Nina Roberts (Grosse vache)

Didier Verdurand | 18 mars 2007
Didier Verdurand | 18 mars 2007

Nina Roberts aurait pu être une porno star parmi d'autres et se marier avec un riche patron pour être tranquille jusqu'à la fin de ses jours. Seulement voilà, derrière, il y a Sophie et elle veut vivre. Partager avec tout le monde ses expériences, ses émotions. Alors elle écrit. Après J'assume, une biographie particulièrement attachante comme elle, Sophie a écrit un roman, Grosse vache, à la première personne pour parler d'une maladie qu'elle connait bien : l'anorexie. L'éditeur Scali n'a pas jugé bon de le sortir sous son vrai nom, malgré sa demande, mais retenons qu'il a eu l'audace de publier un livre dérangeant, courageux, sensible et qui étonne par sa maîtrise innocente. Merci à Sophie d'exister - et à Nina d'avoir bien voulu jouer la pin-up spécialement pour nous.

 

Comment as-tu ressenti l'accueil de ton premier livre, J'assume ?
J'ai réussi à toucher des gens aux profils très différents, pas seulement les hommes qui me connaissaient grâce au X, mais surtout des femmes. Et des ados… Je me rappelle cette jeune fille de 17 ans qui m'avait branchée dans la rue et qui m'avait dit que depuis qu'elle avait lu mon livre, elle ne regardait plus les hardeuses comme avant. J'étais émue parce que c'est exactement le but que je m'étais fixé. Je connais les idées reçues sur le sujet et je voulais les secouer.

 

Qu'en ont pensé tes anciennes « collègues » ?
Je n'ai eu que des réactions positives. En allant voir un copain réal sur un tournage, j'étais tombée sur Angie Kiss, qui le lisait et qui était ravie de pouvoir me dire qu'elle trouvait ça génial et que ça l'aidait à l'accompagner durant ses premiers pas dans le X. Beaucoup d'actrices l'ont lu et m'ont encouragé à continuer d'écrire.

 


 

Et Ovidie ?
Elle ne l'a pas lu, je crois. Mais ça ne m'empêche pas de l'adorer ! En revanche, j'ai lu Porno manifesto et c'est un peu trop féministe à mon goût.

 

Niveau promo, comment ça s'est passé ?
Quand on va chez Cauet, on sait que c'est plus pour montrer ses nichons que pour parler d'un bouquin. Mais j'ai été dans des émissions où j'ai pu m'exprimer, notamment chez Ardisson et Bern. J'ai plus senti des barrières à cause de mon passé avec la presse écrite. Je sais par exemple que Madame Figaro n'a pas voulu lire J'assume parce qu'une ancienne hardeuse en était l'auteur. Ce n'est pas une surprise, je ne m'attendais pas non plus à faire l'unanimité. En tout cas, la promo s'est faite plus facilement que pour Grosse vache. Cela fait maintenant deux ans et demi que j'ai arrêté le porno, j'écris des livres, j'essaie d'avoir des propos intelligents... J'intéresse moins les médias !

 

Tu as commencé à écrire Grosse vache très vite après...
J'avais arrêté le porno et je me suis bien sûr demandée ce que j'allais faire. J'assume ayant bien marché, je me suis naturellement attaqué à un roman mais ça n'a pas été facile, loin de là. J'ai écrit une première version, de 60 pages, qui me plaisait énormément. C'était obsessionnel et imprégné de poésie dark. Je la fais circuler autour de moi et les critiques sont dithyrambiques. Hélas, mon éditeur n'aime pas, parce que je l'ai écrit à la première personne et que c'était malvenu, juste après une biographie. Pour traduire l'obsession, je ne voyais pas comment éviter le Je, c'était une évidence. Je suis rentrée chez moi, j'ai pleuré, m'en suis débarrassé et je me suis mise à écrire une nouvelle version. Que je n'aime pas. Je recommence deux semaines plus tard, j'écris 25 pages dans un style complètement différent et je trouve ça pourri, j'abandonne. Ensuite, j'écris Toxicomanie, l'histoire d'une fille qui veut décrire sa maladie dans un livre qui ne plaît pas à son éditeur, du coup elle s'enferme chez elle et écrit un livre qui ne lui plaît pas (Rires). Mon éditeur baisse les bras et me laisse finalement carte blanche. Après un dernier essai, j'ai décidé de réécrire la première version, à l'aide de brouillons que j'ai pu dénicher, et voilà l'histoire de Jessica, mon héroïne, publiée. Deux ans pour y arriver.

 

Comment tu as gagné ta vie ?
Je fais des shows en discothèque et dans des salons érotiques. Ca ne me saoule pas trop. Je ne te cache pas que j'aimerais bien faire autre chose, j'en ai un peu ras le bol de montrer mes fesses. Mais je ne vais pas me plaindre non plus, je suis bien consciente que j'ai déjà de la chance de pouvoir gagner de l'argent facile. Seulement, à trente ans, j'espère que je serai à un niveau supérieur. J'ai fait aussi une scène lesbienne pour Hervé Bodilis, parce que c'est un très bon ami et que j'avais adoré travaillé avec lui peu de temps avant d'avoir arrêté le X. Il me voulait absolument dans son film alors j'ai accepté. J'en ai fait une autre depuis pour un autre ami, Martin Cognito. Et je vais en refaire une pour Hervé. Il semble avoir du mal à trouver des françaises qui ne savent pas trop mal jouer la comédie (Rires).

 


 

Avec Grosse vache, à qui veux-tu t'adresser ?
Aux femmes avant tout, sans tomber dans le féminisme. Je parle aux femmes parce que j'en suis une, déjà, et aussi parce que mes problèmes sont féminins. L'anorexie touche moins les garçons, c'est une réalité. Je n'ai pas voulu non plus les ignorer, mais je m'adresse avant tout à celles qui sont en train de tomber dans l'anorexie, dans l'espoir de l'aider. Il y a aussi des allusions qui ne seront pas forcément perceptibles auprès des jeunes filles, j'ai laissé le sexe cru de côté pour rester accessible aux plus jeunes filles. Mais le sexe reste lié à la bouffe, je ne pouvais pas l'ignorer, Freud lui-même en a parlé ! Quand Jessica fait l'amour avec son mec et qu'elle prend son pied, c'est une crise de boulimie.

 

Tu as fait des recherches sur la maladie ?
J'ai surtout puisé dans mon expérience personnelle. J'ai lu beaucoup de livres sur la psychanalyse car l'inconscient tient une place essentielle dans la maladie. Je me suis donc creusé la cervelle pour cerner le mieux possible le sujet, et j'ai parlé avec des filles qui en souffraient. Même quand j'allais dans des soirées, je disais que j'écrivais un livre dessus pour entendre des témoignages, car il est finalement assez rare de n'avoir jamais approché de près ou de loin quelqu'un qui peut en parler en connaissance de cause. Tout part d'un manque d'amour. On peut faire un parallèle avec l'actrice porno qui, à travers l'acte sexuel, se sent désirée donc aimée.

 


 

La fin est inoubliable, pour ne pas dire traumatisante.
J'ai beaucoup travaillé cette fin. Au départ, il y a la certitude que mon héroïne ne pouvait pas s'en sortir. J'ai écrit ce livre non seulement pour les anorexiques mais aussi pour leurs parents et toutes ces familles qui ont perdu une ado à cause de cette maladie. Ce n'est pas donner de l'espoir que de faire croire à un happy end qui n'arrive pas toujours. Il faut être conscient qu'on en meurt, ça n'a rien de joyeux.

 

On ne s'attend pas à cette claque parce que tu commences par diriger le lecteur vers un happy end. Tu tombes volontairement dans le conte de fées pendant quelques pages, même si le prince charmant a un petit vice qui ne plaît pas à Jessica : il est échangiste !
C'est le comble du 21ème siècle. Aujourd'hui, le prince charmant fume des pétards et va dans des clubs échangistes, sinon il s'emmerde. (Rires) Je l'ai choisi échangiste pour pimenter le personnage et pour déclencher une crise chez Jessica, parce qu'elle est contre cette pratique. Quand elle est entraînée là-dedans, elle veut donc se purifier en se faisant vomir. Je voulais montrer qu'une crise peut être provoquée sans qu'on s'y attende forcément.

 

L'aventure va peut-être se prolonger puisque tu pourrais interpréter le rôle de Jessica dans une adaptation au cinéma ?
Ce serait un aboutissement naturel, car j'écris avec des images dans la tête. J'ai un ami dans la pub qui aimerait en faire son premier long. C'est encore très flou mais on se dirige vers un financement anglais. En France, on n'hésite pas à censurer une actrice du X qui veut parler alors qu'en Angleterre, elle est écoutée. Il y a moins de tabous là-bas, je pourrai plus librement aborder des sujets comme l'anorexie et de la boulimie. Et puis j'attends toujours la sortie d'un documentaire de Thomas Staib, I accept, acheté par Bonne pioche (La Marche de l'empereur). Thomas m'a suivi pendant une année, celle où J'assume a été publié.

 

Propos recueillis par Didier Verdurand.

Teaser de l'adaptation de Grosse vache au cinéma sur MySpace.
Lire notre premier entretien avec Nina à cette adresse.

 

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