Luigi Cozzi

Flavien Bellevue | 13 juillet 2006
Flavien Bellevue | 13 juillet 2006

Répondant présent à l'hommage rendu au cinéma bis italien lors du dernier festival de Valenciennes, Luigi Cozzi se soumet aux questions d'Ecran Large pour le plus grand plaisir des lecteurs cinéphiles. Retour sur une carrière ponctuée de bons et de moins bons films où l'assistant et scénariste de Dario Argento ne mâche pas ses mots…

Que pensez vous de ce regain du public pour le cinéma de genre italien des années 60-70?
C'est très bien ! Les films sont toujours projetés dans le monde, cela prouve qu'ils fonctionnent toujours ; bien que certains aient disparu…

Appréciez vous plus la reconnaissance de la critique aujourd'hui de ces films alors qu'elle les avait, en majorité, descendu lors de leurs sorties ?
À l'époque où nous tournions ces films, nous savions que la critique ne les aimait pas donc nous faisions ces films pour le public. À leurs sorties, la plupart de ces films dont Starcrash, ont beaucoup marché ; ils étaient reconnus par le public mais pas par la critique qui a eu, là, un train de retard. Lorsque j'étais petit, j'adorais aller dans le cinéma de mon quartier pour voir des films de science fiction et je savais déjà que la critique n'aimait pas ce genre de films mais je m'en foutais. (rires). Mario Bava qui est un maître, n'était pas considéré comme tel quand ses films sortaient, la critique pensait que c'était de la merde.


Ce qui est drôle c'est que Lucio Fulci est reconnu aujourd'hui comme un réalisateur important…
Oui ! Il était traité comme un réalisateur de merde. (rires). J'ai été critique de cinéma moi même, j'ai écrit sur le cinéma et j'ai toujours pensé qu'on ne peut pas juger un film dès sa sortie. Cela doit se faire dans le temps car on a vu de nombreux exemples de films considérés comme des classiques aujourd'hui alors qu'ils étaient mauvais à leur sortie. Le temps donne raison à la plupart des films.

Vous avez écrit de nombreux giallos dans les années 70. Etiez-vous content de la manière dont ils étaient adaptés?
J'ai travaillé avec Dario Argento qui est un réalisateur fantastique donc j'étais très content de son travail sur mes scénarios. J'aime également mes autres films réalisés par d'autres réalisateurs car le style giallo de cette époque était unique. Le temps a donné raison à tous ces films. J'ai fait un film The killer must kill again (1975) qui est reconnu aujourd'hui en Angleterre et aux Etats-Unis alors qu'à sa sortie il n'avait pas eu tous ces honneurs. Aujourd'hui, il est plus facile de dire quel film est bon ou pas…


Je pense que l'on peut remercier Quentin Tarantino pour ça, vu qu'il cite souvent des films italiens…
Pas que lui…Steven Spielberg fait également référence au cinéma italien. Dans Le monde perdu, il y a un tel trou narratif à la fin du film où l'on sait pas comment le dinosaure a disparu du bateau que cela m'a rappelé la technique narrative qu'employait Lucio Fulci. On ne sait pas comment ni pourquoi mais l'effet est là. (rires) L'effet est plus fort que la raison.

C'est ce qui fait la force du cinéma de série B italien et sûrement ce qui a fait que les critiques n'ont pas aimé ces films à leur sortie…
Je n'ai pas une très bonne opinion des critiques car en Italie, elle a été moins ouverte. En France, vous avez eu François Truffaut, Claude Chabrol etc. qui ont fait des films et sont devenus de grands réalisateurs. En Italie, en particulier dans la presse quotidienne, les critiques parlaient, la plupart du temps, de l'histoire du film qui sortait. À la fin, on se retrouvait avec comme « critique » : il y a de belles images, de bon acteurs et des belles couleurs…S'il y avait un grand article dans un journal pour un film, c'était de la politique. Si un film était fait par un réalisateur de gauche, il y avait un grand article dans un journal du même bord politique…mais ces films ont disparu. Quelle est la valeur de tout cela ? Si vous y pensez, quels sont les classiques à caractère politique ? Je n'en vois pas beaucoup. On peut citer Casablanca qui est aussi un film d'aventures et un film romantique. C'était des films d'un autre genre.

Star crash, malgré son côté kitsch et daté, est toujours enthousiasmant à regarder et puis il y a une musique signée John Barry. Quel regard avez vous sur ce film aujourd'hui ?
J'ai revu le film l'an dernier à Paris au cinéma Action et les jeunes aiment encore le film aujourd'hui. Il fait toujours effet, ça prouve qu'il a encore de belles années devant lui. Lorsque j'ai fait ce film dans les années 80, je lui avais donné un rythme très soutenu qui marche encore de nos jours et qui plaît aux jeunes générations. C'était un film important car c'était le seul space opéra européen. De mémoire, je pense que c'est l'unique space opéra européen. (rires). Il a très bien marché à l'étranger surtout aux Etats-Unis, ce qui est très dur pour un film étranger.


Peut-être parce que vous aviez une star américaine dans le film, ça aide…
Oui mais ce n'est pas forcément une garantie de succès. La plupart des films italiens employaient des acteurs américains et ce ne sont pas tous des francs succès outre-atlantique. Si on considère, en plus, que les genres science-fiction et western sont les genres les plus américains, ils sont quasiment intouchables…et pourtant, le film a connu une grande carrière là-bas. Il y a beaucoup de fans du film. En fait, ils essaient de faire passer mon film pour un film américain. Le film a eu droit à un hommage à la cinémathèque américaine avec Caroline Munro en invitée et il a été présenté comme étant un film américain, ce qui n'est pas vrai. (rires) C'est à cause de la production, à mon sens, qui est américaine mais le producteur qui vivait aux Etats-Unis, est moitié italien moitié français ; il vit d'ailleurs à Paris aujourd'hui.

Avez vous eu un quelconque rapport avec la fausse suite du film (Starcrash 2) ?
Non. Mon producteur avait, à l'époque, un producteur exécutif italien. Lorsque celui-ci a vu le succès de Starcrash, il s'est dit qu'il pouvait en faire une version érotique. Il a donc fait le film et utilisé le titre Starcrash 2. C'est un film qui s'est fait sans le producteur principal du premier film et contient des stocks shots de mon film, sans mon consentement ! Mais nous sommes amis…Le film a été un désastre à sa sortie.


Que pensez vous justement de ces pratiques qui ont eu lieu durant les années 70-80 et qui ont tiré vers le bas la série B italienne ?
C'est un vaste problème. En Italie, vous devez travailler à chaque fois avec un producteur et un distributeur. Vous allez les voir pour leur dire que vous avez une nouvelle idée géniale mais ça ne marche pas. Ils ne lisent même pas votre scénario. Par contre, si vous regardez ce qui marche au box office et que vous voulez attirer leur attention, vous leur direz : « Alien est numéro 1, regardez j'ai écrit Alien 2 pour vous et on peut le faire avec trois fois rien! ». Si vous procédez ainsi, ils vous écouteront. Vous voulez faire autrement ? Ils s'en foutent, ils ne vous écouteront pas.

Pourquoi n'y a t-il pas eu de Contamination 2 malgré la fin que vous laissiez ouverte ?
Le producteur du film qui a été producteur exécutif sur les films de Sergio Leone, a été appelé par Leone sur une de ses productions juste après Contamination. Avec Sergio Leone, il y avait beaucoup d'argent à la clé donc les films à petit budget ne l'intéressaient plus.


Mis à part lui, il n'y avait pas d'autres producteurs intéressés à faire une suite ?
C'était un projet créé par lui-même et il en était le propriétaire. Il a encore les droits du film d'ailleurs. Le film n'est jamais ressorti en salles car ça lui est égal. Il travaille aujourd'hui aux Etats-Unis pour des chaînes comme CBS donc c'est un trop gros producteur pour être intéressé d'en faire une suite.

Avec le recul pensiez-vous que Lou Ferrigno était un bon choix pour personnifier Hercule ?
Oui, il l'était vu que le film a fait de bonnes recettes. C'est important de se rappeler qu'à l'époque, avant de faire le film, Lou Ferrigno avait été élu Mr Muscles. On allait donc le voir pour lui demander ce qu'il voulait faire en tant qu'acteur et il a suggéré Hercule car il est un grand admirateur de Steve Reeves. La production Cannon a mis en place la production du film et je suis entré dans le projet à ce moment là. Au début, il était prévu de faire un Hercule de style classique et à la suite d'un entretien entre la Cannon et moi sur un projet de S-F, ils m'ont proposé de faire le film mais je voulais en faire une version heroic fantasy. Lou Ferrigno reste tout de même à l'origine du projet bien que j'en ai donné ma vision.


Justement, quels souvenirs gardez-vous de la production Cannon ?
Cela a été un désastre. (rires) J'ai eu pas mal d' « aventures » avec eux. La plupart des films que j'ai fait pour eux sont mauvais, ils sont drôles d'ailleurs. Mais le bon côté des choses, c'est que cette production a été chanceuse d'avoir les producteurs de Starcrash qui venaient de France, d'Italie et des USA alors que les producteurs de la Cannon venaient d'Israël et travaillaient aux Etats-Unis. Ces derniers avaient une conception de la production très différente des producteurs italiens, ce qui était mieux. Avec les italiens, disons par exemple que nous avons 10 dollars pour faire un film ; tout d'un coup le budget descend à neuf puis huit dollars etc., ils pillent littéralement le budget. Ils s'en mettre plein les poches, voilà ce que font les italiens ! La Cannon ou les producteurs de Starcrash vont vous dire : « - cette scène est pas mal…est-ce qu'il y a moyen de la rendre plus énorme ? – Oui mais il faut la retourner. – Aucun problème, on la refait ». Sans problème, ils injectaient encore de l'argent pour le film. C'est une très bonne façon de travailler ; si une scène fonctionnait bien mais qu'elle n'était pas parfaite, dû à un manque d'argent, ils se débrouillaient toujours pour vous en donner.

Est-il véridique que Lou Ferrigno avait peur des chevaux et qu'il avait des problèmes d'audition d'où sa perruque dans le film qui cache sa prothèse auditive ?
Il avait peur de l'eau car il ne savait pas nager et il était terrifié par les chevaux. Pour la perruque, c'est vrai car il doit toujours porter une prothèse pour entendre. Lorsqu'il était enfant, il était sourd muet et pauvre. Il a donc développé son corps pour palier ses infirmités et se sentir moins inférieur face aux autres enfants. Quand il est venu faire le film, il avait appris à parler mais ce n'était pas bon. Il ne pouvait pas aligner une phrase correctement et en plus il ne pouvait pas entendre. Le problème était que lorsque la caméra tournait, il devait se débarrasser de sa prothèse et donner la réplique aux acteurs qu'il n'entendait pas mais qu'il suivait grâce aux mouvements de leurs lèvres.


Comment êtes-vous intervenu sur le tournage de Sinbad et quelle partie peut vous être créditée ?
Sinbad était censé être un nouvel épisode de la saga Hercule car Lou Ferrigno avait dit qu'il était aussi intéressé par le personnage au moment de faire Hercule. J'ai donc écrit le scénario et le temps a passé à cause de la construction des décors et je suis allé sur un autre projet. Mon scénario avait été écrit pour le cinéma mais la production l'a changé pour la télévision. D'une durée moyenne de long-métrage, l'histoire a évolué pour un programme de 6 à 7 heures. Enzo Castellari a commencé à tourner le téléfilm mais il s'est embrouillé avec la production qui est revenue vers moi pour transformer le téléfilm en film. Il a donc fallu que je fasse de grandes coupes pour en faire un film d'1h30 et que je tourne des scènes explicatives pour palier les scènes manquantes. Ce qui ne fut pas facile.


Gardez-vous un bon souvenir de cette expérience et du travail avec l'actrice française Alessandra Martines ?
Alessandra Martines a travaillé avec Castellari mais c'est moi qui l'ai conseillé aux producteurs. Le problème vient de la Cannon en fait. Au début, le film que je devais réaliser était prévu pour une sortie cinéma aux Etats-Unis, puis c'est devenu un projet pour la télévision italienne que Castellari a tourné en grande partie et ça m'est revenu en tant que simple projet film à sortie obscure. (rires)

Est-ce que La portiera nuda (1976) va sortir en DVD (Ndlr ce film réunit les plus belles actrices italiennes des années 70 Daniela Giordano et Erica Blanc dixit notre bien aimé Patrick Antona) ?
Oui, pourquoi pas ? C'est un titre bizarre qui existait avant qu'il y ait eu un vrai scénario ou une histoire. Il vient du distributeur du film qui voulait un film qui porte ce titre. J'ai dû écrire une histoire autour de ce titre à consonance érotique mais ce n'est pas mon genre de film. C'est juste une comédie légère où apparaîent à quelques moments des filles nues. Le film a marché quand il est sorti mais il aurait peut-être eu des meilleurs résultats s'il avait été plus vulgaire. (rires)

Avec Caroline Munro et Sybil Danning, vous avez eu deux des plus grandes vedettes de genre des années 70 et 80. Laquelle vous a laissé le meilleur souvenir ?
Je préfère Caroline Munro mais ces deux actrices étaient de parfaites professionnelles. La plupart des acteurs avec qui j'ai travaillé, à l'exception des italiens, sont de parfaits professionnels.


Vous êtes toujours un collaborateur de Dario Argento (gestion de sa librairie + documentaires). Avez-vous été impliqué sur son Master of horror ?
Non, lui seul a écrit cet épisode (Jenifer) et maintenant il en fait un autre pour la deuxième saison à Vancouver.

Pensez-vous revenir à la mise en scène ?
J'ai été sur quelques projets. J'ai réalisé, l'an dernier, un clip vidéo d'horreur fantasy et maintenant, je pense faire un film qui sortirait directement en DVD mais j'y réfléchis encore. Je le ferai peut-être.

Et un long-métrage qui, lui, sortirait au cinéma ?
Il n'y a plus de production en Italie. Aujourd'hui, ils sortent les films directement en DVD ou à la télévision mais plus au cinéma car les films ne marchent pas. Je n'aime pas tellement travailler pour la télévision à cause des soap opéras et ces genres de programmes. Le projet qu'on m'offre est du genre historique fantastique ce qui est plus proche de mon style. Je le ferai probablement.


Propos recueillis par Flavien Bellevue.
Autoportrait de Luigi Cozzi.
Remerciements à l'équipe et aux organisatrices du festival de Valenciennes: Patricia Lasou, Sylvie Lemaire et Patricia Riquet.

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