Sven Taddicken (Le Bonheur d'Emma)

Julien Foussereau | 19 juin 2007
Julien Foussereau | 19 juin 2007

Après la charmante Jördis Triebel, c'est au tour du maître d'œuvre du Bonheur d'Emma, Sven Taddicken, de s'exprimer. Contrairement à la comédienne, il n'a pas été formé aux rudiments de l'égorgement porcin. Faut-il en conclure que l'auteur de ces lignes aborde cet entretien de manière plus détendue ? A vous de juger...

 
Parlez moi un peu de vous...

Je suis né à Hambourg. J'ai grandi dans une petite ville appelée Oldenburg. J'ai 32 ans. J'ai suivi une formation dans une école de cinéma. J'ai toujours été fasciné par le cinéma et j'ai exprimé dès mon plus jeune âge le désir de réaliser des films. Mais, bizarrement, je n'ai pas vraiment eu l'impression d'apprendre grand-chose quand j'étudiais dans mon école de cinéma. Bien sûr, ces quatre années d'études ont été formatrices pour apprendre à connaître les personnages clés sur un tournage comme le directeur de la photographie, le scénariste ou encore mûrir dans le rôle du cinéaste. J'ai réalisé jusqu'à présent deux films.

 
Quelles ont été vos influences majeures ?

Difficile à dire. Bien sûr, certains films m'ont marqué mais ils n'ont eu en général rien à voir avec mon propre travail. Peut-être parce que je recherche souvent l'inédit, la nouveauté. J'adore par exemple Michael Haneke pour le regard dur et tranchant qu'il porte sur la société. Mais mes films sont complètement différents, plus légers. Une de mes séries préférées est celle de mon enfance, le Muppet Show.

 
Je vais préciser alors. Pourriez vous me citer cinq films qui vous ont profondément marqué ?

(rires) Je vais essayer. Je commencerais par Le Droit du plus fort de Fassbinder. Les Dents de la mer a beau être un film de chasse, il génère une excitation comme j'en ai rarement éprouvé parce que c'est quand même dingue ce que Spielberg a pu faire par la simple suggestion de sa mise en scène. Underground pour le génie de Kusturica à mêler farce politique et rêverie onirique. Happiness de Todd Solondz pour son mordant sur la nature humaine et la façon dont il fait évoluer ses personnages tout au long du film. La Garçonnière de Billy Wilder parce qu'on y trouve le plus « Je t'aime » à la fin du film.

 

 

 

Quelles circonstances vous ont conduit à adapter le best-seller Emma's Glück de Claudia Schreiber ?

Elles sont assez simples. Des cadres d'une boite de production, Wüste Films, avaient vu mon premier film qu'ils avaient beaucoup aimé. Ils m'ont approché avec le roman. A l'époque, ils n'avaient pas encore les droits. On s'est débrouillé pour les avoir. C'était la première fois que je supervisais jusqu'au bout le scénario d'un film. Il faut dire qu'une grande partie du roman correspondait exactement à ce que je voulais voir dans mon film. C'est une histoire très touchante sur un couple qui essaie de faire face à une mort inéluctable. J'ai été très surpris par le caractère lumineux et solaire du roman qui, par moments, peut se révéler très drôle. Il y avait déjà ce mélange comédie / drame dans mon premier film dans lequel il était question des envies sexuelles d'un attardé mental. Le Bonheur d'Emma offrait certains aspects que je n'avais pas approchés auparavant mais je ne regrette pas de m'être jeté à l'eau parce que le potentiel de ce bouquin était fort.

 
Qu'est ce qui vous pousse à réaliser un film en général ?

Deux choses sont essentielles pour moi. La première, c'est son sens du spectacle. Je ne peux pas me lancer si je sens que je ne peux pas réaliser un film divertissant et accessible pour toucher les spectateurs. Pas tous, mais au moins une partie bien définie. La deuxième, c'est son sens de l'évasion. Je veux qu'un film vous emporte, réveille vos peurs ou fasse rêver. Je ne crois pas qu'un film puisse changer les gens mais il peut au moins vous toucher en dressant un parallèle avec votre situation. Je vois un bon film comme une thérapie. Cela me pose pas de problème si on va voir Spider-man 3, Shrek le troisième ou Le Bonheur d'Emma. Chacun vous fera du bien par rapport à votre vécu ou votre expérience.

 

 

 

Jördis Triebel m'a dit que vous aviez eu bien du mal à trouver votre actrice pour le rôle-titre...

Je m'étais arrêté dès le départ sur Jürgen pour le premier rôle masculin. Il est très très connu en Allemagne. Je lui ai envoyé le scénario et il a dit oui tout de suite. Par contre, je cherchais une inconnue du grand public pour Emma parce que j'estimais qu'Emma était un personnage tellement hors normes que ça aurait été compliqué avec une star. Donc oui,  ça m'a pris beaucoup de temps pour trouver la perle rare. Et Jördis est arrivée et elle m'a bluffé par son naturel. Elle s'est laissé peu à peu complètement aller et a produit un jeu super instinctif, laissant de côté toute approche cérébrale. Elle a parfaitement compris ce qu'était Emma : une femme à la sagesse populaire qui sait que la mort fait partie de la vie. Elle sait garder les yeux ouverts face à ce passage inévitable. Elle m'a réellement impressionné dans la mesure où elle m'a devancé en séjournant de son propre chef dans une ferme bio avant même que je ne lui en fasse la suggestion.

 

Êtes-vous attiré par les sujets polémiques ?

La controverse dépend des spectateurs au final. Je recherche des sujets en lien avec certains problèmes actuels.

 

 

 

Quelles scènes furent les plus difficiles à tourner ?

Incontestablement les scènes avec les animaux. On avait beau avoir des dresseurs, ils n'ont pas réussi à faire en sorte que les cochons se couchent pour qu'Emma puisse pratique un égorgement. On devait donc attendre que les animaux soient exténués et tombent de sommeil pour pouvoir tourner. On a eu aussi le destin qui nous a aidé quand, par exemple, une sauterelle a atterri par accident sur la joue de Jördis.

 
Quels sont vos prochains projets ?

Je viens de terminer le segment d'un film à sketches sur les émeutes qui ont lieu chaque année au premier mai à Berlin... Depuis 1987, des mouvements d'extrême-gauche détruisent des supermarchés. C'est une manifestation étrange dans laquelle, chaque année, Berlin devient le théâtre d'une mini révolution. C'est un film de fiction entremêlé d'images d'archive. On a d'ailleurs tourné les 1er mai 2006 et 2007 au beau milieu de l'émeute. L'année prochaine, je tourne aussi un film historique sur Klaus Störtebeker, un pirate allemand très célèbre du 15ème siècle. Ce sera une histoire d'amitié entre deux pirates qui va tourner au désastre.

 
Enfin, la question débile. Ménagerez-vous davantage les végétariens avec ce film ?

(rires) Je crains que non !

 

Merci à Sandra Matar de Jour de Fête.
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