Mélanie Laurent (Je vais bien, ne t'en fais pas)

Didier Verdurand | 24 février 2007
Didier Verdurand | 24 février 2007

Vous ne la connaissiez peut-être pas jusqu'à présent, mais en aucun cas vous ne l'oublierez si vous allez voir Je vais bien, ne t'en fais pas (le titre ne donne pas envie, on vous l'accorde). Mélanie Laurent n'est pas seulement belle, cette jeune comédienne est douée. Son interprétation de Lili ne devrait pas d'ailleurs laisser de marbre les votants aux César, mais ça, on en reparlera en 2007...

 

Comment faites-vous pour jouer aussi bien ?! Vous avez pris des cours ?
(Rires) Je n'ai jamais pris de cours. C'est juste un coup de chance. J'ai accompagné une amie sur le tournage d'Astérix et Obélix il y a 9 ans et là Gérard Depardieu m'a remarquée et m'a demandée si je voulais faire du cinéma. Je lui ai dit oui, il m'a fait passer des essais et 15 mois plus tard, je tournais dans un film avec lui, Carole Bouquet et Charles Berling (Un pont entre deux rives).

 

Et vous avez tout de suite enchaîné en trouvant un agent ?
Lorsqu'on se retrouve à 14 ans dans un film avec Depardieu, ce sont les agents qui viennent vers vous. Et ma chance s'est prolongée, j'en ai trouvé un très bon qui s'est occupé de moi pendant 4 ans. Je me suis donc retrouvé dans une situation très confortable et agréable. Je ne voulais pas arrêter non plus mes études donc j'ai également continué le lycée. J'ai eu mon bac, option cinéma d'ailleurs. Je me suis aussi rendue compte que j'avais envie d'écrire et j'ai fait quelques courts métrages. Tout cela en même temps que les tournages.

 

Aujourd'hui, quelle est votre position par rapport à votre carrière ? Les scénarios tombent ou vous chassez les rôles ?
Déjà, l'avantage c'est que ce n'est pas moi qui suis à la chasse aux rôles mais mon agent. Malgré tout j'ai l'impression qu'un cap a été franchi lorsque j'ai tourné le film d'Audiard, même si j'avais juste une petite scène dedans. Je savais que j'allais être dans un magnifique film et ça, à 23 ans, c'est déjà énorme mais je ne pensais pas que ça allait avoir un tel impact sur ma carrière. Il n'y en a pas eu sur les gens, personne ne me reconnait, j'ai une vie plutôt tranquille. Mais dans mon métier j'ai vu la différence entre avant et après ce film. Avant, je rencontrais des réalisateurs sur rendez-vous dans un cadre assez froid et ils me faisaient passer des essais. Depuis, j'en ai rencontré pas mal dans des cafés qui m'ont donné ensuite un scénario. Ils me disent qu'ils ont plusieurs personnes en vue mais que j'en fais partie. L'intérêt, c'est qu'on peut se parler tout de suite. Il n'y a plus trop le barrage du directeur de casting, dans un bureau un peu froid.

 

J'ai lu dans le dossier de presse que vous aviez perdu 8 kilos. J'imagine qu'il y a un spécialiste qui s'occupé de vous ?
Effectivement j'ai demandé à ce qu'il y ait une diététicienne à mes côtés durant le tournage. Elle s'est bien occupée de moi. Mon poid normal est de 47 kilos. Je suis descendue jusqu'à 45. Vous allez me demander pourquoi j'en ai perdu 8 alors, c'est parce que j'en avais pris 6 avant ! Et j'ai du tout reperdre, plus 2 autres et cela en un mois. C'est un régime particulier que je ne recommanderai pas car la diététicienne m'a bien précisé que c'est un régime au cas par cas. En gros, Je ne mangeais presque rien le matin, pas grand chose non plus le midi mais assez varié tout de même, en somme presque rien de la journée. Et le soir par contre protéines et légumes en quantité illimitées.

 

Il y a une mode à Hollywood en ce moment : des stars sont si maigres qu'on se demande parfois si elles ne sont pas anorexiques. J'ai bien aimé que le film aborde justement le sujet frontalement sans le glamouriser.
Oui, mais le film ne parle pas tant de l'anorexie mentale que de la dépression forte qui se caractérise par le refus de s'alimenter. C'est en quelque sorte une tentative de suicide que fait mon personnage. Je n'ai donc pas eu besoin de me renseigner sur la maladie et je n'ai pas dû rencontrer des personnes anorexiques. J'aurais d'ailleurs eu du mal à le faire car c'est un sujet à propos duquel je suis assez sensible et j'aurais mis des émotions au mauvais endroit en ce qui concerne mon rôle. En plus on voit de de nombreuses actrices qu'on envie toutes mais qui sont juste très belles avec de la poitrine, etc... et on voit de plus en plus de filles très maigres qui flottent dans des jeans c'est hyper bizarre. J'ai d'ailleurs vécu un truc hyper violent en retrouvant certaines personnes du film après le mois d'arrêt avec 7 ou 8 kilos en moins. Plein de gens m'ont dit que j'étais beaucoup mieux comme ça. Et là je me suis dit que ça pouvait devenir dangereux car je fais un métier avec une vraie obsession de l'apparence physique, du poids et du regard que les autres portent sur nous. Et ce qui m'a sauvé en quelque sorte c'est ma gourmandise. Si je n'étais pas gourmande, à la limite, je n'aurais rien repris. C'est agréable d'être à 45 kilos, tout nous va, on se sent bien, mais j'aime trop la bouffe.

 

La jeune fille dans le lit à côté du votre est encore plus marquée physiquement que vous, elle est vraiment anorexique ?
C'est une comédienne anorexique et je pense qu'elle est sur la bonne voie pour s'en sortir. Elle n'était pas prévue dans le scénario à l'origine mais Philippe Lioret, le réalisateur, s'est dit qu'il fallait mettre quelqu'un qui serait le reflet de ce que le personnage que j'interprète allait devenir si elle continuait comme ça.

 

Malgré tout l'ambiance sur le tournage a été assez délirante, très joyeuse...
Oui... J'avais fait Dikkenek avant, je ne m'étais pas amusée du tout et je ne m'attendais pas à ce que ce tournage soit différent et qu'il y ait une telle ambiance. Mais tout ça, c'est Kad qui l'a apporté parce que c'est son exutoire et qu'il a besoin de rire pour se concentrer. Je me suis rendu compte que c'était une méthode de travail qui me convenait plus que bien. Je pars du principe que dans la joie, la bonne humeur et l'amour on arrive à tout. Moi les acteurs si je ne les aime pas humainement je n'ai rien envie de jouer avec eux. Même si j'ai la haine de jouer avec eux, il faut que je les aime. Mais bon, c'est un parti pris. Il y a aussi l'Actor's studio qui réfute cela, mais moi j'en ai besoin, surtout pour me protéger. J'aime bien, lorsqu'on dit « coupez » en fin de journée, retrouver ma vie dans la seconde qui suit. Je n'ai pas envie de me faire bouffer par mon métier.

 

J'ai lu aussi que vous vous imprégnez de votre texte le matin. Alors vous vous isolez, puis vous vous retrouvez sur le plateau et vous commencez tout de suite à jouer ?
Non, mais en l'occurence le texte était facile à apprendre. C'était tellement juste que ça rentrait facilement. Parfois j'apprends les dialogues la veille, pour les grosses scènes. C'est ma méthode pour l'instant. Elle ne m'a pas encore fait faux bond. Mais pour des raisons personnelles, c'est un métier qui ne me fait pas peur. J'ai des parents artistes qui ont été beaucoup plus terrorisés. Je suis rentré dans ce milieu par hasard mais ce n'est pas par hasard que je suis encore là dedans. Il y a un esprit de revanche même si ce n'est pas un joli mot. Personne ne me fait peur dans le sens où n'importe quel acteur soit-il, mythique ou non, reste un être humain. Déjà cela change beaucoup de choses, cela enlève pas mal d'angoisse et de peur. Du coup pour mettre un peu d'adrénaline, le fait d'apprendre mon texte de manière parfois bancale me donne cette petite montée car je ne sais pas ce qui va se passer. La plupart des comédiens que je connais disent que je suis malade et ça ne leur viendrait même pas à l'esprit de pas tout connaître avant et de ne pas faire le travail en amont. Comme Julien Boisselier, il me regardait, il connaissait tout le scénar, il connaissait même mes répliques avant moi. Marion Cotillard, qui est devenue une proche amie, pareil, ça lui parait incensé. C'est une méthode comme une autre, ça ne veut pas dire que je ne travaille pas mais c'est un travail intérieur. Je lis un scénario, je le referme, je le lis deux ou trois fois, je redécouvre les scènes au moment du tournage. Par contre je laisse le personnage rentrer en moi. Il rentre en moi de manière très différente à chaque fois. Ou parfois le rôle ne semble pas si loin de moi et tout me parait évident et dans ce cas là je n'y pense pas trop. C'est selon le personnage. Là durant le tournage je suis devenue insomniaque, cela veut dire que inconsciemment le personnage ne me lâchait jamais, qu'il m'angoissait pas mal.

 


 

Un César, on s'en fout ou pas ?
Non je ne m'en fous pas complètement, je ne serais pas honnête en disant le contraire. J'aimerais bien l'avoir surtout pour remercier les gens que j'aimerais remercier. Pas tant pour l'objet et ce que cela représente. Je ne suis pas sûr qu'un César transforme une carrière. On a déjà vu des gens en avoir et ne plus travailler donc cela ne va pas transformer ma vie de comédienne. Mais pour me retrouver en face de certaines personnes que je n'ai pas l'occasion de pouvoir remercier en vrai et de dire à certaines personnes de ma vie à quel point elles sont importantes, là oui, j'aimerais bien.

 

Un petit mot sur Indigènes dans lequel vous faites une courte apparition ?
Je ne peux pas vraiment en parler, je n'ai pas vu le film encore. On met mon nom sur l'affiche et on ne m'invite pas aux projos de presse... (Bref, on passe...) Jamel a été super avec moi, très généreux. Il ne nous écrase pas. Roschdy Zem est devenu mon grand frère donc humainement, ce film était une expérience très forte.

Propos recueillis par Didier Verdurand, retranscrits par Nicolas Thys. (septembre 2006)
Autoportrait de Mélanie Laurent.

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