Satoshi Kon (Paprika)

Jean-Noël Nicolau | 6 décembre 2006
Jean-Noël Nicolau | 6 décembre 2006

Lorsque Satoshi Kon nous reçoit dans le bel hôtel parisien où tout son entourage somnole gentiment sur quelques canapés au kitsch assumé, il est déjà épuisé par deux jours de promotion française quasi non-stop. L'interview en duo avec Emmanuel Deslouis de Science et Vie Junior, aura au moins le mérite de réveiller un peu le génial réalisateur de Paprika, son nouvel opus aussi fascinant que franchement dingue, dont l'arrivée dans les salles hexagonales, le 6 décembre prochain, permettra de juger de la réceptivité du public face à l'un des auteurs les plus originaux de l'animation actuelle.

Pour nous Occidentaux, votre cinéma pourrait se rapprocher du mouvement surréaliste. Que connaissez-vous du surréalisme, notamment de certains de ses artistes emblématiques tels que Dali ou Buñuel ?
Je ne crois pas avoir été influencé par le surréalisme. Je ne sais pas vraiment d'où viennent mes inspirations. Je suis davantage influencé par la musique, par des dessins ou par des photographies.

Que pensez-vous de l'œuvre de David Lynch ?
J'aime beaucoup David Lynch, on peut même dire que j'adore ! J'ai été fasciné par Twin Peaks, et Mulholland drive m'a beaucoup plu. J'ai découvert ce film en DVD, et j'ai eu l'impression de vivre cette œuvre et pas seulement de la regarder. J'y ai trouvé une richesse que beaucoup d'autres films n'ont pas.


Paprika inclut à nouveau une histoire d'amour contrariée, même si cette fois l'otaku part avec l'héroïne, à la différence, par exemple, de Millennium actress où le fan n'était que spectateur. Les amours obsessionnelles, quelles qu'elles soient, sont souvent présentes dans vos œuvres. Comment abordez-vous ce thème ?
C'est sans doute la question que j'aime le moins que les journalistes me posent. Je ne sais pas raconter les histoires d'amour et c'est un thème qui m'intimide beaucoup. La relation amoureuse dans Paprika est un à-côté, elle est rajoutée comme un élément supplémentaire de l'intrigue principale. L'histoire d'amour dans Millennium actress est très vague, elle fait partie d'un ensemble. Ce n'est pas mon but de raconter une histoire d'amour.

Comment avez-vous réussi à gérer les passages entre le rêve et la réalité tout en restant clair ? L'exercice en aurait perdu plus d'un, mais vous réussissez à ne pas perdre le spectateur.
Tellement de gens m'ont dit qu'ils étaient perdus que je suis content que vous ayez compris ! Dès le début, je me suis dit qu'il était essentiel que le spectateur sache où il était. D'ailleurs, j'ai déjà utilisé ce procédé pour Perfect blue et Millenium actress. Dans la dernière partie de Paprika, tout le monde est peu perdu mais ce n'est pas vraiment grave.


Paprika s'adresse aussi bien à un public ado qu'adulte. Une évolution par rapport à vos précédents films plus adultes ?
Je ne suis pas sûr que les enfants puissent voir Paprika ! (rires) Ceci dit, je voulais changer mon image et faire un vrai film d'animation pour un plus large public.

Il semble que le cinéma d'animation profite particulièrement des nouvelles technologies. Seriez-vous tenté par un film tout en 3D, en images de synthèse photo-réalistes ou par un mélange de différentes techniques ? Qu'avez-vous pensé de Mind game du studio 4°C ?
Mind game est un très bon film, j'en suis très fan. Mais je ne suis pas tenté par un tel mélange. On ne s'en rend pas forcément compte, mais Paprika comporte beaucoup d'images 3D, mais elles sont conçues pour faire croire à de la 2D. Je crée mes films selon un certain ordre, de la feuille blanche au résultat final, et je prête grande attention à chaque image.


Quelles relations avez-vous eu avec Yasutaka Tsutsui (auteur du roman original) pendant l'élaboration du film ?
C'est un auteur que j'admire depuis le lycée, j'en suis un grand fan et j'ai une grande admiration pour son œuvre. Il faut savoir que c'est Tsutsui lui-même qui m'a proposé d'adapter Paprika à l'écran. Il m'a ensuite laissé une liberté totale et il n'est jamais intervenu dans mon travail. J'ai beaucoup apprécié cette attitude.

La musique est toujours très présente dans vos films. Quelle influence a-t-elle sur votre œuvre et seriez-vous tenté par un film entièrement musical ou par des vidéo-clips ?
Cela m'intéresse effectivement beaucoup. Paprika possède déjà des aspects de clips dans la manière de coller les images et le découpage avec la musique. J'attends des propositions pour mettre en scène un vidéo-clip. Dans mon prochain film, la musique aura une part très importante, elle sera au coeur du métrage.
Pendant mon travail sur Paprika, j'ai beaucoup regardé de clips de Michel Gondry, que je considère comme un génie. J'ai trouvé de nombreuses idées dans sa description des rêves. Michel Gondry devrait faire plus de clips et moins de longs-métrages. Ses films sont moins clairs, moins caractéristiques de son travail, moins rapides. J'ai découvert Eternal sunshine for the spotless mind pendant la création de Paprika.

Dans quelle direction aimeriez-vous évoluer ?
J'aimerais beaucoup faire un jidai-geki, un film historique. Mais cela va me demander beaucoup de recherches et de connaissances.

Propos recueillis par Jean-Noël Nicolau.

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