Piolo Pascual

Marjolaine Gout | 24 octobre 2008
Marjolaine Gout | 24 octobre 2008

A l'occasion du 6ème festival de Paris Cinéma, le cinéma tagalog fut à l'honneur, nous permettant une rencontre rare et unique avec l'une des figures incontournables du cinéma philippin. Ainsi, si vous avez gardé le pays cet été, à défaut de partir pour les plages ardentes de Tatouïne, les clubs enivrés du Ch'nord ou pour un circuit dans les sphères du paranormal, je vous convie à découvrir, un acteur, chanteur, producteur...enfin pour résumer : Le Nabab des philippines,  Piolo Pascual.

Comment ça vous n'avez jamais ouïe dire de Piolo ? Avec un patronyme aux sonorités corses et un prénom à l'italienne, vous n'avez maintenant plus aucune excuse de ne pas le connaître. Mais certes, une petite description s'impose. Piolo Pascual, c'est : des jambes galbées à faire frémir puis succomber des sirènes esseulées et un visage à déplumer les paons de leurs pavanes ostentatoires. En plus de cette enveloppe charnelle préraphaélite, ce Brad Pitt philippin ou Johnny Deep eurasien terrasse l'industrie cinématographique, musicale et télévisuelle tagalog. Car aux philippines, l'invasion médiatique par les acteurs est loin d'être un effet de mode mais un virus. Certains acteurs se diversifient dans les arts tandis que d'autres se passionnent pour la politique à l'instar des acteurs tamouls ou encore de Schwarzinator. Bref, si Piolo envahit les postes de télé, les salles de cinéma, les stades canadiens ou les ondes de radio, il reste malheureusement inconnu en dehors de la communauté des « pinoy » et des aficionados américains de la liste des Most beautiful men in the world (Il fut le premier philippin à y être classé en 2003). Nous allons donc remédier à cet affront.

Je revêts ainsi mon masque de James Lipton qui aura tant bien que mal réussit à déjouer les parades du regard troublant de Piolo Pascual. En dehors de l'acteur aux multiples violons d'Ingres, j'ai pu découvrir un être calme, généreux et attentif, à mille lieux du star système, qui emploie  systématiquement le nous à la place du je.

Voici la retranscription de cet entretien marathon qui je l'espère nourrira le désir de découvrir ce cinéma renversant, parfois agaçant mais ne laissant jamais indifférent et surtout de vous dévoiler un acteur déroutant, Piolo Pascual.

Embarquons immédiatement face à ce seigneur qui avec espoir, sera sur nos écrans en 2009 pour le film très prometteur Manila.

 

 

Le cinéma philippin est un cinéma unique et souvent enraciné dans une représentation très réaliste de sa société où conflue une multitude de langues. Ainsi, on trouve le tagalog qui emprunte et mélange dans son vocabulaire diverses langues dues au passé historique des Philippines (Anciennes colonies espagnoles rachetées par la suite par les Etats-Unis et sous le joug du Japon durant la deuxième guerre mondiale avant d'être indépendantes) mais aussi le filipino, la forme standardisée du Tagalog, langue véhiculaire et officielle avec l'anglais. Ajoutée à ces langues, on remarque une multiplicité de dialectes.  Quelles langues parlez-vous ?

Je parle l'anglais, le tagalog et aussi le filipino.

 

Est-ce que le tagalog reste toujours la langue la plus employée dans le cinéma philippin ?

Oui, le tagalog est la langue principale.

 

D'où est venue l'envie de jouer ? Qu'est-ce qui vous a poussé, motivé à devenir acteur ?

C'était mon rêve d'enfant. J'ai toujours voulu devenir acteur, que ce soit au cinéma, à la télévision ou sur les planches.  Quand j'étais enfant je faisais déjà partie des clubs de théâtre à mon école.

 

Vous ne campez jamais le même type de rôle, vous avez joué brillamment avec simplicité un innocent coursier exposé à la cruauté du monde dans Lagarista puis dans Dekada' 70 un jeune révolutionnaire éprouvé et passionné ou encore un amoureux dépressif dans Chopsuey. Dans chaque film vous incarnez avec réalisme et justesse vos personnages en réussissant à leur insuffler une existence au-delà de l'écran. Comment vous préparez-vous pour jouer ces rôles et les habiter avec autant d'intensité ?

Lorsque j'ai un nouveau rôle à jouer, je creuse profondément dans la personnalité du personnage. C'est toujours, pour moi, une occasion de m'ouvrir et de devenir quelqu'un d'autre, de donner vie à un personnage. Je prends en compte tous les différents rôles que j'ai interprétés et à partir de là j'en construis un tout nouveau. En plus, la network, sachant les types de personnages que j'ai déjà incarnés, me propose chaque fois des rôles très différents.

 

ABS Star cinema, c'est la network avec laquelle vous êtes sous contrat ?

Oui. Ce sont eux qui gèrent ma carrière. Par rapport à mes rôles précédents ils savent précisément ce qu'ils peuvent choisir pour moi. Ils me font ensuite des nouvelles propositions et puis je les accepte.

 

Quand vous voulez travailler avec d'autres studios vous devez donc négocier auprès d'eux pour qu'ils vous accordent leur consentement ?

Oui je dois demander leur permission, comme pour le film que je prépare actuellement.

 

Ce dernier film c'est Manila ?

Oui c'est Manila, un film indépendant dont je suis co-producteur.

 

 

 

Vous partagez l'affiche de nombreux films avec des légendes du cinéma philippin. « The Drama King », Christopher de Leon vous donne la réplique dans Dekada'70 tout comme Vilma Santos. Rio Locsin joue votre mère dans Don't give up on us tandis qu'Hilda Koronel (Susan Reid) incarne quant à elle celle de Judy Ann Santos. Est-ce que ces acteurs chevronnés vous ont inspiré, appris sur ces divers tournages ?

Les grands acteurs et actrices, comme Vilma Santos, avec lesquels j'ai travaillé m'ont tous appris quelque chose. J'ai tant de plaisir et de chance de jouer aux côtés des meilleurs acteurs et réalisateurs car ils savent ce que c'est que le travail et de vraiment s'améliorer à chaque fois. Je savoure et garde tout ce qu'ils m'apportent afin d'intégrer toutes ces expériences dans mes futurs projets.

        

Vous êtes très versatile et touche à tout. Vous êtes à la fois acteur de films et de séries télé, présentateur télé, ambassadeur de produits pour la publicité, chanteur, même parolier je crois et avec votre dernier film Manila vous devenez co-producteur. Comment arrivez- vous à jongler avec toutes ces activités ?

Comment j'arrive à jongler ? C'est facile il s'agit de bien gérer son temps. Je fais des soaps quand je ne suis pas pris par autre chose, par exemple.

 

Lobo ?

Oui Lobo, J'y ai travaillé pendant huit mois et ensuite j'ai commencé Manila.

 

La série est donc terminée ?

Oui. Dès que Lobo s'est achevé, j'ai commencé Manila et le prochain ce sera un film avec Angel Locsin en Australie. Un emploi du temps bien géré !

 

Bien géré et très éclectique ! Et pour compléter cette panoplie et assouvir votre passion pour le septième art, comptez-vous un  jour passer derrière la caméra en tant que scénariste ou réalisateur ?

L'idée de travailler derrière la caméra ne m'a jamais traversé l'esprit...je veux rester acteur aussi longtemps que je peux.

 

Même dans vos vieux jours ?

Non, je n'ai jamais vraiment pensé à devenir réalisateur...par contre j'ai quelques idées de scénarios. J'aimerais être scénariste. J'écris aussi des chansons...enfin j'essaie.

 

Manila est votre dernier projet en production. Très audacieux et innovateur, il se divise entre le jour et la nuit où vous  incarnerez deux personnages. Ce film rendra hommage à deux réalisateurs phares du cinéma philippin : Lino Brocka et Ishmael Bernal en relatant deux de leurs chefs-d'œuvre dépeignant la cruauté de la ville.  Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce futur film ? sur vos rôles ? A quelle étape de sa réalisation en est-il ?

C'est une vraie industrie de faire des grands classiques. Les gens regardent ce genre de film encore et encore... comme Manila by Night et Jaguar.

Manila propose une nouvelle narration de ces deux grands classiques. On reprend ainsi une histoire que j'adore celle du film de Lino Brocka : Jaguar.

 On y suit la vie d'un garde du corps (NDLR : Jaguar, détourné par l'argot tagalog, est une déformation du terme espagnol Guardia signifiant garde)  qui se trouve être aussi l'assistant du fils du maire. Une histoire surprenante ! Tandis que la seconde histoire, adaptée du film Manila by night d'Ishmael Bernal, raconte la vie d'un toxicomane. Ces deux récits s'opposent ainsi par le choix de les diviser entre le jour et la nuit  mais surtout par le fait que j'y incarne deux personnages différents.

Nous allons tourner le film en noir et blanc sous le format 16 mm puis il sera éventuellement gonflé en 35 mm.

L'idée de produire ce film est  de raconter d'une nouvelle manière ces deux classiques et surtout de les faire découvrir ou redécouvrir au public. Ces films datant de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt, la plupart d'entre nous, alors encore enfant, n'a pu les voir. C'est donc l'occasion de pouvoir présenter ces histoires fabuleuses et de montrer aux plus jeunes le genre de films que réalisaient nos grands cinéastes.

 

Le film sera donc effectué dans la lignée de ces grands films avec la griffe de ces illustres cinéastes. Ce sera donc un film dans le moule d'Insiang ?

Exactement, c'est un hommage au grand cinéma, d'ailleurs Lino Brocka et Ishmael Bernal sont des réalisateurs reconnus dans les festivals du monde entier.

 

Le cinéma philippin se nourrit d'actualité sociale et politique comme dans « The Vizconde Massacre » basé sur des meurtres sanglants, où d'ailleurs vous faites une brève apparition dans la suite de ce film. Ce film a ainsi ouvert la voie à un nouveau genre de film se basant sur des affaires encore en instance de jugement. D'autre part, Dekada'70 tiré d'une œuvre littéraire raconte l'histoire d'une famille marquée par la période de trouble du régime de Marcos. Au vu de l'agitation actuelle autour de la présidence tumultueuse de Madame Gloria Macapagal-Arroyo, touchée par de multiples coups d'état, savez-vous si il y a en production ou il y aura un film narrant ces événements ?...pourquoi pas un « Dekada » sur ces dernières années ?

Vous savez, de nos jours, les gens à Manille veulent regarder des films qui les distraient. Les temps sont durs, alors ils cherchent à s'amuser, rire, tomber amoureux. Dans le cinéma actuel, plutôt que de présenter les problèmes sociaux ou politiques, on préfère leur faire plaisir et faire battre leur cœur.

 

Beaucoup d'acteurs s'intéressent à la politique comme Vilma Santos, gouverneur du Batangas, qui joue votre mère dans Dekada'70. Pensez-vous aussi vous engager un jour dans cette voie où d'une autre manière ? ...peut-être à travers le cinéma engagé ?

Vous savez à mon âge, je suis tellement ravi et comblé par ce travail d'acteur. J'adore mon métier. C'est ma raison d'être, mon destin. Mais pour l'instant je l'admets, je n'ai aucun intérêt pour la politique.

 

Etes-vous cinéphile et quels films et réalisateurs dans le cinéma philippin et étranger confondus vous tiennent le plus à cœur ?

J'adore regarder des films et de toutes sortes. C'est une vraie thérapie pour moi. J'adore le travail de Gary Oldman ainsi que Steven Spielberg et John Woo (surtout pour l'action...on en a plein les yeux). Le cinéma m'intéresse, me passionne, quel que soit le réalisateur ou les acteurs, il faut juste que le scénario soit bon.

 

 

 

Quel film philippin conseillerez-vous pour tout novice ? et pourquoi ?

(Il marque une pause et réfléchit) Il y en a beaucoup. C'est difficile à dire.

 

Pour terminer ... Que ressentez-vous en étant invité dans ce festival avec votre film Dekada'70 pour représenter le cinéma philippin ?

C'est un très grand honneur pour moi de faire partie de ce festival. Je suis très content d'être ici à Paris, et je me sens privilégié. Je travail énormément en temps normal à Manille alors j'apprécie beaucoup ce break. En plus, je rencontre plein de monde, y compris les fans philippins. Ca me fait plaisir de savoir que mon travail touche autant de monde. Je suis très fier de représenter les Philippines. 

 


 

Remerciements à Sophie Bataille, l'équipe du festival de Paris, Laurent Pécha, Carolyn Wood et Danielle « Chashmish » Gatineau.

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