Joe Johnston (Wolfman)

Laurent Pécha | 10 février 2010
Laurent Pécha | 10 février 2010

Occupé par la préparation du très attendu Captain America, Joe Johnston n'a pas pu accompagner à Paris ses deux comédiens vedettes (Benicio Del Toro et Emilie Blunt) pour faire la promotion de son Wolfman. Un projet sur lequel il a été parachuté au dernier moment, après l'éviction de Mark Romanek. Mais le téléphone, c'est magique et l'occasion de discuter durant 20 bonnes minutes avec un cinéaste que l'on estime énormement, est une opportunité qui ne se refuse pas.

 

Est-ce que Wolfman est une manière pour vous de continuer votre exploration de la mythologie d'Hollywood ?

Je suis un fan du film original. C'est mon film de monstres d'Universal préféré. Et je n'avais pas fait de film R Rated (interdit aux moins de 17 ans aux Etats-Unis). Si je devais faire un film R rated, ça devait être un film que j'aime comme le premier Wolfman. C'était quelque chose de nouveau pour moi, que je n'avais pas fait avant. Je voulais en faire l'expérience et j'avais les ingrédients, le casting et l'équipe, comme Rick Heinricks (superviseur artistique) et Shelly Johnson (directeur de la photographie) que j'ai  amenés sur le film. Cela paraissait être une telle opportunité de faire quelque chose, en quelque sorte, de spécial. On n'a pas tout le temps ce genre d'opportunités.

 

 

Que s'est-il passé entre Hidalgo et ce film ? Six ans entre les deux films alors que vous êtes un cinéaste qui tournait en général plus rapidement. 

Je cherchais ce que je voulais faire. Je n'avais pas envie de faire juste un film pour payer les factures. Je voulais faire un film qui serait un défi. J'ai alors décidé de prendre un peu de temps pour moi.  J'ai construit trois maisons pour mes enfants. J'ai voyagé. J'ai fait toutes ces choses que je voulais faire. Puis, à un moment, j'ai réalisé que je n'avais pas travaillé pendant quatre ans. J'avais peut-être oublié comment faire. Il fallait que je trouve quelque chose. C'est là que j'ai commencé à chercher. J'ai eu un appel de mon agent disant qu'Universal voulait un réalisateur pour un projet. Quand j'ai appris que c'était Wolfman, j'ai dit oui tout de suite.

 

En dehors du Wolfman original, quel est votre film de loup-garou préféré ?

J'aime beaucoup Le Loup-garou de Londres. Je pense qu'ils ont fait un travail fantastique. Un standard de la transformation en loup-garou pour des années. C'est probablement celui que je citerais en tant que meilleur film de loup-garou. C'est celui qui me vient à l'esprit.

 

 

Votre transformation dans le film rappelle justement celle du film de John Landis.

Oui. Mais je ne voulais pas me baser sur des prothèses. Comme je suis arrivé sur le projet assez tard avec toute la pression et tout ce que j'avais à faire, je ne pouvais m'asseoir avec Rick Heinricks et définir la transformation comme je la voulais à ce niveau de production.  Je voulais avoir la possibilité de le décider plus tard en postproduction. C'est pour cela que j'ai voulu le faire en effets spéciaux numériques. Une fois qu'il est le Wolfman, c'est du maquillage. Mais partir de Benicio pour arriver au loup-garou, ce ne sont que des effets spéciaux.

 

André Dussolier m'a dit un jour qu'il y a le scénario que l'on lit, le scénario que l'on tourne et le scénario que l'on monte. Une phrase qui semble parfaitement s'appliquer à Wolfman non ?

Je suis d'accord. Il n y avait rien de sacré dans le scénario de Wolfman à mes yeux. Et j'ai encouragé mes acteurs à se sentir libres d'interpréter ce qu'il y avait sur la page. Je ne voulais pas dire : « C'est ce que nous allons tourner et vous ne devez pas vous en éloigner ». Je sais aussi que ce que nous avons fait dans la salle de montage est meilleur que toutes les autres versions. David Self a écrit une version du film. Nous avons tourné une version complètement différente du film. Et nous avons monté une version qui ne ressemblait pas du tout aux deux autres. Cela a pris une toute nouvelle dimension dans la salle de montage. Nous y avons vraiment découvert ce qu'était l'histoire.  C'est devenu quelque chose de complètement différent. Pour moi, il devrait en être de même pour tous les films. Si vous avez une vision rigide de votre film, tout d'abord, vous n'allez jamais le finir,  ensuite vous arriverez à quelque chose de mieux si vous permettez des changements.

 

 

 

Il y a eu beaucoup de rumeurs autour du film. Des scènes à retourner qui vous ont obligées à retarder la sortie. Un changement de dernière minute concernant la bande originale signée Danny Elfman. Que s'est-il passé vraiment ?

Nous avons changé la date de sortie parce que nous avons réalisé, il y a un an, que nous devions tourner les scènes que nous avions coupées pour des raisons budgétaires. Mais elles nécessitaient également beaucoup d'effets spéciaux. Nous avons rajouté plus de 200 effets spéciaux et il était impossible de tenir les délais avec tout cela en plus. Pour ce qui est de la musique,  Danny Elfman a fait le score pour un montage du film beaucoup plus long de 30 minutes. Il a rendu sa partition très tôt pour pouvoir travailler sur Alice aux pays des merveilles. Quand nous avons posé sa musique sur le nouveau montage beaucoup plus court, ces thèmes étaient rapprochés et cela paraissait répétitif et ca ne marchait pas aussi bien que ce que l'on avait espéré. C'est alors que quelqu'un a proposé d'essayer un score électronique car cela marchait bien dans la bande-annonce. Alors, nous avons engagé un nouveau compositeur. Il a écrit un score probablement très bon en lui-même mais c'était complètement hors contexte pour Wolfman.  C'est pourquoi nous sommes revenus à la musique de Danny Elfman.  Et je suis très content de cette musique. Je pense qu'elle accompagne le film à merveille.

 

 

 

Pourquoi le film est-il aussi gore, saignant et très graphique ?

La violence sert l'histoire. C'était très important pour moi. Je ne voulais pas que la violence soit hors contexte par rapport à l'histoire. Je pense que maintenant, en 2010, la nouvelle version de cette histoire doit être plus puissante. Elle mérite un R rating. C'est aussi dégoutant que ça, mais cela reste très intense. 

 

Après Dracula de Coppola, ou il y avait déjà Anthony Hopkins, l'acteur tient encore un rôle dans votre film. Est-ce inévitable d'avoir Anthony Hopkins dans un remake de film de monstres Universal ?

Je n'y avais pas pensé. Je ne sais pas. Quand j'ai appris qu'Anthony Hopkins était au casting, j'étais ravi. Je pense qu'il n'y a pas de meilleur acteur pour jouer la folie de John Talbot. Peut-être fera-t-il tout les films de monstres...

 

Quels ont été vos influences dans ce film au niveau visuel à part le film original ?

Nous avons étudié des peintures à l'huile de cette période plutôt que d'autres films. Nous avons étudié une peinture de Thomas Eakins, The Agnew Clinic. C'est une peinture d'un amphithéâtre d'opération. Nous avons étudié Turner ainsi que beaucoup de photographies de l'Angleterre Victorienne. Je voulais que le public soit immergé dans cet autre monde.

 

 

 

Passons à Captain America. Etiez-vous fan du comic book ?

A vrai dire, je le suis, mais que depuis récemment. Je ne voulais pas faire d'autre film de super-héros parce qu'ils avaient trop de super pouvoirs.  Le truc intéressant chez les super héros, ce sont ceux qui n'ont pas de super pouvoirs.  Il est rapide et fort. Il peut courir et sauter mais il peut aussi mourir. Il ne peut pas voir à travers les murs ou voler. C'est ce qui se passe à l'intérieur de lui qui est intéressant. D'effectuer cette transformation, qu'est ce que ça lui fait ?  C'est une bonne histoire pleine d'action, mais il y a aussi un aspect psychologique. Cela va être un peu différent du film de super-héros basique, mais je ne pense pas que le public sera déçu.

 

 

 

Avez-vous la version d'Albert Puyn, sortie en 1991 ?

Oui.  Je l'ai vu pour voir ce qui avait été fait avant. Notre histoire est complètement différente. Il n'y a aucun lien avec cette version.

 

Il y a un problème avec Captain America, c'est le costume. Ca marche dans la bédé mais c'est nettement plus compliqué dans un film, à l'instar des X-Men.

C'est toujours le challenge. C'est de prendre quelque chose d'immatériel d'un comic book ou d'un roman graphique et le mettre à l'écran. Ca doit devenir un matériau radicalement différent. Vous ne pouvez pas vous accrocher à ce qui le fait marcher dans le comic book car souvent ça ne passe pas. Vous devez le réinventer, je pense.

 

Et faire Captain America, est-ce pour vous un moyen de faire un Rocketeer 2 ?

Oui. Il y a des similarités. Ca se passe un peu plus tard. Nous avons juste décidé que si nous allions raconter l'histoire des origines de Captain America, nous devions la raconter en premier. Parce que nous n'aurions pas envie de revenir en arrière pour la conter. Nous le faisons donc. L'histoire se passe pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais si nous faisons une suite elle sera contemporaine. Il est congelé et ressuscité comme dans le comic book.

 

Y'aura-t-il des éléments pour préparer le film The Avengers ?

Oui, il y aura des éléments qui lient tout ces personnages.  Dans l'univers Marvel, ils aiment faire croiser ces personnages. Il y a des éléments dans Captain America qui font référence à Thor et je crois qu'il y en a qui font référence à Iron Man. Nous connectons les films de sorte que les fans reconnaissent et si vous n'êtes pas fan, vous pourrez en profiter sans vous sentir rejetés.

 

 

 

 Vous avez dit que l'acteur qui interprétera le super-héros ne sera pas très connu ?

Probablement. Nous le cherchons encore. Je pense que nous favoriserons un inconnu car cette personne n'aura pas de bagage. Si nous ne le trouvons pas nous nous dirigerons vers quelqu'un que l'on connait. Nous sommes toujours en plein casting.

 

Il ne vous reste que trois semaines.

Oui, c'est ça. On doit donc se dépêcher (rire).

 

Avec Superman, il y a eu Christopher Reeve et ça marchait très bien mais  cela a nettement moins bien fonctionner avec Brandon Routh pour Superman returns. C'est donc un sacré risque que vous prenez.

Tout à fait mais c'est formidable quand vous découvrez quelqu'un et qu'il devient ce personnage pour la première fois et personne ne dit « Oh regardez c'est Tom Cruise ! ».  C'est quelqu'un de nouveau sur l'écran et j'aime ça quand on peut se le permettre.

 

Maintenant, la question cruciale, depuis Avatar, quand un réalisateur fait un film : que pensez-vous de la 3D ?

J'aime la 3D. Il y a des films en 3D meilleurs que d'autres. Des fois, j'ai le mal de mer à regarder la 3D quand ce n'est pas bien fait. Mais je pense qu'Avatar est le film parfait en 3D. Je ne veux pas voir tous les films sortis en 3D parce que je pense que ça deviendrait fatiguant après tout. Je ne pense pas qu'il y'en ait besoin pour chaque film. Nous en avons parlé pour Captain America. Je ne pense que nous allons le faire, mais nous allons tourner en haute définition.

 

Peut-être en Imax ?

Peut-être.  C'est une possibilité.

 

Et qu'en est-il de Jurassic Park 4 ?

Il y a une histoire pour le quatre qui est très différente des trois autres. Cela enverra la franchise dans une nouvelle direction. Peut-être commencer une nouvelle trilogie. Mais nous sommes tous occupés pour l'instant. Steven fait ses films et moi je fais Captain America. Peut-être après.

 

Vous seriez partant pour le réaliser ?

Oui. J'aime les dinosaures. J'aime la franchise Jurassic Park. Je serais ravi de le réaliser.

 

 

Propos recueillis par Laurent Pécha

Retranscription faire par Eric Provot

Remerciements à Sylvie Forestier

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