Gérard Lanvin (Les Parrains)
Admirateur de la grande tradition du polar français, Gérard Lanvin se retrouve aujourd'hui à l'affiche des Parrains de Frédéric Forestier aux cotés de Gérard Darmon et Jacques Villeret. Ce film, dont l'ambition est de s'inscrire dans la veine de la comédie policière « audiardienne », donne l'occasion à cet acteur droit et intransigeant d'évoquer pour nous la mélancolie, la passion et la révolte qui l'habitent.
Avez-vous accepté ce rôle par nostalgie du polar français ?
J'ai fait écrire ce scénario parce que je voulais tourner avec deux
compères : Gérard Darmon et Jacques Villeret. Je voulais aussi aborder
un thème abandonné depuis trop longtemps au cinéma : la voyoucratie.
Aujourd'hui, en France, les voyous sont assimilés au cinéma de Besson
et Nacéri que je n'aime pas. J'ai été élevé avec des films de genre
basés sur des valeurs qui ne circulent plus et dont j'ai la nostalgie.
Evidemment, je n'envisageais pas un autre contexte que celui de la
comédie qui s'inscrit directement dans notre tradition. Nous sommes en
France, pas aux États-Unis. Nous ne pouvons pas faire de Scorsese, même
si je l'aime beaucoup. Notre culture, c'est Audiard, Verneuil, de Broca
ou Lautner. Chacun son truc.
Le scénario est donc basé sur une arnaque à l'ancienne
J'ai eu l'idée de base du scénario : celle de ce jeune qui entourloupe
trois anciens caïds à la retraite qui fonctionneront toujours sur la
parole donnée. Ensuite, mon idée a été améliorée avec le passage entre
les mains de trois scénaristes qui ont amené tous les rebondissements.
Vos personnages sont très typés. Vous êtes un peu L'Animal de la bande, Darmon, L'Incorrigible et Villeret Le Pacha.
Physiquement, il fallait se servir de nos vibrations, comme à la grande
époque des Gabin et Ventura. Dans le genre de films que nous avons
fait, il ne peut y avoir de contre emploi. J'ai une image plus sérieuse
et une écorce un peu plus dure que mes camarades même si on sent une
certaine sentimentalité dans le personnage que j'interprète. Avec sa
belle gueule et ses cheveux grisonnants, Gérard Darmon, lui, est un
séducteur toujours en quête de plaisir. Quant à Jacques, c'est la
bonhomie même si ici, il y a aussi une part de danger. On sent bien
qu'il peut péter les plombs à tout moment et devenir méchant dès lors
qu'on lui parle mal ou qu'on touche à ses amis.
Au fond, ces trois caïds sont de tendres voyous ?
Ils respectent ce jeune garçon qui est le fils de leur ami défunt. Ils
ont un vrai sens de l'honneur et feraient n'importe quoi en mémoire de
leur pote. Comme nous dans la réalité, ils ont perdu un ami. Si un de
nos copains ou le fils de Jacques nous demandait de l'aide, nous ne
pourrions qu'accepter. Ce sont des valeurs que les gens comme nous
respectent.
Parlez-nous de leur code d'honneur.
Quoi qu'il arrive, Lucien, Serge et Henri iront jusqu'au bout de la
parole donnée. Ce sont des vrais gentils, qui respectent les codes du
milieu mais qui peuvent devenir très méchants s'ils rencontrent des
enfoirés.
Une de leurs qualités est aussi ce respect qu'ils portent aux femmes, comme à la mère de Rémy ?
Les gangsters ont toujours été respectueux avec les femmes, du moins
avec les leurs. Les femmes de voyous sont toujours des femmes de
valeurs respectables. Il n'y a qu'à voir à quel point la femme de
Mesrine aimait son homme. Elle s'est quand même pris une balle dans
l'il pour lui. Ces femmes sont d'une race que les hommes idéalisent et
devant laquelle les voyous s'écrasent et redeviennent des gosses.
Vos Tontons Flingueurs ont remplacé les flingues par la malice ?
Les Parrains est un film de distraction populaire. Certains
acteurs à qui j'avais parlé du film me réclamaient des exécutions, des
face-à-face musclés et des découpages à la hache, comme chez Scorsese.
Je n'ai rien contre mais laissons cela aux connaisseurs. Et puis, je ne
voulais pas faire l'apologie du gangstérisme et de la violence, mais
celle de valeurs qui se sont envolées. Je ne voulais pas idéaliser les
voyous, comme dans trop de films actuels, mais faire revivre une
tradition.
Dans le cinéma, peut-on réussir quand on est con et pleurnichard ?
On ne peut réussir que si l'on reste exact dans son parcours. Je n'ai
jamais dérogé à cette règle. J'ai crevé la dalle pendant deux ou trois
piges car je refusais de me prostituer et de trahir ma mentale
d'acteur. Certains le font très bien mais je ne suis pas de cette race
qui me fout les glandes. Je refuse de vendre du yaourt contre le
cholestérol à la télé. Ca me fout les boules. Quand Michaël Youn
dit que les acteurs font la pute, moi, ça me fait gerber. Mais pour qui
se prend-il ce rigolo ? Etre acteur pour moi, ce n'est pas montrer son
cul à la télé. J'ai des valeurs que je respecte.
Quel est votre Audiard préféré ?
Je n'aime pas beaucoup le metteur en scène mais j'adore le dialoguiste
que je regrette vraiment. Si on avait encore des mecs comme lui
aujourd'hui, le cinéma français irait beaucoup mieux. On arrêterait
peut-être de nous servir les mêmes conneries. Je déteste les policiers
à la Besson. C'est le cinéma d'une mafia. Comment ce mec ose-t-il faire
signer des papiers empêchant tous ses techniciens de l'ouvrir sur leur
boulot ? Il se prend pour Dieu ou quoi ? Faut arrêter les gars ! On ne
fait que du cinéma. Moi, ce qui me fait bander, c'est Audiard, Lautner
et les mecs de cette trempe. On ferait mieux de revenir à ce cinéma,
surtout que les films de ces mecs sont aussi devenus cultes pour la
nouvelle génération.
Vos voyous de cinéma préférés ?
Le Clan des Siciliens. Pour la générosité d'une affiche qui n'avait aucun problème d'ego. Ils ne jouaient que pour le plaisir absolu de rencontrer des types de la même espèce.
Propos recueillis par Marilyne Letertre.