Joachim Trier et Eskil Vogt (Nouvelle Donne)

Jonatan Fischer | 10 juin 2008
Jonatan Fischer | 10 juin 2008

Le cinéma norvégien, vous connaissez ? Ne partez pas en courant, Nouvelle donne apporte à ce cinéma toute la fraîcheur et les ambitions qu’il pouvait espérer. A l’occasion de la sortie du film sur les écrans cette semaine, nous avons rencontré le réalisateur Joachim Trier et son co-scénariste Eskil Vogt. Soit cinq questions pour vous convaincre de vous ruer dans les salles afin de découvrir ce film à la fois cool et maitrisé. 

 

 

Comment est né le projet de Nouvelle donne et comment vous êtes-vous retrouvés à collaborer à nouveau ensemble (Joachim et Eskil avaient déjà travaillé ensemble sur différents courts-métrages) ? 

 

E.V. : Le désir de retravailler ensemble se faisait sentir depuis quelques temps. Nous avions notamment un projet de film en anglais. A l’époque, Joachim était à Londres et moi à Paris.

Puis on a commencé à être nostalgique de la période où nous étions étudiants en Norvège. On repensait à Oslo, à tous nos amis, notre passé commun lié à ce lieu… C’est de là qu’est venue l’idée de Nouvelle Donne.

 

 

 

 

 

La musique est très présente tout le long du film, comment avez-vous envisagé son utilisation ? 

 

J.T. : On pensait déjà à la musique en écrivant le scénario. Nous voulions que les personnages écoutent la musique que nous aimons personnellement. L’écriture du film a duré trois ans et nous avions dès le départ des craintes concernant la bande originale.  Car ce qui était à la mode, c’était surtout la musique RNB et soul. Et cette musique n’allait pas du tout avec nos personnages. C’était embarrassant car nous voulions faire un film en accord avec notre époque et le goût des jeunes d’aujourd’hui. Par chance, le rock est revenu sur le devant de la scène et nous ne sommes pas passés pour des ringards (rires). Nous pensons que des groupes comme Joy division sont intemporels et que cette musique continuera de parler aux jeunes dans encore bien des décennies.

 

 

 

 
Le film est riche en références (littéraires, cinématographiques, musicales), teniez-vous à revendiquer un certain héritage ?

 

J.T. : Oui, je pense que nous avons mis beaucoup de nous-mêmes et de ce que nous aimions dans ce film. Mais surtout, ce qui nous importait c’est que les références employées collent avec la psychologie des différents personnages. Nous ne voulions pas faire des références pour faire des références. Celles qui sont présentes dans Nouvelle Donne sont là par souci de réalisme. Les goûts des personnages en matière de littérature, cinéma ou musique sont avant tout le reflet de leur personnalité. Les jeunes parlent généralement beaucoup des films ou des livres qu’ils aiment, et nous voulions montrer ça aussi. Si on avait juste envie de se faire plaisir, on aurait parlé de skate et d’autres passions que nous avons Eskil et moi en commun. Mais nous ne l’avons pas fait car cela ne collait pas avec les protagonistes de notre histoire.

 

 

 

 

 
La presse internationale vous a qualifié de «Truffaut moderne ». Comptez-vous ,avec Nouvelle donne, proposer une nouvelle vague norvégienne ? 

 

J.T. : Nous étions conscient de faire quelque chose de différent face à la production cinématographique norvégienne actuelle. Mais vous savez, ce n’était pas bien difficile d’innover. Sans trop entrer dans la caricature, la majorité des films norvégiens sont très traditionnels, conservateurs et linéaires. On voulait montrer qu’on pouvait faire autre chose, qu’il y avait des façons plus amusantes et recherchées de faire du cinéma. Par exemple en jouant avec la notion de temporalité comme c’est le cas dans Nouvelle donne.  Nous ne nions pas que la Nouvelle Vague fait partie de nos sources d’inspiration. Mais nous n’avons jamais eu l’envie ou la prétention de faire un nouveau Jules et Jim. Si la comparaison à Truffaut est très flatteuse, je ne me considère pas du tout comme son équivalent moderne. Alors oui, on aime le cinéma de La Nouvelle Vague, oui on lui adresse un clin d’œil au début du film mais après on passe à autre chose. Ce qui m’intéressait c’était de faire un film contemporain avant tout. Et puis il n’y a pas que la Nouvelle Vague qui nous inspire. Nous aimons également beaucoup le cinéma de Desplechin ou Wes Anderson par exemple.

 

 

 

 

 

Pensez vous que le film n’est destiné qu’aux étudiants ? 

 

E.V. : Lorsque nous avons écrit le film, nous ne pensions pas à quel public exactement il se destinerait. Après il est vrai que lorsque vient le moment de la sortie en salles, la question se pose. Nous avions bien entendu envie de toucher les étudiants, norvégiens comme du monde entier, on espérait que le film leur parlerait. Nouvelle Donne c’est un peu le film que nous aurions aimé voir quand nous étions nous-mêmes étudiants.

C’est un film qui parle d’un âge particulier, où l’on se construit et où on est confrontés à une multitude de choix. En Norvège, les étudiants ont tout un tas de possibilités, de bourses prêtes à les aider pour les accompagner dans la voie qu’ils auront choisie. Mais encore faut-il savoir quelle voie prendre. Et c’est là que surviennent les problèmes et qu’ainsi montent les taux de dépression et de suicide. Lorsque l’on est étudiant, on est souvent très fragile. Les émotions sont exacerbées. Nous pensons que tout le monde est passé par là, par ces questionnements intérieurs, et que par conséquent le film est susceptible de toucher le plus grand nombre.

 

 

 

Propos recueillis par Jonathan Fischer
Un grand merci à Joachim Trier et Eskil Vogt pour leur disponibilité et leur gentillesse
Remerciements à Cédric Landemaine

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