Pierre Richard (interview carrière)

Isabelle Banos | 22 décembre 2005
Isabelle Banos | 22 décembre 2005

Jeudi 24 novembre. rencontre avec Pierre Richard a voulu accompagner la sortie en DVD chez Gaumont Vidéo des trois coffrets regroupant six de ses films les plus emblématiques de sa prolifique carrière. Un peu surpris ou feignant la surprise, le voici tout sourire devisant avec une presse définitivement conquise par le personnage Pierre Richard, conscient aussi que celle-ci est enfin représentée par cette génération qui n'a eu de cesse de l'applaudir en salles ou devant sa télé alors qu'elle n'était encore qu'en culotte courte. Propos choisis avec un clown assagit mais à l'œoeil toujours aussi pétillant.

 

Depuis vos débuts, trouvez-vous que la façon de travailler a changé ?
Je n'ai jamais fait d'analyse sur moi-même. J'ai toujours vogué au gré au vent. Et puis ces dernières années on s'intéresse à mon travail dans le cadre du cinéma burlesque des années 70. Mon « inculture » m'a servi finalement car je n'ai jamais analysé les films qui me plaisaient : ceux de Chaplin, de Keaton… Tout a été spontané et c'est ce qui a plu.

 

Comment vous sont venues les idées de vos films ?
J'avais un goût pour le cinéma burlesque dénonciateur. Il fallait que je choisisse un thème pour Le distrait. Je l'avais car je me suis inspiré du livre de La Bruyère. Mais j'ai dû choisir un cadre pour le film et j'ai choisi la publicité sans savoir qu'elle deviendrait aussi « gluante » à notre époque.

 

 

Qu'est-ce que la mise en scène vous a appris ?
Avant de réaliser Le distrait, je n'avais jamais réalisé. Pas même un court-métrage. Yves Robert m'a conseillé de faire mon film moi-même, car sinon je risquais d'avoir des remords. J'ai préféré tourner des cadres fixes dans lesquels je rentrais et je sortais plutôt que des travellings compliqués. J'expliquais à mon premier assistant (Alain Nauroy, ndlr) ce que je voulais et lui le traduisait en termes techniques. Je dirigeais avec une très grande insouciance. Ça a été une grande récréation de trois mois.

 

Vos parents ont-ils été fiers de vous ?
Au début pas vraiment. C'est arrivé plus tard, quand mon nom a été en haut de l'affiche. Mais on me disait quand même : « J'ai bien ri, mais c'est bête ». Alors j'étais à la fois content et déçu, car on ne reconnaissait pas mon travail. Aujourd'hui Jérémie Imbert et Yann Marchet sont là pour présenter leur film L'art du déséquilibre, consacré à ma carrière. C'est donc qu'on reconnaît mon travail maintenant. D'ailleurs j'ai été surpris de revoir des choses que j'avais moi-même oubliées. Ils ont fait un exercice de mémoire à ma place. Ils sont restés très près de la réalité.

 

Pierre Richard, vous parliez d'inculture tout à l'heure ?
Oui, une inculture cinématographique. Beaucoup de choses m'ont échappé sur le cinéma de l'époque. De même au niveau des livres. Bien sûr, j'ai une culture de base, je connaissais La Bruyère. Dans ma jeunesse, j'allais à La Coupole avec les Intellectuels de l'époque. Et moi, j'écoutais plus que je ne parlais.

 

 

Quelle a été votre implication concernant la sortie de ces DVD ?
Je n'étais même pas au courant. Un de mes amis m'a dit qu'il avait vu un des mes DVD en vente. Alors je lui ai demandé d'aller me l'acheter. Car je ne voyais pas me présenter devant un vendeur et lui dire « bon, qu'est ce que vous avez de moi ? » (Rires).

 

Est-ce que ça vous a donné envie d'en faire ?
Pierre Richard : Ça n'est pas moi qui ait les droits de mes films car je ne suis pas producteur. Je suis uniquement producteur de La chèvre, mais pas pour les autres. J'aimerais bien aussi que Le Jouet sorte en DVD. A l'époque on ne filmait pas les tournages et ça n'est pas pareil d'avoir des images pour un making of que si je ne fais que raconter. Ça rend mieux d'avoir des images prises sur le vif. On n'a pas d'archives pour les films d'Yves Robert, Le distrait et Les malheurs d'Alfred. Il préférait ne pas dévoiler la recette après le plat. Car le rêve tombe un peu, ça démystifie le personnage. Au contraire concernant les films de Gérard Oury, La Carapate et Le coup du parapluie, on a des archives.

 

Aujourd'hui, pouvez-vous nous citer un acteur qui serait proche de votre travail ?
Roberto Benigni qui d'ailleurs avait semble-t'il pensé à moi dans le rôle de Gepetto pour le film Pinocchio.

 

 

Avez-vous envie de refaire du cinéma ?
Cela fait un an que je fais du théâtre dans ma pièce Détournement de mémoire, dans laquelle je refais tout ce que je faisais dans mes films. J'ai dit oui quand on m'a proposé de jouer dans Le cactus et ça m'a redonné goût à la comédie. Je suis en train d'écrire un film avec Christophe Duthuron [ndlr : co-auteur de la pièce avec Pierre Richard] mais si ça se trouve personne n'en voudra. Ceci dit je n'accepterais de refaire un film avec mon nom en tête d'affiche qu'à une condition : que ce soit le mien. Je suis au demeurant très touché par l'amitié que me porte la jeune génération d'acteurs : Clovis Cornillac est presque devenu mon agent ces derniers temps (rires).

 

Quel rôle vous ferait envie, peut-être un remake ?
Par exemple, les films de Benigni, quelques films américains… Aujourd'hui faire un remake de mes films ne rendrait pas grand-chose. Yves Robert n'est plus là, Francis Veber est pris ailleurs… Je ne vois pas qui pourrait réaliser un tel film. De plus, à notre époque, de jeunes comédiens talentueux peuvent tout faire, même du burlesque. Et quant à refaire de la réalisation, je ne suis pas sûr que les producteurs apprécieraient et je ne suis pas sûr de pouvoir me contenter de rester derrière la caméra.

 

Propos recueillis par Isabelle Banos

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.