Pierre Jolivet : "Je suis trop complexé, trop pudique et j'ai trop peur de faire chier les gens"

Laurent Pécha | 13 avril 2013
Laurent Pécha | 13 avril 2013

Président du 5ème Festival du Film Policier de Beaune, le réalisateur Pierre Jolivet nous a accordé un peu de son temps pour parler polar bien entendu, mais aussi de sa carrière.

 

 

Vous me disiez il y a quelque temps que vous aimiez bien faire les films que vous ne savez pas faire.

C'est tout à fait vrai. Je vais prendre l'exemple de mon premier film, Strictement personnel, que j'ai eu l'impression de réécrire 25 ans après avec Mains armées. La thématique de la famille est la même dans les deux films. Strictement personnel était un drame intime, avec un petit budget, tandis que l'histoire de Mains armées est plus fouillée et on avait plus d'argent pour le faire. J'ai toujours aimé les polars qui vont plus loin que l'histoire de base et ne restent pas premier degré. Avec Mains armées, on a jonglé entre le polar et le film psychologique. Je suis vraiment fan du transgenre et j'espère que l'on pourra continuer à explorer cette façon de faire.

Avec le recul, comment analysez-vous les mauvais chiffres de La Très très grande entreprise ?

Ça a été une douleur, mais peut-être que l'époque était différente. Je crois que la crise s'est terriblement accentuée, elle est beaucoup plus violente. Et à la seconde on l'on fait un cinéma qui parle de crise, c'est compliqué à accepter pour le public. Les gens en ont marre et n'ont pas forcément envie d'en reparler le soir en allant au cinéma. Après, le succès d'un film est ce qu'il est et l'on n'a jamais une explication toute faite.

Vous êtes d'accord qu'en France on condamne très vite certains films ?

C'est une question de tempo, d'être dans le « mood ». Mais je vois avec Mains armées, on est le seul film en trois mois à avoir frôlé les 400 000 entrées. C'est-à-dire qu'il y a un besoin de comédie absolu. Le vrai miracle c'est de durer, de faire assez de films pour de temps en temps croiser un public.

 

Vous avez connu beaucoup d'échecs, mais vous continuez de tourner.

Là je suis avec des jeunes producteurs et ils ont toujours envie de faire des films avec moi. Je ne sais pas chez les spectateurs, mais chez les producteurs je dois répondre à une envie ou un besoin. Je crois surtout qu'ils sont assez sensibles à mon cinéma. Je sais ce que je veux raconter et j'essaye de le faire le mieux possible. Je pense que ce socle-là est important pour les producteurs. C'est vraiment un plus pour eux.

 

Travailler pour la télévision ne vous intéresse pas ?

 

J'ai eu et j'ai des propositions pour tourner des séries télé, mais je vais continuer au cinéma tant qu'on me laisse faire. Et je pense qu'après j'irai plus facilement vers le théâtre que les séries télé. 

 

La durée d'un film est importante pour vous, aucun de vos longs-métrages ne dépasse les deux heures.

C'est tout à fait vrai, et si l'on regarde les films qui passent en ce moment au Festival de Beaune, il y a en général un quart d'heure en trop. Mais c'est plus un problème de production que d'auteur. On a l'impression que les producteurs ont peur de taper du poing sur la table et dire : "Non, on ne dépasse pas les deux heures". J'écris en ce moment deux scénarios et je sais d'avance qu'ils ne dépasseront pas les deux heures.

 

Le paradoxe étant que votre film préféré reste Les sept Samouraïs, qui dure 3h26.

Oui, c'est sûr, mais Kurosawa est un génie. C'est une chose de s'installer en tant que spectateur devant une œuvre longue, mais c'en est une autre que de réaliser un film qui s'étale sur plus de deux heures. Je suis trop complexé, trop pudique et j'ai trop peur de faire chier les gens. Ça me vient toujours plus naturellement de faire des choses quand c'est sur la retenue. J'écris souvent des scènes en entier pour ensuite les couper. Je ne m'installe jamais en fait.  

 

Retranscription et mise en forme par Adrien Léger 

 

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