Emmmanuel Salinger (La Grande vie)

Didier Verdurand | 13 octobre 2009
Didier Verdurand | 13 octobre 2009

On l'avait peut-être un peu rangé trop vite dans le tiroir « intello » sans se douter qu'il pouvait nous faire rire grâce à du burlesque. Emmanuel Salinger vient de réaliser son premier film, La Grande vie, et nous l'avons rencontré au Festival des jeunes réalisateurs de Saint Jean de Luz.

 

C'est une agréable surprise de voir que nous ne vous limitez pas à un seul genre !

J'ai été dans de nombreux films d'auteurs assez radicaux et associé à la bande de Desplechin, Beauvois, Lvovsky, etc... La "nouvelle nouvelle vague" comme on l'a appellée à un moment. J'en suis d'ailleurs très heureux puisque cela me correspond tout à fait. Cela n'empêche pas que je suis attaché depuis très longtemps à un cinéma peut-être plus ouvert mais toujours exigeant. Du cinéma populaire dans le bon sens du terme. Plus je vieillis, plus j'ai envie d'élargir. J'ai assez milité pour un cinéma trop ardu et je hiérarchise de moins en moins ce que je regarde. Je me demande où se trouve le film et où je dois me placer pour l'apprécier à sa juste valeur. Je ne tourne pas le dos aux blockbusters, heureusement que je ne suis pas monolithique !

 

 

J'aime la comédie populaire car on peut avancer masqué. On propose un divertissement et par en-dessous on agite des choses, on pose certaines questions mais en restant léger. La Grande vie n'est pas un film à thèse, j'ai voulu amuser, mais j'ai réussi à aborder des troubles. On peut parler de mélancolie en choisissant d'en rire.

 

En parlant de cette "nouvelle nouvelle vague", on vous sent aujourd'hui moins liés.

C'est vrai qu'à une période nous avions presque un fonctionnement collectif. Nous étions tout le temps ensemble, on s'aidait les uns les autres. Et puis assez naturellement, chacun a eu besoin de prendre ses distances sans qu'il y ait pour autant une fracture.

 


 

Le personnage principal de La Grande vie est professeur de philosophie. Vous enseignez aussi à la FEMIS, me semble-t-il ?

Il n'y a pas de professeurs à la FEMIS. Il m'arrive d'intervenir ponctuellement sur des exercices, sur des périodes de deux ou trois semaines, jamais plus d'un mois. Pour aider à terminer un petit scénario, pour encadrer un tournage... J'ai aussi travaillé dans une école de cinéma en Suisse qui s'appelle l'ECAL où là j'essaie un peu plus de guider des étudiants dans la direction d'acteurs.

 

Vous gardez de bons souvenirs de l'IDHEC ?

Un mélange de bons et de mauvais souvenirs. J'y étais quand l'école pourrissait sur pied, il n'y avait quasiment pas d'enseignement, nous étions un peu livrés à nous-mêmes. Il y avait un côté joyeux bordel, on prenait la caméra et on partait faire nos films, c'était n'importe quoi. Le revers de la médaille est qu'on était un peu paumés et que nous ne savions pas vers qui nous tourner pour demander de l'aide. Le climat était délétère. C'était d'autant plus surprenant que l'examen d'entrée était très difficile et qu'on s'attendait à d'autres conditions d'apprentissage. Il y a même eu une tentative de suicide - ce qui n'est pas énorme sur 22 étudiants mais bon... ! L'année après mon arrivée, l'IDHEC s'est transformée en la FEMIS et là, nous avions des filières et étions extrêmement cadrés.

 

Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de vous tourner vers la réalisation ?

Je pourrais me comparer au personnage de La grande vie. Il fait un long détour pour se retrouver en face des vrais enjeux, de ce qui compte vraiment pour lui. Je n'avais pas vraiment prévu d'être comédien mais j'ai reçu beaucoup de propositions après La Sentinelle. J'ai enchaîné des rôles au cinéma et à la télévision, puis j'ai joué sur scène, ce qui m'a passionné. Je n'avais pas de plan de carrière et j'ai suivi les opportunités qui s'offraient. C'est en me penchant vers la coécriture et la réécriture de scénarios que je me suis rapproché de ce que je veux faire aujourd'hui. Il fallait que je mûrisse avant de me jeter à l'eau.

 

 

Quel est le budget de La grande vie ?

Un peu moins de 3 millions d'euros.

 

Vous auriez voulu plus ? Je pose la question parce que parfois, le manque d'argent dans un premier film peut être source supplémentaire de créativité et certains réalisateurs ne le regrettent pas.

A un moment, nous avions un scénario qui nous semblait prêt. On a estimé qu'il fallait au moins 5 millions pour le tourner et 11 semaines de tournage. Plus tard on a admis qu'on ne disposerait que de 3 millions et qu'il fallait donc le tourner en 7 semaines. Cela m'a obligé à reprendre le scénario sur lequel tout le monde était d'accord et à couper des choses, resserrer, travailler. Les conditions budgétaires ont des incidences directes sur ce qu'est devenu le film. Il y a le film idéal qu'on aurait rêvé de faire et celui-ci qui a le mérite d'exister. Je pourrais imaginer des scènes que j'aurais pu faire différemment mais cela n'a plus d'importance aujourd'hui. Rendre la chose réelle et sortir du fantasme demande des sacrifices que je ne regrette pas.

 

Ce que je reprocherais le plus au film, c'est... l'affiche !

Pour tout vous dire, je n'ai pas un contrôle absolu dessus. Elle montre l'exubérance du personnage à un moment donné dans son parcours. On aurait pu prendre d'autres options mais le distributeur a pensé que c'était dans cette direction qu'il fallait aller pour rassembler le plus. Nous verrons si cette affiche parle aux gens ou si elle laisse indifférent...

 

 


 

Vous allez suivre le box-office de près ?

Raisonnablement, sans être obsédé. Pour la suite des événements, c'est forcément déterminant. La manière dont je pourrai préparer le prochain ne sera pas la même s'il marche ou non. Au-delà de ma carrière future, je me sens aussi une responsabilité vis-à-vis de gens qui m'ont fait confiance. Une dizaine de guichets différents nous ont donné du fric et rien que pour ça, j'ai envie que le film soit suffisamment apprécié.

 

Et la presse ?

Je vais me tenir plus à distance. Je me réfère moi-même de moins en moins à la critique pour aller voir un film ou pour en penser quelque chose. Je me limiterai à prendre la température.

 

Que ferez-vous le jour de la sortie, le 4 novembre ?

Il y a un rituel chez Le Pacte, le distributeur, qui consiste à passer d'une salle à l'autre, à Paris et en périphérie pour voir si les salles sont remplies, dans quelle humeur sont les spectateurs.

 

Un premier film qui vous tient particulièrement à cœur ?

Probablement Les 400 coups.

 

Propos recueillis par Didier Verdurand.

Autoportrait d'Emmanuel Salinger.
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