Sylvester Stallone (John Rambo)

Laurent Pécha | 6 février 2008
Laurent Pécha | 6 février 2008

Il y a des rencontres que l'on appréhende forcement plus que d'autres. Se retrouver face à Rambo et Rocky est assurément de celles-là. Si on n'a pas l'habitude d'un tel événement, lui est plus que rodé. Pas de doute possible, c'est bien Stallone qui est aux commandes de l'interview et il sait parfaitement faire passer ses idées. Entretien avec une légende.

 

 

 

 

Quand vous vous apprêtiez à faire John Rambo, vos sembliez un peu inquiet à propos de ce qui allait se passer. Comment vous sentez-vous maintenant ? Soulagé ?

Oui. Je n'étais pas sûr de l'histoire. C'était ça, le truc. Est-ce que les gens allaient se sentir concernés. La première histoire que j'avais pour John Rambo se passait en Amérique, il y avait beaucoup de drogues, avec une partie au Mexique. Je n'étais pas sûr que ça soit ce que je voulais faire. Et puis je voulais faire un film très violent, très réaliste.

 

 

 

Effectivement, c'est particulièrement violent !

Tout ce que vous voyez dans le film, j'ai vu pire dans la réalité, voilà tout. J'ai essayé de faire un film aussi réaliste que possible, pas un simple film d'action. Je voulais quelque chose de dérangeant, de très dérangeant. Et je suis heureux de la façon dont ça s'est passé.

 

Pourquoi avoir mis autant de temps avant de réaliser un Rambo ?

C'est tellement stupide. La paresse, je crois. Et le manque de confiance. À l'époque, je ne me pensais pas assez bon pour réaliser un Rambo. Et puis récemment, j'entendais des réalisateurs dire « c'est trop de travail, surtout les scènes d'action, qu'est-ce que j'irais faire là... ». J'ai rencontré de jeunes metteurs en scène, qui ne juraient que par Al-Qaïda, le plutonium, les bombes sales... Non ! Ça parle juste des gens, de gens ordinaires. Rien de plus simple. C'est pour cela que j'ai voulu faire ce film moi-même. Et puis comme il fallait aussi que je joue Rambo, j'avais moins de questions à me poser. La seule façon de le faire, comme nous n'avions ni beaucoup de temps ni beaucoup d'argent, c'était en quelque sorte que Rambo réalise le film. Ça donnerait quelque chose de dur, d'énergique. Alors je me suis dit : « ça devrait être réalisé par Rambo ». Puis ça a commencé à avoir du sens pour moi. J'allais filmer à travers ses yeux, plutôt qu'un autre réalisateur qui se serait posé mille questions. Il est comme un animal. Et je regrette de ne pas avoir pensé comme ça il y a une vingtaine d'années. Ce n'est pas amusant, disons plutôt que c'est plaisant.

 

 

 

Pourquoi vouliez-vous que ce film soit si violent visuellement ?

Je pense que trop de films d'action sont laids, avec une violence tout sauf réaliste. On n'y voit pas ce qu'engendre la vraie souffrance, la vraie douleur. Mais ce n'est pas comme ça que ça se passe. C'est destructeur. Et je voulais que les gens comprennent ce qu'est la guerre. Quand vous lisez dans le journal que trois soldats américains ont été tués, ça ne fait pas tout. C'est juste des corps et des armes. Je voulais montrer l'horreur de la chose. La guerre n'est pas une chose merveilleuse. C'est pourquoi Rambo est si sauvage. C'est être responsable que d'observer cela. La guerre, c'est moche. Et c'est même pire. Pour me documenter avant de faire le film, j'ai visionné des images d'archives sur la guerre en Birmanie. J'ai vu des tas de corps sans tête, des atrocités inimaginables, à tel point que j'ai dû me brider sous peine de passer pour un cinglé aux yeux des spectateurs.

 

 

 

Comment avez-vous déterminé vos limites dans la représentation de la violence, notamment vis-à-vis de la MPAA ?

C'est un film de genre. Il n'y a pas de limite. Tout dépend à quel point vous voulez affecter le public. Quand il se trouve face à des tortionnaires, il arrive que Rambo décide de faire autre chose que de les tuer comme ça (il claque des doigts). Il a vu tellement d'horreurs qu'il veut que le type ressente un peu la douleur qu'il a lui-même infligée. C'est une façon d'utiliser la violence. Il n'y a pas de vraie limite. Si je m'autorisais un jour à tuer et que je croisais un pédophile, je le détruirais de mes propres mains, parce ce que ces gens-là font aux enfants, c'est mal. Je veux que le public soit soulagé de voir que les mauvaises personnes récoltent ce qu'elles méritent. C'est un sujet très délicat. Par exemple, pour moi, le viol est impardonnable. Je pourrais trancher la gorge d'un violeur.

 

Vous revenez à Rocky et Rambo. Vous arrive-t-il de penser que vous n'avez du succès qu'en reprenant ces personnages nés il y a trente ans ?

Le succès est arrivé très tôt. C'est comme ça. Je n'allais pas essayer de changer ça. Ça serait comme être un chanteur de rock'n'roll et se mettre à l'opéra... Ma carrière n'est pas ordinaire, elle est tout sauf normale. Ça commence avec Rocky, Rambo. Des types pessimistes, des guerriers... C'est dément. Mais maintenant, j'adore ma carrière. Je suis en paix avec moi-même.

 

 

 

Pensez-vous que Rambo et Rocky sont un peu comme le Yin et le Yang ?

Clairement oui. Je n'ai jamais rien vu de tel. Il y a d'une part un citadin pas très futé, et d'autre part un animal sauvage...

 

Et lequel des deux êtes-vous ?

Les deux.

 

Peut-être un peu plus intelligent ?

Pas beaucoup. Je vais vous dire : je ne suis pas aussi gentil que Rocky, mais je ne suis pas prêt à tout comme Rambo.

 

 

 

Les jeunes aiment Rambo. Comment expliquez-vous cet amour ?

Parce que Rambo n'a pas déclenché cette guerre. Il protège simplement les gens qui ne peuvent se protéger eux-mêmes. Et on a toujours besoin de ça. Les jeunes ont raison : la guerre est une catastrophe. Rambo déteste la guerre. Mais quand vous le placez au milieu de la guerre, il est là pour gagner et tuer l'ennemi.

  

Comment faites-vous pour être aussi crédible à 61 ans ? Vous êtes une sorte de monolithe.

Merci. Je ne sais pas... je fais de l'exercice, je dors beaucoup. J'essaie de conserver un certain mode de vie. Et puis j'ai eu la chance d'hériter des bons gènes.

 

Vous êtes une sorte de machine avec des sentiments.

J'adore ça. C'est tellement unique de pouvoir jouer ce genre de personnage. Une vraie figure d'homme. À quoi va ressembler le nouvel homme ? Plus sensible, tout ça...

 

Rambo est à l'opposé de John Wayne ou Clint Eastwood. Il n'a pas beaucoup de sens de l'humour...

C'est parce qu'il pense trop. Toute cette horreur l'a tellement marqué qu'il est incapable de prendre de la distance avec les choses. Et puis c'est son côté sauvage. Ça peut être un type très gentil mais il a également la possibilité d'être votre pire ennemi.

 
Dans les Rocky, il y a Adrienne. Mais dans Rambo, à part une relation éphémère dans l'opus 2, Rambo ne rencontre pas l'amour. Avez-vous une explication pour cela ?

Dans John Rambo, il y a tout de même cette jeune bénévole, qui est quand même la principale raison pour laquelle Rambo reprend les armes. Il ne serait jamais reparti dans une nouvelle opération de sauvetage si elle n'avait pas été là. Mais comprenez qu'intégrer une véritable histoire d'amour aurait été déplacé. Ce n'est pas le sujet. Et puis les spectateurs mâles m'auraient sans doute détesté d'avoir fait ça. (rires)

 

 

 

Ça le rendrait peut-être plus sympathique, s'il était moins seul.

Je crois que ce serait trop romantique. Dans ce que j'ai écrit, il est fou d'elle, il le lui dit. Et il finit par retourner en Amérique, il va la voir chez elle... Mais s'il rentre au pays, il doit le faire par lui-même, pas pour une simple amourette.

 


Regrettez-vous que Rambo ne soit pas mort à la fin du premier film comme dans le roman ?

Jamais de la vie. Il y a tant de soldats qui sont revenus et qui se sont suicidés. Vingt mille. Je ne voulais pas leur délivrer un message disant qu'après la guerre les soldats deviennent inutiles. Je me suis embrouillé avec Quentin Tarantino, qui dit que c'est simplement la loi du box-office. Ça aurait sans doute été plus « artistique » mais je ne pense pas que ça aurait été un bon message à faire passer.

 

 

 

 

Que pouvez-vous nous dire à propos des rumeurs sur Rambo 5 ?

J'y pense. Je voudrais faire quelque chose de différent. Garder le personnage mais le placer dans une situation différente. Pas la guerre. Je ne peux pas refaire le coup de la guerre. La guerre, basta. J'ai envie d'une expérience différente. On verra. Si celui-ci marche, s'il fait beaucoup d'argent, les producteurs me diront alors « OK, fais un autre film ».

 


Et pourquoi pas Rocky vs. Rambo, avec des effets spéciaux ? Ou contre le Terminator ?

Je crois que le Terminator gagnerait. Rocky aurait ses chances. Mais il risquerait de se faire sacrément mal (rires).

 

 

Un grand merci à François Frey, Olivia Malka et Sophie Martins (Kinema Film) pour avoir rendu cette interview possible.

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