Pierre Morel - Interview du roi français du BO US

Laurent Pécha | 26 mars 2009
Laurent Pécha | 26 mars 2009

Le nouveau roi français du box-office US, c'est Pierre Morel. Cette semaine, Taken a dépassé les 134,8 millions de dollars de recettes de L'Incroyable Hulk. Ironie de la situation, Louis Leterrier se fait détrôner par son ancien chef op. En attendant de reprendre la main avec son Choc des titans ? Pour célèbrer l'évènement, nous avons rencontré le réalisateur, en pleine post production de From Paris with love, son prochain film avec John Travolta qui sortira début 2010. Une longue discussion dans la cour d'Europa avec un homme disponible et heureux de son sort (même si fatigué). Rencontre avec un des cinéastes français en qui on croit le plus. 

 

 

Contrairement à Louis Leterrier que tu viens donc de dépasser au box-office US, tu restes fidèle à la maison Europa...

Je suis fidèle car je suis bien avec eux. J'ai la chance d'avoir une relation avec Luc (Besson) qui est vachement sympa. Il m'a fait confiance sur Banlieue 13. Encore plus sur Taken. Et cela se reproduit à nouveau sur From Paris with love, le film que je suis en train de finir avec John Travolta. J'ai donc plutôt de bonnes raisons de rester.

 

Mais as-tu des propositions américaines ?

Bien sûr surtout quand tu fais de tels scores. D'un seul coup, tu as 50 000 scénarios qui arrivent sur ton bureau. Mais les bons scripts sont rares là dedans.

 

Qu'as-tu pensé Banlieue 13 Ultimatum ?

Je ne l'ai pas encore vu.

 

En quoi tes deux films, B13 et Taken, se différencient de ce que Europa produit. Personnellement, il y a une patte Morel que l'on ne retrouve pas sur les autres productions Besson.

Quand tu commences un film et que tu te dis que tu vas le faire à la manière de, tu ne peux pas y arriver. Moi, je ne sais pas le faire en tout cas. J'ai besoin de m'approprier le script, d'y mettre mon univers. Je serai incapable de faire Taxi 5 par exemple.

 

 


 

 

Peux-tu te permettre de faire des modifications sur les dialogues, sur certaines séquences,...

C'est simple comme processus. Une fois que j'ai lu le scénario, je vois avec Luc les points avec lesquels je ne me sens pas à l'aise. Des petits détails que l'on retravaille ensemble. Puis sur le plateau, avec les comédiens, tu t'adaptes. Avec Liam ou avec John, on a parfois changé quelques mots ou phrases. Ce qui compte, c'est garder le sens.

 

Est-ce que Luc Besson t'a proposé de réaliser Banlieue 13 Ultimatum ?

Oui. Je n'avais pas envie de le faire car je ne voulais pas faire deux fois la même chose. J'avais peur de tomber dans mes propres travers. Je ne voulais pas faire un truc avec moins d'envie sous prétexte que je l'avais déjà fait avant. De toute façon, je trouve ça toujours très casse gueule de faire une suite ou un remake car forcément tu te tapes la comparaison avec l'original.

 

Si on te dit que Taken, c'est un peu le Commando français...

Je n'ai pas vu Commando depuis 20 ans donc je ne peux pas trop te dire. On est d'accord sur le fait que les scénarios se ressemblent. Je pense que tu fais référence à l'énergie, ce rythme très intense. Mais les personnages sont très différents. C'est d'ailleurs ce qui a attiré Liam Neeson, c'est le côté humain de l'histoire. Le succès du film est dû, je pense, qu'il n'y a pas que de l'action, il y a aussi un fond émotionnel.

 

 

 

C'est sans doute l'un des meilleurs rôles de Liam Neeson...

Liam avait vraiment envie de s'y coller. Il n'avait jamais fait de film d'action pur. Ce n'est pas sur Darkman ou Star wars où il avait vraiment pu s'éclater avec tous les fonds verts. Il avait envie d'un truc plus hardcore. Avec mon coordinateur de cascades, Olivier Schneider, on a vraiment cherché un style qui correspond au personnage. Je regrette souvent dans les films d'action que les chorégraphies sont plaquées dans le reste du récit. Les choix de chorégraphies l'emportent sur le vrai sens du film. Quand tu es Liam Neeson, tu ne peux marcher au plafond avec des câbles. On a donc épuré au minimum, tout était axé sur l'efficacité. Les mouvements utilisés sont donc des mouvements qu'un mec de 50 ans peut faire. D'ailleurs Liam a tout fait, ce qui est génial car cela t'évite d'avoir recours à une doublure et des plans serrés pour tricher.

 

C'est un premier choix Liam ?

Oui. C'est Luc qui a eu cette idée. J'étais tout de suite d'accord. Il était totalement crédible. Au niveau des financiers, on a essayé de nous pousser vers des choix plus bankables mais c'était une mauvaise idée.

 

Comment tu expliques qu'avec un budget finalement assez modeste pour le genre (autour de 15 millions d'euros), Taken impressionne plus que d'autres grosses productions US ?

Quand tu fais ce genre de gros films, les coûts sont multipliés par X et ce n'est pas forcement à l'image.

 

 


 

 

Cela te tenterait de faire ce genre de films, une peu comme ce qu'a fait Louis avec L'Incroyable Hulk ?

C'est kiffant à faire. Moi, je ne suis pas branché super-héros contrairement à Louis qui bouffe ça depuis qu'il est tout petit. Il doit avoir tout Marvel chez lui. Mais il y a des trucs de science-fiction qui me plairaient beaucoup.

 

Et les adaptations de jeux vidéo ?

Evidemment que c'est bandant de faire un truc comme God of war. Mais le souci, c'est qu'entre un jeu vidéo et un scénario, il y a dix milliards de kilomètres. Il faut que le scénario soit bien car au bout du compte, tu te retrouves en salle de montage avec une histoire à raconter et tu as beau mettre des effets spéciaux dans tous les sens, si c'est à chier, c'est à chier. J'attends donc de voir de bons scénarios de jeux vidéo. Prince of Persia s'annonce vraiment bien. David Belle leur a fait des parcours.

 

Et le cinéma d'horreur très à la mode pour les réal français...

Ce n'est vraiment pas mon truc. J'aime beaucoup en regarder mais je ne me sens pas du tout d'en réaliser un. Je trouve qu'Alexandre Aja, Xavier Gens ou Christophe Gans font ça très bien. Leurs films sont vachement bien foutus. Et le fantasme du film à Hollywood pour ne pas rater l'occasion, je trouve ça bien trop casse gueule.

 

 


 

 

Avec Europa, tu as un peu l'Amérique sans avoir ses contraintes finalement ?

Exactement. Tu es dans les mêmes modes de fonctionnement en termes de finances. Mais tu as aussi une vraie liberté.

 

Et l'idée que Besson contrôle énormément ses plateaux.

Sincèrement, je ne peux rien dire puisque je ne l'ai jamais vu sur les miens. Luc est venu quelques heures pendant les préparations. Il vient sur le plateau une fois pour dire bonjour et on se voit deux heures en montage quand c'est fini. Donc, impossible de me plaindre (sourire).

 

Est-ce que les mauvaises critiques te touchent ?

Bien sûr. Quand tu mets plus d'un an de ta vie et que tu te prends des tartes dans la gueule, ce n'est forcement pas plaisant. Tu ne peux pas plaire à tout le monde. Quand tu fais Banlieue 13, tu plairas forcement plus à des revues de ciné hardcore de fans de films d'action qu'à Télérama.

 

 


 

 

Malgré le beau succès de Taken en France, c'était impossible de prévoir le triomphe du film aux USA, tu y croyais toi ?

Tu y crois forcément un peu. En fait, comme il avait bien marché un peu partout dans le monde, on était plutôt confiant. En France, c'était particulier car on est sorti le même jour que Bienvenue chez les ch'tis. Donc, on a eu du bol de faire le quasi million de spectateurs. D'ailleurs concernant Les Ch'tis et le succès phénoménal, je trouve ça super rassurant de se dire qu'il y a un potentiel de spectateurs en France aussi important.

Comme Taken marchait partout où il sortait (1,5 million de spectateurs au Mexique par exemple ou 2,5 millions en Corée), on se disait qu'on avait un truc un peu universel. Ce côté « tu touches à mes mômes, je te bute » qui plaît aux spectateurs et qui marche partout. Donc on se disait que cela devrait plaire aux américains, pays du Justicier dans la ville.

 

Et au niveau de la promo américaine, tu as eu quel genre de réactions des journalistes ou spectateurs ?

J'ai beaucoup de réactions qui me demandaient si Paris, c'était vraiment comme ça. Beaucoup de gens ont pris ça au premier degré en se disant qu'enfin un film montre à leurs enfants que c'est dangereux d'aller à Paris seul. J'espère que je ne vais pas avoir de problèmes avec Delanoë et être accusé d'avoir limité le tourisme à Paris (rire).

 

Et le coup de la baguette de pain.

Il la faut. Il faut aussi le béret. Je n'ai pas réussi à mettre de 2CV par contre.

 

Ca, c'est réservé à Michael Bay !

C'est vrai. Le jour de l'apocalypse, les 2CV passent !

 

 

 


 

 

Que peux tu nous dire From Paris with love ?

Ca sort au mois de février 2010. Ca raconte l'histoire d'un jeune mec qui bosse dans une ambassade que joue Jonathan Rhys-Meyers et qui aimerait bien être plus espion que ce qu'il est. Il se retrouve embringuer dans une aventure avec un vrai mec d'action qui est joué par John Travolta. Et tout ceci sur fond de terrorisme.

 

Et au niveau de l'action ?

Vous aurez le droit à 3-4 scènes d'action marrantes. Le reste, c'est un film romantique (rire).

 

Et Travolta ?

C'est un mec vachement sympa. Une espèce de légende. Tu t'attends à voir une espèce diva et pas du tout. Au bout de trois semaines, il connaît les noms de tous les techniciens. Il est cool et adorable. Et il a une maîtrise absolue de son personnage.

  

Question Mozinor : est ce qu'il y a une poursuite en Audi ?

Il y en a une. Il y a aussi des putes mais elles ne sont pas enfermées dans le coffre. Et il n'y a pas de gros black (rire). Et il n'y a pas de chinois ! Je suis très, très fan de Mozinor.

 

 


 


Peux tu nous parler des problèmes durant le tournage de From Paris with love, concernant les voitures incendiées ?

Il n'y a pas eu de problème. On a beaucoup médiatisé l'évènement parce que le problème des cités en France est réel et à cause de l'implication de Luc (Besson) dans les banlieues. On a monté ça en épingle. On n'était même pas sur le plateau. L'avant-veille de notre arrivée, ils ont cramé des bagnoles. C'est juste des conneries. On était prêt à bosser là bas. Sans aucun discours langue de bois, ça m'aurait fait kiffer de bosser à Montfermeil et faire travailler les gens là bas. C'est un endroit incroyable et le montrer, c'est le dénoncer. Tan t pis ! C'est dommage. Ca nous a pas dérangé en terme de tournage, c'est juste au niveau humain.

 

Tes films d'action préférés ? Ton top 5 ?

Je ne suis pas forcément films d'action. Les films que je revois cinquante fois d'affilée, c'est plutôt Blade Runner ou Alien. Peut-être Piège de cristal et L'Arme fatale 2 qui m'ont toujours bien fait marrer et que je peux revoir souvent. J'aime aussi bien Michael Bay période Armageddon ou le premier Bad boys.

 

Speed ?

Ah oui tiens, Speed ça c'était bien...Il est devenu quoi Jan de Bont. Voilà un chef op qui a fait un film d'action d'enfer et puis plus rien. Ah si peut être Hantise.

 

Ah non, c'est horrible !

Je devais être dans un bon jour lorsque je l'ai vu alors.

 

Tiens d'ailleurs que penses-tu de cette vague de remakes à outrance qui sévit ces dernières années ?

Il y a des trucs que l'on peut refaire et d'autres non. Refaire des Hitchcock, en voilà une belle erreur. Peut être qu'un jour, on aura le droit à un remake de Citizen Kane (sic). Je ne vois pas l'intérêt ! La tendance qui m'amuse en ce moment, c'est celle de faire des reboot. On efface tout, on recommence. N'importe quoi !

 

 

Remerciements à Pierre Morel pour son extrême disponibilité.

Remerciements à BCG pour avoir rendu cette interview possible.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.