Gérard Lanvin (Les Parrains)

George Lima | 17 octobre 2005
George Lima | 17 octobre 2005

Admirateur de la grande tradition du polar français, Gérard Lanvin se retrouve aujourd'hui à l'affiche des Parrains de Frédéric Forestier aux cotés de Gérard Darmon et Jacques Villeret. Ce film, dont l'ambition est de s'inscrire dans la veine de la comédie policière « audiardienne », donne l'occasion à cet acteur droit et intransigeant d'évoquer pour nous la mélancolie, la passion et la révolte qui l'habitent.

Avez-vous accepté ce rôle par nostalgie du polar français ?
J'ai fait écrire ce scénario parce que je voulais tourner avec deux compères : Gérard Darmon et Jacques Villeret. Je voulais aussi aborder un thème abandonné depuis trop longtemps au cinéma : la voyoucratie. Aujourd'hui, en France, les voyous sont assimilés au cinéma de Besson et Nacéri que je n'aime pas. J'ai été élevé avec des films de genre basés sur des valeurs qui ne circulent plus et dont j'ai la nostalgie. Evidemment, je n'envisageais pas un autre contexte que celui de la comédie qui s'inscrit directement dans notre tradition. Nous sommes en France, pas aux États-Unis. Nous ne pouvons pas faire de Scorsese, même si je l'aime beaucoup. Notre culture, c'est Audiard, Verneuil, de Broca ou Lautner. Chacun son truc.

Le scénario est donc basé sur une arnaque à l'ancienne…
J'ai eu l'idée de base du scénario : celle de ce jeune qui entourloupe trois anciens caïds à la retraite qui fonctionneront toujours sur la parole donnée. Ensuite, mon idée a été améliorée avec le passage entre les mains de trois scénaristes qui ont amené tous les rebondissements.

Vos personnages sont très typés. Vous êtes un peu L'Animal de la bande, Darmon, L'Incorrigible et Villeret Le Pacha.
Physiquement, il fallait se servir de nos vibrations, comme à la grande époque des Gabin et Ventura. Dans le genre de films que nous avons fait, il ne peut y avoir de contre emploi. J'ai une image plus sérieuse et une écorce un peu plus dure que mes camarades même si on sent une certaine sentimentalité dans le personnage que j'interprète. Avec sa belle gueule et ses cheveux grisonnants, Gérard Darmon, lui, est un séducteur toujours en quête de plaisir. Quant à Jacques, c'est la bonhomie même si ici, il y a aussi une part de danger. On sent bien qu'il peut péter les plombs à tout moment et devenir méchant dès lors qu'on lui parle mal ou qu'on touche à ses amis.

Au fond, ces trois caïds sont de tendres voyous ?
Ils respectent ce jeune garçon qui est le fils de leur ami défunt. Ils ont un vrai sens de l'honneur et feraient n'importe quoi en mémoire de leur pote. Comme nous dans la réalité, ils ont perdu un ami. Si un de nos copains ou le fils de Jacques nous demandait de l'aide, nous ne pourrions qu'accepter. Ce sont des valeurs que les gens comme nous respectent.

Parlez-nous de leur code d'honneur.
Quoi qu'il arrive, Lucien, Serge et Henri iront jusqu'au bout de la parole donnée. Ce sont des vrais gentils, qui respectent les codes du milieu mais qui peuvent devenir très méchants s'ils rencontrent des enfoirés.

Une de leurs qualités est aussi ce respect qu'ils portent aux femmes, comme à la mère de Rémy ?
Les gangsters ont toujours été respectueux avec les femmes, du moins avec les leurs. Les femmes de voyous sont toujours des femmes de valeurs respectables. Il n'y a qu'à voir à quel point la femme de Mesrine aimait son homme. Elle s'est quand même pris une balle dans l'œil pour lui. Ces femmes sont d'une race que les hommes idéalisent et devant laquelle les voyous s'écrasent et redeviennent des gosses.

Vos Tontons Flingueurs ont remplacé les flingues par la malice ?
Les Parrains est un film de distraction populaire. Certains acteurs à qui j'avais parlé du film me réclamaient des exécutions, des face-à-face musclés et des découpages à la hache, comme chez Scorsese. Je n'ai rien contre mais laissons cela aux connaisseurs. Et puis, je ne voulais pas faire l'apologie du gangstérisme et de la violence, mais celle de valeurs qui se sont envolées. Je ne voulais pas idéaliser les voyous, comme dans trop de films actuels, mais faire revivre une tradition.

Dans le cinéma, peut-on réussir quand on est con et pleurnichard ?
On ne peut réussir que si l'on reste exact dans son parcours. Je n'ai jamais dérogé à cette règle. J'ai crevé la dalle pendant deux ou trois piges car je refusais de me prostituer et de trahir ma mentale d'acteur. Certains le font très bien mais je ne suis pas de cette race qui me fout les glandes. Je refuse de vendre du yaourt contre le cholestérol à la télé. Ca me fout les boules. Quand Michaël Youn dit que les acteurs font la pute, moi, ça me fait gerber. Mais pour qui se prend-il ce rigolo ? Etre acteur pour moi, ce n'est pas montrer son cul à la télé. J'ai des valeurs que je respecte.

Quel est votre Audiard préféré ?
Je n'aime pas beaucoup le metteur en scène mais j'adore le dialoguiste que je regrette vraiment. Si on avait encore des mecs comme lui aujourd'hui, le cinéma français irait beaucoup mieux. On arrêterait peut-être de nous servir les mêmes conneries. Je déteste les policiers à la Besson. C'est le cinéma d'une mafia. Comment ce mec ose-t-il faire signer des papiers empêchant tous ses techniciens de l'ouvrir sur leur boulot ? Il se prend pour Dieu ou quoi ? Faut arrêter les gars ! On ne fait que du cinéma. Moi, ce qui me fait bander, c'est Audiard, Lautner et les mecs de cette trempe. On ferait mieux de revenir à ce cinéma, surtout que les films de ces mecs sont aussi devenus cultes pour la nouvelle génération.

 


Vos voyous de cinéma préférés ?
Le Clan des Siciliens. Pour la générosité d'une affiche qui n'avait aucun problème d'ego. Ils ne jouaient que pour le plaisir absolu de rencontrer des types de la même espèce.

 

Propos recueillis par Marilyne Letertre.

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