David Moreau (20 ans d'écart)

Laurent Pécha | 5 mars 2013
Laurent Pécha | 5 mars 2013

Après deux films horrifiques avec son compère, Xavier Palud (Ils, The Eye), David Moreau débute sa carrière de réalisateur en solo avec une... comédie romantique. Sauf qu'avec 20 ans d'écart, le cinéaste ne joue pas la carte de la commande puisqu'il est également le co-scénariste du film. Dans cet entretien, on va découvrir d'où lui est venue l'idée du film, pourquoi il a choisi Virginie Efira et Pierre Niney et comment il a laissé sa marque personnelle sur le récit.

En bonus, on vous a mis la version Moreau du quiz MILF que nous avons concocté pour Efira et Niney (ce dernier est visible ici et doit être vu avant celui du réalisateur pour une meilleure compréhension).

 

Ironie du sort, ton premier film en solo, comme ce fut le cas il y a quelques mois pour ton (ex) partenaire Xavier Palud, est distribué par Europa Corp.  Mais si Xavier a continué dans les films d'aveugle, après The Eye avec A l'aveugle, toi, tu pars dans une direction totalement opposée.

Totalement opposé, non. C'est davantage un film de genre. J'ai commencé avec  des films plus du style épouvante que romantique, mais ça reste du genre. C'est d'ailleurs assez étonnant de voir que ce n'est pas si différent que ça.  C'est d'autres codes, mais ça reste des codes et surtout ça reste une histoire. Je n'ai pas été très déstabilisé par le changement de bord.

Pour Xavier, le projet était une commande. Pour toi, comment cela s'est passé : est-ce que tu voulais réaliser un film personnel ou répondre à une commande ?

Je voulais faire un film de science-fiction après qu'on se soit quitté Xavier et moi après une drôle d'aventure qu'a été The Eye. Mais je n'ai pas réussi à monter le projet. Le producteur du film et ami, Abel Nahmias, m'a dit « réalise une comédie ! ». Et surtout, j'avais mon banquier de l'autre côté et je me suis dit qu'il fallait que je travaille. Cela faisait trois ans que je n'avais pas eu une caméra entre les mains et je n'en pouvais plus. Je me suis mis à écrire cette comédie avec mon co-scénariste Amro Hamzawi. Ce n'est pas forcément le film dont j'avais envie à ce moment là mais au fur et à mesure de l'aventure, c'est devenu un film personnel dans lequel j'ai mis tout ce que j'aime dans le cinéma. Même si au départ cela ne parle pas de sujets qui te sont proches, tu parviens toujours à raconter un peu de toi dans ce genre d'histoire. C'est ce que j'ai adoré dans ce film.

Ce 20 ans d'écart, cette histoire avec une MILF, c'était un fantasme quand tu étais ado...

Ce n'était pas un fantasme, je l'ai fait ! Je crois que j'avais 18 ou 19 ans. C'était avec une très belle femme de 45 ans qui m'avait carrément dragué. J'étais surpris, j'avais perdu tous mes moyens. Je ne rentrerai pas dans les détails de cette aventure mais je l'ai fait et c'était une assez jolie expérience.

 

Concernant le casting, Virginie Efira prouve une nouvelle fois qu'elle est née pour jouer dans des comédies romantiques. 

Elle est surtout généreuse et elle n'a pas peur. Virginie m'a fait confiance pour que je la filme bien. Une fois que cette confiance s'est installée, elle s'est lancée dans l'aventure en toute liberté. Je ne savais pas ce que c'était de travailler avec une actrice française, c'est mon premier film français. Enfin, j'en avais fait un avant (Ils), mais ce n'était que deux acteurs. Avec elle, ça a vraiment été agréable, elle essaye toutes les directions, elle n'a pas peur de se mettre en danger. En plus, elle est plus jeune que le personnage qu'elle incarne. En soit c'est déjà une façon de se mettre en danger. En général, c'est le contraire, peu d'actrices accepteraient de jouer quelqu'un de plus âgé.

 

Ce qui doit être génial avec un réalisateur qui travaille avec Virginie, c'est qu'elle a plusieurs facettes. Elle peut être à la fois sophistiquée, inattaquable, un peu harpie genre Girl next door et en même temps une femme de tous les jours. Cela doit être formidable pour un réalisateur d'explorer toutes ces facettes.

En fait, elle est autant réelle qu'elle est cinoche. Elle me fait un peu penser à l'actrice de Nos meilleures amies, Kristen Wiig. Elle a aussi ce petit truc là : super jolie, hyper réaliste. Dans Nos meilleures amies, c'est Wiig qui fait le film, elle démonte tout ! Virginie a un peu ce côté là, très réaliste et en même temps très précis dans la comédie. Elle mérite vraiment son succès. Elle devrait même être encore plus reconnue.

Et il y a autre chose chez elle aussi, ce qui s'est vérifié dans les deux autres comédies romantiques qu'elle a faites, elle matche avec tous ses partenaires (respectivement Cornillac et Demaison). On ne se demande pas une seule seconde si l'histoire est possible ou pas, elle rend le tout crédible.

C'est là où elle fait bien son métier. Même si dans la vie ça ne fonctionnerait peut-être pas, au cinéma elle fait que ça marche. Elle a ce talent là parce qu'elle est généreuse et qu'elle est vraiment avec ses comédiens, elle les écoute, elle embrasse leur jeu.

 

Pierre Niney a une tête et des expressions qui déclenchent forcement les rires.

C'est vrai qu'il a un truc très expressif et très précis dans le visage, ce qui fait qu'avec deux-trois intentions, quelque chose de discret, il parvient à amener la comédie. C'est assez rarissime et incroyable. Ma première référence quand je cherchais un Balthazar c'était Matthew Broderick dans La Folle journée de Ferris Bueller, qui est un de mes films préférés, faisant partie de mon top 10. Matthew Broderick est un peu plus assuré que Balthazar. Même s'il a ce côté beau garçon, il n'est pas non plus que ça. Il est smart, il ne se pose pas de questions. Bien sûr ce n'est pas le même genre d'histoire, mais je voulais que Balthazar ne se pose pas non plus de questions : il est amoureux d'elle et c'est une évidence, c'est comme ça. Et il fonce, il y va avec son cœur, sans frein, sans filtre. Quand j'ai rencontré Pierre, il avait ce côté lunaire, beau garçon mais pas trop, ce qui était parfait pour le rôle.

Tu viens du genre horrifique, où la mise en scène est généralement plus visible, alors que dans la comédie souvent on entend dire « ce n'est pas filmé, c'est que les comédiens ». Tu avais conscience de ce challenge ? Comment l'as tu relevé pour qu'on se dise qu'il y a bien un metteur en scène derrière la caméra ?

Pour te dire la vérité, je sais où j'ai fait mon boulot, je sais où je l'ai bien fait et où je l'ai moins bien fait. C'est vrai que le metteur en scène n'est pas valorisé dans une comédie. Dans les interviews, on veut d'abord voir les comédiens et le réalisateur passe en troisième ou quatrième position. La mise en scène est dans la direction des comédiens, le rythme à donner, les situations à créer et c'est hyper difficile. Il est difficile de tenir une comédie jusqu'au bout, rendre ça esthétique mais pas trop. J'ai vu un film hier, dont je tairais le nom, j'ai trouvé ça très beau mais l'esthétisme prenait un peu trop de place sur la comédie, du coup on sortait des situations. Il faut donc trouver l'équilibre entre laisser aux acteurs la place de jouer, au rythme d'exister, tout en faisant bien sûr du cinéma. Que je ne sois pas reconnu cela m'est égal. Ce que je veux c'est que les gens se marrent, qu'ils soient émus, Je sais alors que j'y serai pour quelque chose.

André Dussolier m'a dit un jour : « Il y a le scénario que l'on lit, le scénario que l'on tourne et le scénario qui est monté, et souvent ce n'est pas vraiment la même chose ». Pour 20 ans d'écart, tu te situe où ?  

Cela se situe à 27%, mais c'est déjà pas mal.  Un journaliste demandait un jour à Cecil B. DeMille s'il était content de son film et il lui a répondu « ah oui, je suis très content parce que je suis à 20% de ce que j'attendais ! ». On ne maîtrise pas, même sur notre propre film, donc on atteint toujours un pourcentage un peu en dessous de la moyenne. J'ai revu le film hier en projection équipe, et je n'ai pas eu d'angoisse. Franchement, je l'aime bien. Je n'ai jamais aimé ce que j'ai fait avant, il est très difficile de revoir ses films parce que forcément on ne voit que ce qui ne va pas. Même dans dix ans, je n'aurais jamais assez de distance pour les revoir. Je suis très fier de 20 ans d'écart et surtout d'avoir exploré un genre où je ne pensais jamais aller. Le film est à mon goût, surtout dans la comédie. Ce ne sont pas des punchlines, des vannes à tout va mais plutôt des petites choses qui vont plus dans les détails. Quelque part le film me ressemble parce que c'est mon genre d'humour.

 

 

 

 

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