Uwe Boll (Part 1)

Vincent Julé | 19 septembre 2009
Vincent Julé | 19 septembre 2009

Pas de ring, de gants de boxe, d'insultes ou de dédicaces...  A l'occasion de L'Etrange Festival 2009, et le retour sur trois de ses films (Amoklauf, Postal, Rampage), nous nous sommes juste assis pour une longue discussion, en forme d'interview carrière, avec Uwe Boll.... le pire des meilleurs réalisateurs ou le meilleur des pires réalisateurs, c'est à vous de choisir.

 

Vous avez fait des études de littérature... donc je me demandais à quel moment ça a dérapé et que vous vous êtes retrouvé à réaliser des films ?

J'ai toujours voulu faire des films, depuis que j'ai 10 ans. Mais j'ai fait de la littérature, car j'avais quelques problèmes avec les écoles de cinéma. En effet, il n'y avait que deux, à Berlin et Munich. La sélection était très restrictive, à peine dix élèves par an. Ils m'ont accepté, mais seulement comme étudiant invité. Je suis ensuite aller à l'école de Vienne, mais là encore, j'ai détesté. Ils ne faisaient que parler de films, encore et encore, alors que moi, je voulais en faire, des films. J'ai toujours trouvé plus intéressant de lire ou de parler des écrivains que des réalisateurs. Pour moi, seule la pratique importait.

 

 

Comment tout a commencé alors ?

Après quelques courts-métrages et clips, nous avons décidé avec mon collaborateur Frank Lustig que si nous ne faisions pas de film maintenant, alors que nous sommes encore étudiants, nous n'en ferions jamais. German Fried Movie est une comédie à sketchs à la manière de Hamburger Film Sandwich. Le choix du film compilation était avant tout pratique. Nous pouvions tourner une scène un week-end, et une autre qui n'a rien à voir plusieurs semaines après. Sans argent, il était impossible pour nous de réaliser un film d'une heure et demi sur du 35mm avec deux ou trois longues semaines de tournage. Nous avions le matériel gratuitement, quelques dizaines de milliers de marks, et nous voulions tourner sur 35mm, car le film était pour le public et pas seulement pour nous.

 

Une comédie, puis un thriller politique avec Barschel - Mord in Genf ? (1993) et enfin Amoklauf, le film suicide... ou miracle.

Frank Lustig et moi voulions mettre fin à notre collaboration. Sur German Fried Movie, ce n'était pas un problème d'avoir deux réalisateurs, chacun filmait les scènes qu'il avait écrites. Mais sur Barschel, nous avions tous les deux une vision différente du film, et de l'affaire dont nous nous inspirions elle-même. On ne comptait plus les disputes sur le plateau puis en salle de montage. Il s'agissait d'une histoire vraie, il ne pouvait y avoir deux visions différentes. Après ce film, nous avons donc décidé que nous ne pouvions continuer à travailler ensemble. Ecrire peut-être, mais pas réaliser. Il restait 50 000 marks dans notre compagnie, et Frank m'a dit, vas-y, fais un film. Lui, de son côté, n'a jamais plus réaliser, il produit aujourd'hui des pièces de théâtre. Moi, je me suis dit, que si c'était la dernière chose que je devais tourner, j'allais mettre le paquet. C'était un adieu... En fait, je n'ai pas eu une jeunesse très heureuse, de mes 15 à 25 ans. J'ai d'ailleurs commencé la boxe pour ça, j'étais un outsider. J'ai ainsi travaillé à l'usine, ou encore conduit une ambulance... ses expériences m'ont marqué. Amoklauf, c'est tout ça. Et si vous regardez des films comme Postal, Seed ou Rampage, vous pouvez voir que je n'ai pas changé, j'ai encore des problèmes. Ma vie et ma carrière tournent d'une certaine façon autour de cette période importante, gravée en moi. D'où mon cynisme. Si on me l'enlevait, je deviendrais un gentil monsieur d'Hollywood, mais tu ne peux pas changer. J'ai compris maintenant, surtout depuis Postal, que c'est une bonne chose si je n'ai pas changé. Les mecs d'Hollywood sont incapables de faire ce genre de film, ils ont une idée, un regard différent sur ce qui est insolent, dur, et tout simplement sur le sens de la vie.

 

 

 

Parlez-nous donc de votre expérience américaine ?

Mon premier film américain est Sanctimony en 2000, puis Blackwoods et surtout Heart of America. Il s'agit d'un drame violent sur l'école [inspiré par le massacre du lycée Columbine]. C'est un bon film, mais je n'ai pas eu de chance, Gus Van Sant est arrivé avec Elephant et a eu toute l'attention. Je fais le même film, mais tout le monde s'en fout.

Pour House of the Dead en 2003, je suis tout simplement un fan de zombies, de films d'horreur. Et une adaptation de jeu vidéo ? J'ai dit, ok, essayons. Et cela a marché, financièrement. J'ai eu toute l'attention pour moi, mais elle était négative. De la part des critiques. J'avais fait un bon film avec Heart of America, mais qui n'avait pas marché, et j'ai dû chercher de l'argent, pour moi, pour essayer de faire des films de jeux que j'aime bien, comme Alone in the dark.

 

Vous jouez beaucoup ?

Je ne suis pas un hardcore gamer, pas plusieurs heures par jour. Mais oui, je joue.

 

Concernant votre aura négative, il y a bien sûr les critiques, mais aussi les fanboys, qui trouvent que vos adaptations ne sont pas fidèles...

Je pense que qu'ils ont tort. House of the Dead est presque exactement comme le jeu. Si tu joues au jeu, tu as deux flingues et tu shootes des zombies. Tu es sur une île. Avec une maison des morts. Si tu vois le film, c'est exactement ce qui se passe pendant une heure et demi.

Pour Alone in the dark, j'ai rencontré un problème. A l'époque, Atari était en train de développer le jeu Alone in the dark 4. C'était une sortie commune avec le film. Sauf qu'ils ont annulé le jeu, alors que le film était déjà tourné. Mon film n'avait que peu de rapport avec l'histoire des précédents épisodes, mais bien avec ce dernier. Des années plus tard, le jeu, complètement différent, est sorti, et nous avons fait Alone in the dark 2 pour coller au plus près de l'actualité et de la sortie.

Avec BloodRayne, le pitch est simple : Rayne se bat contre des Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Je voulais en faire une trilogie, et montrer d'où elle vient, au XVIIIe siècle en Roumanie, puis au Far West pour un hommage à Sergio Leone, et enfin, dans le dernier, elle se bat contre des Nazis. Kristina Loken sera de retour pour ce BloodRayne III : Warhammer. Sinon, Far Cry et Postal me semblent très proches des jeux vidéo.

 

 

 

Postal est d'ailleurs votre film préféré.

Après, deux ou trois adaptations de jeux et toutes les mauvaises critiques, j'ai senti qu'il fallait que je revienne à l'écriture. J'avais écrit tous mes films avant de commencer toutes ces adaptations. Je devais retourner à mes origines, et si c'est pour se moquer du monde, des politiques et de tous les tabous, je dois aussi me moquer de moi-même, des Nations, des races et des religions. Tout doit être détruit et traîner dans la boue. C'est une sorte de revanche.... C'était intéressant. Au Canada, l'équipe avec qui j'avais fait des films avant ne voulait pas participer à Postal. Je leur ai dit « Fuck yourself assholes ! », j'étais en colère. Ils ont montré à quel point, ils pouvaient être limités, à quel point ils étaient contrôlés moralement. Peut-être croyaient-ils qu'ils iraient en enfer s'ils faisaient un tel film. D'ailleurs, Shawn Williamson de Brightlight a créé une seconde compagnie, Pitchblack Pictures, pour produire tous les films que j'ai écrits moi-même et avec lesquels il pouvait y avoir un problème de financement. Ainsi, Far Cry ou In the name of the King sont sous l'égide de Brightlight, alors que Seed, Postal, Rampage ou Stoic sont estampillés Pitchblack.

 

Des films comme Seed, Stoic ou Rampage, ce sont des respirations ?

Je préfère ces films, Stoic, Postal, Tunnel Rats... ce sont mes meilleurs films. C'est plus satisfaisant pour  moi. Je peux m'asseoir devant Alone in the dark et me dire que j'aurais dû faire comme ci ou comme ça. Mais devant Postal, je ne regrette rien. Je suis fier... fier de ne pas m'être vendu. J'ai montré Postal à Sony, et les mecs n'en pouvaient plus de rire. Je me suis alors, que c'était bon, ils l'achètent. Mais non : « On ne peut pas acheter ça, on ne veut pas perdre notre job ! ».

 

 

 

Si on vous dit que Michael Madsen est bourré sur son cheval, que Kevin Costner était le premier choix pour In the name of the king à la place de Jason Statham, que Clint Eastwood a appris le métier d'acteur à ce même Kevin... bientôt, la suite de l'interview carrière d'Uwe Boll !

 

Propos recueillis par Vincent Julé et Patrick Antona

Merci à Xavier Fayet et à toute l'équipe de L'Etrange Festival

 


 

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