Bruno Podalydes (Le Parfum de la dame en noir)

Ilan Ferry | 24 mars 2006
Ilan Ferry | 24 mars 2006

Véritable homme-orchestre endossant aussi bien les casquettes de réalisateur / scénariste que d'acteur, Bruno Podalydès semble avoir une prédilection pour les personnages atypiques et attachants. Dernier exemple en date, l'enivrant Parfum de la dame en noir qui sort en DVD cette semaine. L'occasion idéale de s'entretenir avec son réalisateur, cinéphile dans l'âme.

Quels films vous ont donné envie de faire du cinéma ?
Je ne me suis jamais dit que je ferais du cinéma, je n'ai pas eu le déclic en regardant un film. Par contre certains d'entre eux m'ont fait profondément aimé le cinéma : que ce soit les films de Truffaut, Renoir, certains westerns ou encore La Grande vadrouille. Truffaut a été un véritable prof pour moi, je lisais tous ses écrits et adorait sa façon de dire que le cinéma était plus intense que la vie. Les Quatre cents coups est un film qui m'a bouleversé.


Qu'est ce qui vous a touché dans l'œuvre de Gaston Leroux ?
C'est un tout, mais j'aime beaucoup l'idée de temps qui s'écoule et l'évocation même de titres romanesques comme Le Mystère de la chambre jaune ou Le Parfum de la dame en noir suffit à me faire rêver.

En quoi vos deux opus des aventures de Rouletabille se différencient-ils des versions antérieures réalisées en 1931 et 1949 ?
Concernant Le Parfum de la dame en noir, je peux dire en toute modestie que ma version est beaucoup plus fidèle au livre d'origine alors même qu'on m'a reproché une trop grande liberté de ce point de vue.

Le Parfum de la dame en noir présente une galerie de portraits atypiques. Lequel préférez-vous ?
C'est difficile à dire car j'ai beaucoup de mal à distinguer le personnage de l'acteur. De plus, certains personnages sont plus proches de moi tandis que d'autres sont de pures créations comme celui interprété par Zabou. J'aime beaucoup Sainclair (Jean-Noël Brouté) car tout le film passe par son point de vue, il est comme un enfant qui veut bien faire sans jamais y arriver.


Pourquoi avoir joué le rôle d'Arthur Rance ?
C'est parti d'une envie de jouer avec tous les acteurs, dont mon frère, et je sentais bien ce personnage à mi-chemin entre Sacha Guitry et Gainsbourg. Cela m'amusait beaucoup de jongler entre ces deux pôles.

N'est-ce pas trop difficile d'être à la fois devant et derrière la caméra ?
C'est assez dangereux dans la mesure où l'on peut perdre son point de vue de réalisateur, mais parfois c'est encore être réalisateur que de jouer à l'intérieur du plan. De là j'ai pu sentir si une scène était bonne beaucoup plus facilement que si j'avais été derrière un combo. Par exemple, j'ai orchestré la scène du repas en jouant de cette ambiguïté. Les acteurs ne savaient pas si je leur parlais en tant qu'Arthur Rance ou en tant que Bruno, c'était très amusant.

Le personnage du prince Galitch (Vincent Elbaz) est particulièrement truculent. Pourquoi ne pas l'avoir plus exploité ?
Ce que j'aime chez lui, c'est qu'il est très dessiné et affirme une véritable présence à chacune de ses apparitions. J'aurais pu effectivement développer davantage ce personnage ainsi que celui de Pierre Arditi en leur permettant d'improviser, mais fatalement cela aurait influé sur l'équilibre de l'ensemble. Et quand on écrit le scénario d'un film de moins de deux heures, il est important de le respecter.


Diriez-vous que Le Parfum de la dame en noir est un film qui se crée au fur et à mesure ?
J'aimerais beaucoup qu'il y ait ce sentiment là en effet : quelque chose de l'ordre de l'imprévisible, voir une espèce de chaos qui règne en permanence du fait de l'absence du héros, qui d'ordinaire mène les opérations, et se retrouve ici complètement perdu.

Etes-vous un grand amateur de DVD ?
Je suis un grand amateur de cinéma… donc de DVD. J'aime le fait de pouvoir revoir des films avec une grande qualité d'image. Le support en lui-même est comme un livre puisqu'il nous permet de garder une trace que l'on peut aisément ranger dans sa DVDthèque. Quand j'achète un DVD c'est plus pour le faire circuler que pour le revoir, car selon moi la cinéphilie est quelque chose qui se transmet et nous permet de faire partager les films qu'on a aimés. On a tous un petit coté projectionniste que le DVD nous permet de révéler. Les bonus en eux même m'intéressent peu sauf s'ils sont le fruit d'un vrai travail éditorial et d'un réel souci de contenu. J'aime voir des bonus d'intérêt plus culturel comme un rappel historique sur le film que je suis en train de voir en DVD.

Avez-vous un exemple de DVD répondant à ces critères ?
Récemment les deux coffrets Pialat m'ont épaté, les objets en eux-mêmes sont beaux et on y trouve toutes sortes de documents comme des interventions de Pialat ou ses premiers courts-métrages. C'est une véritable mine d'informations. C'est dommage qu'il n'ait pu voir aucun de ses films en DVD. De ce point de vue là, nous avons beaucoup de retard à rattraper en France.


Le théâtre est il bien représenté en DVD ?
Non, ce qui est d'ailleurs dommage car j'aurais beaucoup aimé voir les pièces de Sacha Guitry en DVD. Mis à part les pièces de boulevard, le théâtre est très mal représenté par le support.

Quelle a été votre implication dans l'élaboration du DVD du Parfum de la dame en noir?
Je me suis surtout occupé du contenu des bonus. J'ai puisé dans ma collection personnelle afin de fournir les éléments nécessaires à leur élaboration, qu'il s'agisse de gravures ou encore de vieux livres sur la magie. J'ai été agréablement surpris par la beauté des menus en ombres chinoises.

Pourquoi ne pas avoir enregistré de commentaire audio ?
J'en ai enregistré un pour le DVD de Versailles Rive Gauche (qui sortira à la rentrée avec Voilà un autre de mes courts-métrages) car je me suis dit qu'il serait intéressant que je fasse part de ma première expérience en tant que réalisateur, mais d'un point de vue pédagogique. Selon moi un film doit être pris tel quel et laisser place à diverses interprétations. Le commentaire audio tue tout ça. De plus, je trouve que l'exercice en soi est très prétentieux et qu'il faut déjà avoir une sacrée bouteille pour s'y prêter. Cependant, je comprends parfaitement que Coppola le fasse pour Le Parrain car ce qu'il a fait dessus est passionnant, de même celui d'Harold Ramis sur Un jour sans fin ne se prend jamais au sérieux et nous permet de passer un agréable moment avec lui.


Aura-t-on droit à une suite des aventures de Rouletabille ?
Non, pas dans l'immédiat. J'ai envie de revenir à mon époque. Je prépare actuellement Versailles Rive Droite qui est une suite de Versailles Rive Gauche.

Propos recueillis par Ilan Ferry.
Auoportraits de Bruno Podalydès.

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