différencie pas en fait. Lorsque j’entends parler de pop-culture, je les mets tous sur un même pied d’égalité, qu’il s’agisse d’Astérix, Batman, Spider-Man ou encore Les Simpsons. Lorsque je repense par exemple à ma fresque consacrée à Capcom et que je vois des personnes de 30-40 ans arborer des t-shirts à l'effigie de certains de leurs personnages, je me dis que le jeu vidéo a fait beaucoup de progrès au niveau de sa représentation populaire depuis quelques années, et qu’il fait aujourd’hui également parti de la pop-culture.

Pour être clair, toutes ces oeuvres me passionnent. J’ai grandi ou je me suis forgé avec. Après, d'un point de vue strictement artistique, je suis malheureusement aussi dépendant du matériel que j’ai à disposition. J’ai pensé un temps consacrer un collage à South Park par exemple. L’idée a été vite abandonnée lorsque je me suis rendu compte qu’aucune BD n’était sortie dans le commerce... Je n'ai aucune envie de prendre comme base le numérique, ou des captures d'écran. Ca ne serait plus la même expérience de création.

Pour en arriver au sujet principal de vos oeuvres et contextualiser un peu plus votre parcours artistique, parlons de Marvel, qui vous a contacté il y a 3 ans au sujet de votre collage consacré à Spider-Man pour en faire la couverture de son Spider-Man 700… Vous avez d’autres projets avec eux ?

Plus vraiment, malheureusement. Depuis la couverture de Spider-Man, j’ai collaboré six autres fois avec eux, notamment sur les séries Thor, Iron Man, Daredevil et Nova. Mais il se trouve que la personne avec qui j’étais en contact chez Marvel ne travaille plus chez eux. Elle est chez Marvel Animation aujourd’hui, il me semble. Et son successeur avec qui je suis pourtant en contact est moins réceptif à mon travail. Cela dit, je ne désespère pas, la passion reste là, je continuerai à proposer, et qui sait, peut-être qu’un jour je collaborerai à nouveau avec eux.

En revanche du côté DC Comics, je viens de sortir un collage consacré à Batman en partenariat avec Warner. Et le poster qui sert d’illustration à l’exposition est disponible depuis aujoud’hui à 150 exemplaires en partenariat avec French Paper Geek.



Certes on vous sent déçu de ne plus avoir de projet avec Marvel à ce jour, mais ce Spider-Man 700 justement, peut-on dire que c’est lui qui vous a révélé au grand public ?

Complètement ! Et ce qui est drôle, c’est que c’est justement la toute première oeuvre que j’ai pensé en mosaïque, avec une composition dense, et en grand format. Auparavant mes collages étaient peut-être plus « légers ». Une fois le collage terminé, je l’avais en fait envoyé au site Geek Art, qui l’a mis en ligne. À partir de là, je me suis rendu compte du pouvoir d’Internet : en 5 jours, l’image avait fait le tour des blogs, était remontée jusqu’à Marvel, et un joli courrier de leur part m’attendait dans ma boite mail. Ils ont d’ailleurs choisi très tôt d’en faire la couverture du Spider-Man 700, j’ai du tenir le secret plus d’un an…

Outre l’importance qu’il a eu pour votre carrière, que représente Spider-Man pour vous ? C’est probablement l’un des super-héros les plus iconiques, aux côtés de Batman et Spider-Man. Une attache particulière ?

Oh, pas spécialement. D’ailleurs, même si Spider-Man reste effectivement leur personnage le plus populaire, je dois avouer avoir une certaine tendresse pour Iron Man chez Marvel. Le personnage est drôle, de plus en plus populaire avec l’avénement du Marvel Cinematic Universe, mais sait aussi être grave. Lorsque l’on se souvient que dans les années 90, Tony Stark était alcoolique et obligé de se faire remplacer par un ami dans le costume de l’homme d’acier…

L’idée de cette oeuvre m’est surtout venue en regardant un dessin de l’oeil de Spider-Man sur Internet. Ce qui est plutôt amusant parce que j’avais failli refuser quelques jours auparavant un stock important de comics en noir et blanc, que je ne voyais pas comment utiliser dans mon travail. A la vision de ce dessin, cela m’a paru limpide : ces comics formerait l’oeil de Spider-Man. Les quelques Venom de mes autres comics formeraient le contour noir du masque, et le reste serait fait de Spider-Man. C’est en partie grâce à ça que mon travail s’est transformé : du costume de Spider-Man, il ne fallait mettre en avant que le rouge. Quel meilleur moyen que de penser ma composition en une mosaïque dense ?

En tout, il a fallu un bon mois pour mettre au point ce collage. Un semaine de découpe, et trois autres de mise en place.

Vous avec abordé le Marvel Cinematic Universe en parlant d’Iron Man, impossible de ne pas vous poser la question : quel regard portez-vous sur l’industrialisation de Marvel au cinéma, qui d’ailleurs résulte du retour en grâce des super-héros et de leur entrée dans cette culture populaire ? Avengers : l’Ére d’Ultron arrive le mois prochain, Spider-Man quant à lui revient enfin chez Marvel, et on parle d’ors et déjà de l’absence de Peter Parker au profit de Miles Morales sous le masque de l’homme araignée pour son prochain film...

Je n’étais pas au courant des rumeurs vis à vis de Miles Morales, mais je pense que c’est une bonne chose. Il y a déjà 5 films sur Peter Parker, ça ne me semble pas nécéssaire de raconter une fois de plus la genèse du personnage. Sur leur univers au cinéma je ne peux en penser que du bien : c’est grâce à ça qu’ils se sont sauvés. Avant le succès d’X-Men au début des années 2000, la firme était au bord de la faillite. En tant que fan, c’était un peu impensable.

Après je ne vais pas cacher que comme dans tous les genres, il y a à prendre et à laisser. J’ai beau adorer les Spider-Man de Raimi ou vouer un culte au Watchmen de Zack Snyder, lorsque je me retrouve face à Catwoman ou Daredevil, je grimace un peu. J'espère simplement qu'ils ne vont pas trop user le filon et amoindrir l'amour que le public a pour ces personnages, car il y a beaucoup à faire et à dire autour d'eux. À titre personnel, j'attends beaucoup le Ant-Man de Peyton Reed, bien qu'il me fasse aussi très peur. J'étais très heureux d'apprendre qu'Edgar Wright était nommé à la tête du projet... Aujourd'hui, j'espère que le film sera bon, et que, comme ils l'affirment, ils ont gardé intact son script original.

 

Ce retour en grâce des super-héros, et au-delà de toute une frange de la culture dite « geek », vous vous l’expliquez ?

J’ai ma théorie là-dessus. En fait, contrairement à nos parents ou aux leurs, nous sommes la génération de l’entertainment. Nous avons grandi avec le divertissement et il s’est durablement installé dans notre quotidien. En arrivant à l’âge adulte, on a donc logiquement pris le pouvoir, et c’est en ça qu’on se retrouve avec des Peter Jackson, Guillermo Del Toro ou Sam Raimi à la tête d’Hollywood. Aujourd’hui, Sam Raimi revendique haut et fort son amour pour Spider-Man. Pas sûr que ce fut tout le temps le cas.

Vous avez également consacré une oeuvre à Stan Lee… J’imagine qu’en tant que fan de super-héros, il doit représenter quelque chose d’important à vos yeux ?

Quelque chose de monumental, même. Mais attention, je ne suis pas dupe : Si Marvel et les super-héros en sont là où ils en sont aujourd’hui, c’est aussi grâce à Jack Kirby. C’est du 50/50. Ce collage, je l’ai fait à l’occasion de l’ultime déplacement de Stan Lee en Europe, lui qui a plus de 90 ans. C''était une commande, pour un recueil d'oeuvres lui rendant hommage, lors du Comicon de Londres de 2014. Mais je m'interroge de plus en plus sur l'idée d'y répondre en en dédiant un à Kirby, et ainsi en faire un dyptique. Il faudrait que je m'y mette. 

Lorsque l'on voit l'importance qu'a eu Kirby pour certains personnages... Aujourd'hui, il est impensable de toucher au costume de Spider-Man par exemple. Ce serait un scandale. Et pourtant, ce costume a plus de 60 ans.

 

Dernière question : Vous parlez de commande à propos de votre collage sur Stan Lee. S’il vous fallait par opposition choisir une oeuvre qui vous est personnelle et que vous auriez aimé faire plus que n’importe quelle autre, laquelle serait-elle ?

Question difficile. Je les adore presque toutes. Je pense évidemment à mon Spider-Man, qui indéniablement représente beaucoup pour moi… Mais lorsque je m’attarde sur la question, je pense que c’est bien mon hommage à La Vague d’Hokusai qui répondrait le mieux à ça. J’adore les manga et la culture Japonaise, j’ai essayé de leur rendre tout deux hommage avec celle-ci. Elle a représenté une somme impensable de travail, et lorsque je la regarde aujourd’hui, je suis fier d’y être arrivé.


Les œuvres de Mr. Garcin sont visibles sur son
site personnel ou jusqu'à 28 mars à la galerie Arludik – 12 rue Saint Louis en l’Île, 75004, Paris.

Merci à Gaëlle Besson et Renaud Hamard pour leur aimable accueil et leur disponibilité.

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