Cécile de France (Gardiens de l'ordre)

L'héroïne de Haute tension revient au cinéma de genre sous la direction du réalisateur du Convoyeur. Un rôle de flic qui lui va très bien. La plus française des belges a aimé manier le pistolet et porte un regard plus que salutaire sur son métier d'actrice. 

Comment le réalisateur en est-il venu à penser à vous pour le rôle ?

Je ne sais pas comment il a pensé à moi. Peut-être qu'il s'est dit «Qui pourrait être crédible dans un flic en uniforme ? » Flic en civil c'est un peu plus facile. Quand on lui pose la question c'est ça qu'il répond. Après on s'est rencontré, c'est quelqu'un humainement que j'adore et artistiquement aussi puisque j'ai beaucoup aimé Le convoyeur. En plus c'est un réalisateur avec un vrai style à lui, un vrai univers que j'aime beaucoup et forcément ça ne court pas toujours les rues. Il a vraiment des désirs très précis, des convictions et des choses à dire. Il est intelligent, il a plein des qualités qui font qu'on a d'abord discuté ensemble et après il a écrit le scénario.

Vous êtes connue du grand public et les films de Nicolas Boukhrief ne cartonnent pas au box-office, ça ne vous fait pas peur ?

Au contraire, ça me permet de faire ce que j'ai envie. C'est une chance, un luxe aussi. En tant que spectatrice, c'est le genre de films que j'aime. Donc je ne calcule pas trop, j'y vais !

C'est l'avantage de la France car aux Etats-Unis, une actrice de votre catégorie qui fait un ou deux films qui ne marchent pas se retrouve vite oubliée ?

Moi j'y crois. Quand on choisit un film, on se dit jamais ce qui va marcher ou pas. Ou alors si on se le demande, ce n'est pas la question fondamentale. La question fondamentale est de savoir si on a un coup de cœur ou pas. Est-ce que j'ai envie, moi, d'interpréter ce personnage ? Est-ce qu'il ya des choses à faire ? Est-ce que le metteur en scène peut me nourrir artistiquement de son univers ? Est-ce que j'ai envie de partager cette histoire avec les gens ? C'est la combinaison de tout ça en fait.

Les personnages du film sont taillés sommairement parce que ça avance très vite.  En tant qu'actrice, comment avez-vous abordé l'évolution de votre personnage flic de père en fille ?

On ne s'atterre pas sur la psychologie des personnages mais c'est aussi ce qui correspond à ce genre de films. Dans un polar, on a envie de vibrer. Lorsque j'ai vu le film, j'étais complètement contractée, j'ai vraiment été prise dans l'histoire. J'ai même réussi à me détacher de moi-même et j'avais vraiment envie que Julie et Simon, les deux personnages principaux, sortent indemnes de cette aventure. Donc ce n'est pas évident d'arriver à ficeler toutes ces décombinaisons, il y a du suspense. Je pense que le film est vraiment haletant, il est efficace et en tant que spectateur on se sent vraiment investi. Il est à la fois très moderne, c'est l'univers de Nicolas, et en même temps pas du tout plan plan, on ne s'ennuie pas un seconde, ça rebondit tout le temps. J'ai tourné avec Clint Eastwood et c'est pareil, il n'y a aucun plan fixe, aucun gros plan sur les acteurs. C'est tout le temps en mouvement, c'est la situation qui est importante. On est pas obligé d'avoir continuellement des longs plans psychologiques et explicatifs sur pourquoi tel personnage a dit ça. En tant que spectatrice si je vais voir un film c'est pour voyager, c'est pour tendre la main et partir dans l'histoire pour que ça me fasse du bien pendant une heure et demie. Je n'ai pas forcément envie de décortiquer les paroles de chaque personnage. C'est juste kiffant quoi !

Le magnifique plan avec le flingue et les flammes derrière doit être très "kiffant" en tant que spectatrice ?

Oui, juste d'avoir un flingue en main est cool. C'était comme quand j'étais petite. D'ailleurs, j'ai encore tous mes déguisements, je collectionne de tout et n'importe quoi. C'est un vrai kif d'endosser l'uniforme de gardien de la paix qu'on voit dans la rue, d'avoir un flingue à la taille et de pouvoir apprendre le maniement des armes. On a appris ça pendant deux mois, on a tiré à balles réelles et c'est tellement intéressant, une expérience extraordinaire dans une vie.

En gros les acteurs sont de grands enfants qui jouent et qui sont bien payés pour le faire ?

Exactement. Vous avez tout compris.

C'est bien ?

C'est bien. On devrait dire ça chaque matin pour ne pas se prendre trop au sérieux.

Parce qu'il y en a qui râlent en disant que c'est compliqué ?

Oui et en réalité c'est le métier le plus cool du monde. C'est comme quelqu'un qui serait passionné de foot, il joue au foot quoi ! J'ai un petit garçon qui joue au foot, il a forcément envie d'en faire son métier. Pour nous acteurs c'est pareil, on joue.

Comment se comporte un cinéphile comme Nicolas Boukhrief sur le plateau ? Est-ce qu'il explique ce qu'il fait avec sa culture cinématographique ?

Absolument pas. Mais si vous lui posez des questions alors là c'est une bible, c'est incroyable. Il connait vraiment beaucoup de choses, c'est un vrai cinéphile. Ça c'est passionnant. Il ne m'a pas du tout demandé de regarder des films, il m'a vraiment laissé faire ma préparation tranquillement, créer mon personnage toute seule. Il m'a fait totalement confiance sans m'influencer en quoi que ce soit. Par contre, il laisse sa porte ouverte pour qu'on se nourrisse de son univers et ça c'est génial. J'ai vraiment pu m'imprégner de son style, il est génial ce mec.

Et Fred, il embrasse bien ?

Oui. Le pauvre, ce n'était pas facile pour lui, il était hyper stressé. En même temps, c'est un acteur qui n'a pas du tout d'ego et qui est très attachant dans la vie. Je trouve qu'il a réussi à apporter cette sympathie à son personnage, c'est preuve d'un grand savoir faire d'arriver à amener sa spontanéité naturelle dans son personnage. C'est très fort. Moi je serais incapable de le faire, c'est un grand comédien.

Et combien de prises pour le baiser ?

Trois je crois. La première était complètement ratée, il a voulu aller trop vite. Ce n'était pas bien du tout parce qu'il était trop stressé. Du coup, entre la première et la deuxième, je lui ai bien réexpliqué tout ça. Je lui ai dit « Tu ne mets pas la langue, ce n'est pas la peine. Tu es Simon, tu n'es pas Fred, moi je suis Julie, je ne suis pas Cécile. Plus vite tu fais ça bien, plus vite on passe à autre chose. » Il l'a très bien fait et la prise d'après, on l'a juste faite par sécurité, pour être sûr qu'elle soit bonne.

Vous êtes un bon coach alors ?

Oui mais parce qu'il m'a demandé. En général entre acteurs, on ne se permet pas du tout de donner des conseils, ça ne se fait pas.

Quelques mots sur Clint Eastwood, qu'est-ce que ça fait d'être sur projet ?

C'est formidable. Comme de recevoir un Oscar, être choisie par Clint Eastwood c'est complètement dingue. Je ne pensais vraiment pas que ça allait arriver, parce qu'on a passé des essais en plus. Il aurait pu nous faire passer un deuxième tour, me rencontrer avant, etc. Mais pas du tout ! Un tour, il m'a choisi et on s'est rencontré la veille du tournage. En plus de ça, il ne fait qu'une prise donc c'est quelqu'un qui vous fait totalement confiance et humainement, il est tellement impressionnant, tellement paisible. Il diffuse de l'amour, on a vraiment envie d'être dans sa peau. On a envie d'être Clint Eastwood tellement ça a l'air bien. C'est quelqu'un qui se concentre sur les mouvements de la caméra, sur les mouvements des acteurs, sur le rythme mais aussi sur tout ce qui est de l'ordre des intentions. Il vous responsabilise. C'est intelligent parce qu'il amène le meilleur de vous-même le plus rapidement possible. Donc les journées passent très vite, c'est très intense et très court.

Et vous a-t-il dit quel film il a vu avec vous ?

Aucun je crois. On a passé des essais comme dans La nouvelle star (rires). Je pense que la directrice de casting a du lui faire un petit montage des films qu'elle avait choisi. Je ne pense pas qu'il me connaissait d'avant.