Entretien avec Mia Hansen-Løve : « Ça continue de m'échapper »
16 décembre 2009
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16 décembre 2009
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Après
un premier arrêt dans un bar où le calme et l'intimité ne sont
visiblement pas au programme, Mia Hansen-Løve m'emmène à l'Apparemment
Café (Paris IIIè) pour davantage de tranquillité. À 28 ans et 2 longs
au compteur, la cinéaste sait ce qu'elle veut, parle avec plaisir de
son travail, mais le fait avec discrétion et délicatesse. Le père de mes enfants
sort le 16 décembre, c'est l'un des plus grands films de l'année,
partageant avec sa réalisatrice une distinction sans égal et une
précision absolue.
Le père de mes enfants est l'histoire de Grégoire Canvel, producteur de films indépendants dont la société de production va de plus en plus mal. Une situation qui le pousse finalement au suicide, laissant une femme et trois filles tenter de faire son deuil et de faire vivre son travail. Canvel est en fait un double d'Humbert Balsan, producteur estimé et singulier, qui se donna la mort en février 2005, et que Mia Hansen-Løve considère comme un père de cinéma. Le film trouve dans la mort de ce personnage un point d'ancrage central permettant de développer avec grâce une multitude de thèmes aussi rares que graves. Une oeuvre absolument incontournable.
Entretien > L’existence du film est-elle une conséquence directe de la mort d’Humbert Balsan ?
Mia Hansen-Løve - Je ne pense pas qu’on puisse dire que le film est né exclusivement de la mort d’Humbert Balsan. Il n’existerait sans doute pas sans ça, mais le scénario s’est nourri de beaucoup d’autres choses qui m’ont inspirée parallèlement : certaines qui remontent à longtemps et d’autres concomitantes à la mort de Balsan. Plus que sa mort elle-même, je dirais que c’est la personnalité d’Humbert Balsan qui m’a inspiré le film. Pour moi, son essence se situe dans le désir de saisir sa présence physique, sa personnalité, son aura. Je pense également à sa générosité, sa chaleur, son élégance. Toutes ces choses qui le caractérisaient et que j’ai gardées dans le personnage de Grégoire Canvel.
La nécessité du film n’est pas que dans sa mort. Je pense que je ne l’aurais pas écrit si je n’avais pas croisé sa femme dans les bureaux de la production juste après son décès. Il y avait dans sa présence une forme de rayonnement et de noblesse qui s’est confirmée ensuite dans tout ce que j’ai pu observer d’elle. Il y avait aussi quelque chose de réconfortant. C’est un peu étrange à dire puisqu’après la mort d’Humbert Balsan, tout le monde était bouleversé, mais cette femme avait un calme, un stoïcisme, une vraie forme de noblesse dans sa présence comme dans son comportement. Je pense que je n’aurais pas eu envie de faire le film sans cette rencontre-là, parce que l’histoire était sans doute trop tragique pour moi. Cet aspect tragique est dans le film et j’espère ne pas l’avoir édulcoré. Mais, pour que l’écriture produise quelque chose de cathartique, j’avais besoin qu’il y ait d’autres aspects et que tout ne tende pas vers cette mort.
C’est pour ça que d’emblée, j’ai pensé mon film en deux parties, avec l’idée de filmer la suite, la question de la survie, de quelle manière le personnage survit à sa mort, si tant est que ce soit le cas. C’était là dès le départ car je n’ai jamais eu envie de faire un film où tout convergerait vers la mort comme c’est souvent le cas. Quand un personnage principal se suicide, c’est généralement au début ou à la fin. Moi, je tenais à ce que ce soit un moment situé au cœur du récit.
Il y a justement une espèce d’inversion dans le film : au départ, il est très absent, alors qu’après sa mort, il est finalement présent à chaque instant.
Je ne dirais pas qu’il est absent dans la première partie, mais plutôt qu’il le devient peu à peu. Grégoire se retire en lui-même. Au début il y a des moments d’absence, quelque chose d’emblée très secret, des choses qu’il garde pour lui, ce qu’on sent assez vite. Mais néanmoins, il est quand même là, réussissant à être présent partout alors même qu’il court après le temps. Mais c’est vrai que dans la deuxième partie, la question de sa présence se pose ; ce qui était excitant pour moi dans cette partie-là, c’était de réfléchir aux moyens cinématographiques d’interroger cette présence. La scène de la panne d’électricité et toutes les scènes de la fin du film posent directement cette question. Il est presque question de fantômes.
A-t-il toujours été question de montrer la mort de Canvel ? N’avez-vous pas envisagé d’avoir recours à une ellipse ?
Non, alors que par exemple je n’avais pas envie de filmer une scène d’enterrement, ce qui aurait ressemblé à un passage obligé. Dans mon film précédent, on en voyait un, mais parce qu’il y avait quelque chose dans cette scène que j’avais envie de filmer. Filmer une scène d’enterrement pour filmer une scène d’enterrement n’a aucun intérêt. J’ai la conviction que, dans un scénario, on peut ne raconter que ce qu’on a envie de raconter, et que le spectateur est tout à fait à même de combler tous les vides, parce que l’imagination est beaucoup plus souple que ce qu’on croit.
En revanche, la scène de la mort me semblait importante. Je ne voulais pas la contourner, par souci de frontalité : il fallait que je me confronte à cette scène. Si je voulais parler de façon aussi simple et directe que possible d’un homme qui sombre dans le désespoir, je ne pouvais pas ne pas m’y frotter.
Mais pour moi, à cet instant du film, tout est déjà joué. Il est déjà passé de l'autre côté du miroir depuis la scène où assis à son bureau, il se regarde dans l'écran d'un ordinateur qu'il ne rallumera pas.
On sent aussi que cela se joue lors de la scène où Canvel affirme à sa femme que son entreprise est un échec.
C’est en tout cas à ce moment-là qu’il enlève le masque pour la première fois. Il dévoile enfin son désespoir. Mais le moment où la mort prend le dessus est réellement cette scène de l’ordinateur.
Quelles questions se pose-t-on quand on doit filmer une scène aussi délicate que celle du suicide de Grégoire ?
Le comédien est celui qui se pose beaucoup plus de questions. C’est très délicat de savoir comment jouer une telle scène, et comme j’avais une immense confiance en Louis-Do de Lencquesaing, les angoisses que je pouvais me créer par rapport à cette représentation de la mort m'ont rapidement abandonnée. J’étais presque sereine, en tout cas assez sûre de la façon dont je voulais filmer ça. Il y avait deux questions principales à propos de cette scène, que ce soit au tournage ou au montage : la première concernait la durée des plans, la deuxième était de savoir s’il fallait filmer Grégoire de dos ou de face lorsqu’il est en train de tomber. J’ai fait le choix d’un montage très sec : on voit les papiers brûler, on entend le coup de feu, et c’est déjà fini, il tombe. Ça m’a finalement semblé évident : si j’y avais mis de la durée, j’aurais créé une sorte de suspense dont je ne voulais pas. C’était un suspense de film d'action, là où je cherchais une vérité. Ça aurait constitué une trahison par rapport à ce que je voulais raconter. Et puis j’ai choisi de le montrer de dos, sans doute à cause d’une forme de pudeur. Je l’avais aussi filmé de face, et Louis-Do était absolument juste, mais je ne me sentais pas capable de montrer le visage de quelqu’un au moment où il se tue. De la même manière que le film ne prétend pas résoudre l’énigme de sa mort ou expliquer les raisons de ce drame, je fais ce film pour essayer de témoigner de cette histoire, mais ça continue de m’échapper, ça reste énigmatique, et c’est la raison pour laquelle je ne prétends pas pouvoir saisir ce qu’il traverse exactement au moment où il commet cet acte.
Avez-vous montré le film à la famille de Balsan ?
Sa femme a été l’une des premières à voir le film avant qu’il n’aille à Cannes. Après avoir écrit le scénario, je l’ai fait lire au producteur, et dès qu’il m’a donné son accord j’ai souhaité le faire lire à Donna Balsan pour être sûre qu’il n’y aurait pas de conflit avec elle. Elle s’est montrée extrêmement compréhensive et bienveillante par rapport au projet, qu’elle n’a essayé d’influencer d’aucune manière. Elle a été solidaire jusqu’au bout, et je crois qu’elle a beaucoup aimé le film. Je crois qu’elle a eu la grande sagesse de réussir à ne pas voir le film comme un film sur Humbert Balsan. Ses autres proches l’ont également vu il y a peu, et j’ai eu de bons échos. En tout cas il n’y a pas eu d’hostilité manifeste ou d’opposition de la part de la famille. On n’a pas cherché à m’interdire de dire des choses ou à m’influencer.
La vie de Canvel est partagée entre deux pôles principaux : sa famille et ses films. Le père de mes enfants s’interroge sur l’importance du cinéma par rapport à la vie. Quelle est la réponse du héros par rapport à cela ?
Le film ne tranche jamais mais la question se pose sans cesse ; elle est au cœur du cinéma et elle est destinée à ne pas être résolue. Mais elle est essentielle, et toute personne qui fait des films avec passion se pose fréquemment la question du rapport entre la vie et le cinéma, et de la hiérarchie entre les deux. Comme ce film parle d’un producteur qui fait des films issus de cette école-là, il se produit une sorte de mise en abyme. Dans la toute dernière scène du film, que je vois comme une sorte d’épilogue, la question est quasiment posée littéralement par les filles de Canvel. C’est là que le film est le plus explicite, quand la mère explique à la fille cadette que l’âme du père vivra à travers les films dans lesquels il s’est investi, et que la sœur aînée ajoute qu’elle vivra aussi à travers la famille qu’il laisse. J’ai l’impression d’être ces trois personnages à la fois. C’est une question mystérieuse mais très intéressante.
Il y a assez peu de personnages de producteurs dans le cinéma. Le film montre qu’ils ne sont pas que des financiers qui vérifient que leur argent n’est pas dilapidé et que les plannings sont respectés.
Le cinéma a souvent été représenté de manière un peu archétypale : on a souvent l’impression qu’il y a d’un côté le cinéaste artiste et de l’autre le producteur qui a le rapport à l’argent, au pouvoir. Une personnalité comme Humbert Balsan fait exploser toutes ces idées reçues puisqu’il réinvente complètement le métier, le rapport aux cinéastes. Il entretient avec le cinéma un rapport d’artiste passionné, sensible, entier ; et en même temps, il y a dans cette vocation de producteur une part de jeu, d’amour du risque, en rapport à l’argent. Cette double relation peut conduire à une sorte de schizophrénie, de tiraillement qui devient invivable. C’est ce qui s’est produit pour lui.
Ceci dit, le film ne prétend pas faire l’apologie des producteurs en général : il y a tout de même assez peu de producteurs qui lui ressemblent, et son parcours est extrêmement singulier. Si des gens s’y reconnaissent, tant mieux ; si c’est universel, c’est à travers une personnalité qui reste extrêmement singulière. De toute façon, j’ai toujours eu la conviction que ce n’est qu’en essayant de représenter des personnages uniques qu’on arrive au singulier, et jamais en faisant des généralités. À l'époque de Tout est pardonné, on me reprochait le fait que l'héroïne ne soit pas représentative des adolescentes de son époque, notamment parce qu’une ado qui retrouve son père au bout de dix ans devrait lui en vouloir et lui faire des scènes. Mon but n’est pas de représenter la normalité : cette jeune fille est peut-être exceptionnelle, mais je trouvais moins pertinent de montrer une adolescente plus normale. Je filme ce que je trouve beau et inspirant, pas pour énoncer des généralités.
Aviez-vous des références en tête au niveau écriture ou mise en scène ?
Aucune référence concernant des films sur le cinéma, ni comme modèle ni comme contre-exemple de ce que je voulais faire. Je voulais un film le plus précis, le plus juste, le plus documenté possible, tout en montrant que la question du cinéma, c’est la question de la vie et pas un sujet à part entière, exclu de la vie. Le propos du film était justement de montrer le lien entre les deux. J’ai sans doute pensé à des films, mais ça ne me revient pas. J’ai l’impression que les cinéastes que j’aime m’accompagnent toujours de manière sans doute inconsciente, jamais dans un lien direct avec le sujet que je traite, et qui sont des modèles en matière de style, d’esprit, de casting, d’écriture.
Il y a une certaine parenté avec L’heure d’été, d’Olivier Assayas [son compagnon dans la vie]…
L’heure d’été est l’un des films d’Olivier qui m’a le plus touchée. Lorsqu’on passe beaucoup de temps ensemble, qu’on est très proches, il y a un moment où certains thèmes ou préoccupations deviennent communs. Il y a une forme d’inconscient collectif qui se crée. Ce n’est pas impossible qu’il y ait un ton ou certaines préoccupations qui circulent d’un film à l’autre. De la même manière, dans le cinéma d’Olivier, il y a rarement des enfants, voire jamais, et tout à coup, dans L’heure d’été, qui a suivi Tout est pardonné, quelque chose s’est ouvert chez lui dans le rapport à l’enfance. Je ne prétends absolument pas influencer son cinéma, car il n’est absolument pas influençable. Moi, en revanche, je le suis peut-être.
Comment s’est fait le choix des acteurs ?
Pour chacun, ça a été une histoire particulière. J’ai pensé très tôt à Louis-Do de Lencquesaing, que je connaissais depuis quelques temps. J’ai eu l’idée de lui dans ce rôle assez tôt au moment de l’écrire, et je pense sincèrement que je n’aurais pas fait le film si je ne l’avais pas connu et s’il ne s’était pas imposé dans le personnage. La condition pour faire ce film était de trouver quelqu’un qui soit à la hauteur du personnage ; je n’aurais pas pu prendre quelqu’un qui n’aurait été qu’une approximation de Canvel. J’ai réalisé assez vite qu’il était capable d’avoir cette sorte de mélancolie secrète, qu’il avait ça en lui et qu’il en aurait l’intuition pendant le tournage. En fait ça a été plus qu’une intuition : il s’est véritablement révélé dans ce personnage.
Alice de Lencquesaing s’est imposée beaucoup plus tard : j’aimais énormément cette comédienne depuis longtemps. Je la connaissais depuis Tout est pardonné, je l’avais envisagée pour le rôle qu’a finalement tenu Constance Rousseau, et ensuite elle a joué dans L’heure d’été. Je m’intéressais vraiment à elle mais je ne voulais pas qu’elle soit dans le film car j’étais gênée par la filiation avec Louis-Do. J’ai vu beaucoup de comédiennes, mais avec le recul je pense que mon choix était déjà fait, puisque j’avais la photo d’Alice dans mon bureau. Finalement, j’ai fini par la revoir. Il y a dans son jeu une maturité incroyable, une retenue très belle, quelque chose de rare chez les jeunes comédiennes, qui ont souvent tendance à vouloir trop donner. Elle, au contraire, garde tout, et on est obligé de lui prendre. Mais du coup, quand elle donne, c’est d’autant plus beau et authentique. Elle est d’une grande pudeur et d’une grande intelligence. En plus, elle a un visage extrêmement cinégénique. Il y a chez elle une douceur, une intériorité…
Pour le rôle de Sylvia Canvel, je cherchais une comédienne étrangère, mais j’ai mis beaucoup de temps à la trouver. Et finalement, c’est le visage de Chiara Caselli qui m’a convaincu. Je crois beaucoup à l’apparence physique. Je pense que quand on filme des gens, on ne peut pas considérer comme secondaire les traits de leur visage, leur apparence. Je crois beaucoup à ça, et une chose qui par exemple me touche beaucoup dans le cinéma de Bresson. Je trouvais que Chiara avait un mélange de mélancolie, de maturité et de fragilité, avec en même temps une certaine dureté.
Concernant les deux petites actrices, on a procédé à un casting sauvage, comme pour Tout est pardonné. Je voulais des enfants qui n’aient pas déjà joué, qui aient une forme d’innocence par rapport à la caméra. Si je refais un jour un film avec des enfants, je serai toujours fidèle à ce principe, car je suis absolument convaincue qu’il n’y a que comme ça que les enfants peuvent être bien au cinéma.
Je n’exclus pas du tout de travailler un jour avec des acteurs plus connus, mais ce n’est pas une chose qui m’attire spécialement. Chaque film a sa logique, et la question est plutôt de se demander quelle est la meilleure personne pour chaque rôle. Si un jour cette personne est quelqu’un de très célèbre, je n’hésiterai pas à lui proposer le rôle, mais tant que ce ne sera pas le cas, je n’hésiterai pas à travailler avec des acteurs beaucoup moins connus.
Comme dans Tout est pardonné, les enfants sont d’un naturel incroyable. Il y a une méthode Hansen-Løve pour rendre des enfants aussi convaincants ?
Dans Tout est pardonné, c’était la première fois que je travaillais avec des enfants. Chaque jour de tournage avec un enfant était une chose nouvelle pour moi, et ma façon de travailler à la fin du tournage avait considérablement évolué par rapport au début. Comme le travail avec les enfants a été quasiment ce que j’ai préféré, j’ai eu envie de leur donner à nouveau beaucoup de place dans le deuxième film. Le désir de filmer des enfants est l’une des raisons d’être du Père de mes enfants, et a quasiment autant d’importance dans l’origine du film que l’histoire d’Humbert Balsan. J’avais envie de multiplier les difficultés et de voir jusqu’où je pouvais aller dans ce travail.
Je ne sais pas si j’ai une méthode : ce n’est que mon deuxième film et je continue de remettre en question tout le temps la manière dont je travaille. En tout cas, je fais énormément de prises, et des prises extrêmement longues. J’ai accordé énormément de temps aux enfants. C’est une chose que j’ai eu envie de faire d’emblée, et même avant le tournage, puisque c’était la leçon que j’avais apprise du tournage de Tout est pardonné : plus on a de temps, plus on a de liberté, et mieux c’est. Avec le producteur, on s’était mis d’accord sur le fait qu’il n’y aurait pas de limites dans le travail avec les enfants, que je prendrais tout le temps qu’il faudrait. C’est ce qui fait que j’ai eu l’impression de pouvoir aller vraiment loin avec eux sur ce film. Les choses qui m’ont apporté le plus de satisfaction à ce propos sont les choses que les enfants ont inventées au fil des prises. Je leur demandais de ne pas apprendre le scénario, mais je les amenais au texte progressivement, prise après prise, en leur expliquant la scène d’une manière qui les oblige ensuite à exprimer les choses avec leurs propres mots, de façon à les amener à se confronter avec le concret de la situation et à réinventer la scène au fur et à mesure. En fait, il n’y a aucune scène du film dans laquelle les dialogues des enfants sont semblables à ce qui figurait dans le scénario.
La musique occupe une place importante dans le film, presque autant que dans Tout est pardonné. Comment effectuez-vous le choix des morceaux utilisés ?
C’est un processus très compliqué. Il y a certaines chansons que j’ai en tête très tôt, qui font presque partie du projet… Je viens d’écrire mon troisième long, intitulé Un amour de jeunesse, et j’ai d’ores et déjà trouvé LA chanson du film, que je lui associe par son atmosphère, son esprit… Et puis il y a des chansons que je trouve en fin de montage, et pour lesquelles il y a une recherche qui peut être longue et fastidieuse. Ici, Que sera sera était présente dès le départ, bien que ce ne soit a priori pas le genre de chanson qui m’attire. Par affinités, j’ai plutôt tendance à aller vers des choses très obscures. Celle-là s’est imposée car ses paroles faisaient vraiment écho à la fin du film, avec ce mélange de tristesse et d’acceptation du destin.
Par contre, la chanson Johnny remember me de John Leyton, qui est dans la scène de la fête, je la connaissais mais je l’ai retrouvée en cherchant pendant toute une nuit. Je l’ai choisie en partie à cause des paroles, mais aussi parce que je la trouve entraînante. À ce moment du film, je voulais que ça décolle. C’est une partie du film sur l’adolescence, qui a un rapport fort avec la musique. Quand j’étais ado, la musique était pour moi un moyen de m’échapper, d’oublier tout. Il y a vraiment une fonction poétique à ce moment-là. Qui plus est, il y a dans les paroles quelque chose que je trouvais vraiment beau : c’est l’histoire d’un homme dont la femme est morte et qui la remplace par une autre bien que la disparue soit à jamais le grand amour de sa vie ; le fantôme de cette femme disparue l’appelle et l’attire à lui. Je trouvais très beau le fait d’avoir ces paroles sur le visage d’Alice, dans cette deuxième partie qui raconte la nécessité de faire le deuil et son impossibilité. Le film est vraiment dans cette contradiction-là, et n’y renonce jamais jusqu’à la fin.
Il y a aussi deux chansons de Jonathan Richman, qui sonnent très juste par rapport à l’esprit du personnage de Grégoire, à la fois très gais, intemporelles et très rythmées. Elles reflètent bien la volonté de Canvel d’aller de l’avant, d’aller vite, avec une gaieté presque forcée.
Vous envisageriez d’écrire pour les autres ?
On me l’a déjà proposé, et j’ai toujours refusé jusqu’ici. Je ne suis pas du tout contre le principe, mais je m’en sens vraiment incapable pour le moment. Écrire me demande une énergie, une concentration, un engagement total. La réflexion et l’écriture elle-même me prennent environ un an. J’admire les cinéastes et scénaristes qui arrivent à être sur trois ou quatre scénarios en même temps, qui s’investissent dans un projet qui leur est très cher tout en s’occupant d’autres projets auxquels ils participent. Je suis incapable de me disperser. Et, surtout, si j’écrivais un scénario pour quelqu’un d’autre, il faudrait que je m’engage pour trouver la force et la concentration. J’aurais donc besoin de m’engager entièrement, comme je le fais pour mes films, et ensuite j’aurais envie de réaliser ce film moi-même et de ne plus lâcher le scénario.
Quels sont les films qui vont ont marquée pendant cette année 2009 ?
J’ai adoré Two lovers. Ça date de 2008, ça, non ? (rires) J’ai trouvé très beau Au voleur, de Sarah Léonor, Le ruban blanc de Haneke, Un prophète, Wendy & Lucy. je viens également de voir Vincere. C'est superbe. Je m'attendais à un film classique alors que pas du tout...
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