Wes Craven (La Dernière maison sur la gauche)
À l'occasion de la sortie de La dernière maison sur la gauche, remake de son film par Dennis Iliadis et dont il est producteur, nous avons pu interroger Wes Craven afin qu'il nous parle de ce film ô combien réussi...
Y a-t-il un concours entre John Carpenter et vous consistant à avoir le plus de films refaits par d'autres ?
(rires)
Je n'ai pas le souvenir que nous ayons fait cela. Mais peut être que oui, inconscient alors !
En quoi le remake de La dernière maison sur la gauche est le reflet de notre société comme a pu l'être le vôtre en son temps ?
Aujourd'hui, le thème du "home invasion" (l'entrée d'une personne étrangère dans sa maison) et l'auto-défense demeurent des sujets forts. La manière de répondre à une agression et jusqu'à quel point on peut user de la violence était une toile de fond à l'époque, en ce moment cela fait vraiment partie de la culture américaine.
Mais votre film était davantage un "vigilante", une oeuvre sur la vengeance, cette fois c'est la "protection" qui prime.
Oui mais à la toute fin il y a une séquence de pure revanche, je pense que c'est intéressant.
Justement, je n'aime pas la scène finale. (rires)
Nous avons eu beaucoup de discussions à ce sujet, c'est quelque chose que le réalisateur voulait. Nous avons pensé que cela fonctionnerait.
Est-ce qu'il serait encore possible aujourd'hui de faire un film comme l'original, où les filles sont tuées et où la mère pratique une fellation pour tuer le criminel ?
Je ne sais pas si ce serait possible, certainement pas au sein du système dans lequel nous travaillons actuellement. Cependant nous avons fait le film le plus dur possible avec le remake, en particulier au niveau de la scène de viol.
Vous avez un jour affirmé que la MPAA (la commission de classement des films aux USA) était "l'horreur de votre vie", est-ce que c'est vous le pensez toujours ?
(rires)
Oui, toujours. Quand vous créez un film il y a toujours beaucoup de personnes intelligentes qui travaillent avec vous, pour vous aider. Et là c'est le groupe, totalement extérieur, qui vient juger votre vision, et cela peut être très douloureux.
Une question difficile : si vous deviez choisir votre remake préféré entre La Colline a des yeux et La Dernière maison sur la gauche ?
Je vais essayer de ne pas faire cela. Un des deux réalisateurs pourrait être vexé. Tout le monde a fait un bon boulot et je suis très heureux que l'on ait pu garder un niveau aussi haut pour ces nouvelles versions.
Que pensez-vous de la vague de remakes des classiques des films d'horreur à Hollywood en ce moment ?
Je n'ai rien contre les remakes, de très bonnes choses peuvent être accomplies. L'avantage, dans mon cas, c'est que nous pouvions controler le résultat, pour la première fois depuis 30 ans, et vérifier que cela soit bien fait. C'est Hollywood et on ne pourra jamais empêcher les remakes, c'est indispensable au fonctionnement de l'industrie. Nous avons laissé le plus de liberté possible au réalisateur de La Dernière maison, pour qu'il puisse créer son propre film. Je crois que nous y sommes parvenus au mieux. Nous lui avons dit : "c'est juste une histoire, faites votre propre version de cette histoire."
Quels sont les remakes de films d'horreur que vous appréciez, mis à part les votres, comme par exemple celui de Massacre à la tronçonneuse ?
Je pense que l'original demeure plus fort, mais je peux peut-être changer d'avis avec le temps (rires). C'est délicat, parce que souvent les films originaux essayaient de jouer sur la transgression dans la violence, et la caractérisation. Les studios n'ont pas forcément ces préoccupations aujourd'hui.
Je voudrais votre point de vue sur quelque chose qu'on lit souvent dans les journaux : "la trilogie Scream a été la mort du cinéma d'horreur adulte à Hollywood".
Beaucoup de films d'horreur avant Scream étaient destinés à un public d'ados. Scream est arrivé à un moment où beaucoup de thèmes du cinéma d'horreur étaient épuisés, tournaient en rond. Ce film était frais, il incluait pas mal d'humour, c'est quelque chose que j'ai beaucoup aimé mettre en scène. Le prochain film que je vais faire sera très différent de cela.
Pouvez-vous nous en parler (il s'agit du thriller 25/8 avec Denzel Washington) ?
Je ne peux pas vous dire grand chose, nous sommes assez secrets à son sujet. C'est très difficile de le comparer à quoi que ce soit, ce sera très différent.
Et Scream 4 ?
Kevin Williamson est en train de rédiger une histoire. On m'a contacté et j'ai une bonne impression, un "bon feeling".Mais j'attends de lire le script pour dire si oui ou non j'aimerai le mettre en scène.
Et est-ce que vous avez aussi un bon feeling à propos du remake des Griffes de la nuit ?
C'est assez triste, parce que c'est un projet que j'ai vendu à un moment où j'avais besoin d'argent. Je n'ai aucun contrôle sur cela. Personne ne m'a appelé avant de commencer à le faire. Quelqu'un va refaire entièrement mon travail sans que je puisse rire dire ou contrôler. C'est vraiment douloureux.
Le secret de la réussite de La Colline et de La Dernière maison réside peut-être dans le fait que vous êtes impliqués dans ces remakes.
Merci. J'espère qu'ils vont faire un bon film avec Freddy, cela me fait mal de voir mon "bébé" dans d'autres mains.
Est-ce que vous vous inspirez encore de vos cauchemars pour créer vos films ?
Oui, c'est un mélange de rêves et de rêveries que j'ai sous la douche... C'est toujours essentiel dans mon travail. J'ai beaucoup d'idées dans ces états de songe.
Pourquoi vous faites-vous si rare derrière la caméra ? L'âge ? La motivation ?
Je ne sais pas... Pour faire en sortes que ces remakes soient bons, j'y ai passé beaucoup de temps. Il y a aussi des raisons personnelles, je me suis marié, nous avons eu beaucoup de travaux sur notre maison. Parfois ces choses là arrivent, et cela n'a rien à voir avec la créativité.
Dernière question : quels sont vos trois films d'horreur préférés ?
A part les miens, j'imagine. J'aime beaucoup Halloween, et Massacre à la tronçonneuse. L'Exorciste aussi, sans doute.