Christophe Lambert (White Material)

Pierre-Loup Docteur | 23 mars 2010
Pierre-Loup Docteur | 23 mars 2010

Venise, septembre 2009. White Material est présenté pour la 1ère fois à la Mostra. L'occasion de rencontrer Christophe Lambert autour d'une table ronde anglophile. Quelques heures de traduction plus tard, cela donne ça :

 

On a plutôt l'habitude de vous voir dans des films d'action. C'est une surprise de vous retrouver à l'affiche de White material...

J'adore faire des films d'action. Mais à un moment dans votre carrière vous pensez à faire autre chose. Cela ne veut pas dire que je ne ferai plus jamais de films d'action, c'est plutôt que j'avais envie d'essayer de me consacrer à des films plus profonds, surtout parce que je croyais à ce personnage. Il me permettait de m'évader, de sortir du quotidien.

J'essaie de faire des choses différentes, je pense que c'est très important. Je choisis les projets qui m'attirent et me passionnent. Je n'ai pas envie de me lever le matin et de me sentir obligé d'aller travailler. Je veux avoir la même passion chaque fois que je me rends sur un plateau de tournage. Il faut que votre travail vous passionne tout le temps.

 


 

Après Greystoke en 1984, c'est la deuxième fois que vous tournez au Cameroun.

Oui, j'étais déjà allé au Cameroun pour Greystoke, j'y étais resté trois mois. Et aujourd'hui j'y retourne pour White material... J'ai été choqué de constater que rien n'avait changé : il y a toujours les mêmes immeubles dont la construction n'est pas achevée, toujours autant de routes détruites... Ce sont des choses qui m'ont choqué, car vingt-cinq ans, c'est énorme, et tout est toujours dans le même état. Les gens vivent toujours dans les mêmes conditions, la plupart n'ont ni électricité ni eau courante...

 


 

Ce tournage en Afrique vous a-t-il dépaysé ?

Pas vraiment, car même si j'ai grandi en Suisse, j'ai fréquenté une école internationale, où j'avais l'habitude de voir des gens appartenant à différentes cultures, ayant différentes religions... J'étais à l'école avec des Africains, des Indiens, des Japonais... Je n'ai pas été habitué à faire la différence entre les gens. C'est vrai encore aujourd'hui puisque je vis à Paris mais ma résidence principale est en Suisse et je vais toutes les six semaines voir ma fille aux Etats-Unis. Le tournage de White material en Afrique m'a permis de découvrir le pays et surtout de voir la façon dont les gens vivent.

Dans le film, mon personnage est né en Afrique, son père est né en Afrique et son grand-père aussi. Il a toujours vécu en Afrique, dans ses beaux paysages perdus au milieu de nulle part. Il ne connait pas les grandes villes de France, il est né dans la liberté. C'est différent pour Maria (le personnage joué par Isabelle Huppert), qui, elle, est arrivée en Afrique vingt ans plus tôt. Forcément, ils ne perçoivent pas le pays de la même façon. Lorsque la guerre éclate dans le film, mon personnage sait que ce ne sont pas des événements habituels. Le film traduit bien la différence qui existe entre quelqu'un qui est né en Afrique et mon personnage dans le film.

J'aime beaucoup les films de Claire Denis : White material n'est pas un film qui accuse les blancs ou les noirs. Ce n'est pas non plus un film qui a pour but de dire « voilà ce qui s'est passé à cause de la colonisation ». Quand vous apportez la civilisation, le travail, c'est sûr que vous créez des problèmes. Mais le film montre plutôt que des hommes en tuent d'autres : les blancs tuent des noirs, les noirs tuent des blancs mais aussi d'autres noirs... Le talent de Claire Denis a été de réussir à instaurer dans son film une ambiance oppressante, de traduire un sentiment de danger, alors que le tournage s'est déroulé dans un climat de paix et de sérénité.

 

 

Vous ne tournez pas de films d'action en France...

En France, mis à part Mesrine ou MR-73, il y a très peu de films policiers. J'ai l'impression que ce genre est associé à une période du cinéma français aujourd'hui révolue. Il y a une époque où les Français étaient les meilleurs dans ce genre de films : Melville avait une manière très humaine d'approcher le sujet. Par exemple, Le samouraï est un film avec peu de dialogues, où tout passe par le regard du personnage. C'est difficile de jouer ce type de rôle, et c'est ce que j'aimerais faire aujourd'hui.

Après, ce n'est pas le genre de films auxquels je veux me cantonner. J'ai par exemple tourné dans L'homme de chevet qui repose sur un scénario très beau, simple et pudique. C'est une belle histoire d'amour.

 

 

Votre film préféré reste Il était une fois dans l'Ouest...

Oui, car c'est ma première vraie confrontation avec un film, qui est visuellement incroyable. C'est une nouvelle façon de filmer, c'est le début de ce que le cinéma est aujourd'hui. Sergio Leone a changé la façon de faire des films, avec le cinémascope, l'utilisation des musiques...

Tout est énorme, démesuré. C'est un cinéma sans concession. J'ai trouvé ça époustouflant, je me suis dit : les films de Sergio Leone nous transportent dans un autre monde, et c'est ça le cinéma.

 

 

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