Damian Lewis (Keane)

Stéphane Argentin | 21 septembre 2005
Stéphane Argentin | 21 septembre 2005

La carrière de Damian Lewis est constituée en grande partie de pièces de théâtre et de téléfilms britanniques. Pour autant, son visage n'est plus inconnu du grand public après ses rôles dans l'adaptation du roman de Stephen King, Dreamcatcher, et dans la mini série produite par Steven Spielberg, Frères d'armes. Dans Keane, l'acteur londonien se met littéralement à nu. Un qualificatif qui sied parfaitement à la vision de son métier qu'en donne le comédien.

Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué dans ce projet ?
J'ai reçu le script chez moi à Londres et j'ai tout de suite été emballé par le challenge que représentait un tel rôle. Je me suis donc rendu à New York pour rencontrer Lodge Kerrigan et, en raison de l'omniprésence de mon personnage dans pratiquement toutes les scènes du film, il a souhaité apprendre à mieux me connaître. Lodge est donc venu passer plusieurs jours chez moi à Londres où nous avons énormément discuté des thèmes du film. Je l'ai d'ailleurs tellement questionné sur mon personnage qu'à un moment donné, il a fini par me dire : « Mon Dieu, aucun acteur ne m'a jamais posé autant de questions » (Rire.) Puis nous sommes repartis à New York pour répéter pendant deux semaines sur les lieux mêmes où se déroule l'histoire.

 


Vous a-t-il fait des recommandations particulières au cours de cette préparation ?
Pas vraiment. Je me suis surtout documenté au sujet des personnes souffrant de désordres psychologiques en regardant différents reportages et en lisant des ouvrages, mais aussi en me rendant dans plusieurs instituts traitant de tels cas et auprès des autorités portuaires de New York qui côtoient chaque jour des sans abris atteints des mêmes symptômes que le personnage du film. C'est ainsi que j'ai rencontré plusieurs personnes atteintes de troubles du comportement, de schizophrénie, qui se parlent à elle-même ou bien à un être imaginaire. J'ai même rencontré une femme habitant dans le métro qui se prenait pour Tina Turner. Je n'ai donc pas eu besoin d'aller chercher bien loin pour trouver de quoi alimenter mon personnage. Mais très tôt, Lodge a pris la décision, totalement justifiée selon moi, de ne pas centrer l'histoire autour de la schizophrénie mais bel et bien de la peur qui hante mon personnage d'avoir perdu sa fille. Ses troubles mentaux ne sont qu'un amplificateur de cette peur.

 

Vous souffriez déjà de troubles psychologiques dans Dreamcatcher mais aussi dans Frères d'armes où votre personnage était confronté à la lourde décision d'envoyer quotidiennement ses hommes à la mort. Ces similitudes dans vos rôles sont-elles une coïncidence ?
Les décisions importantes que nous prenons au cours de notre vie entraînent très souvent ce type de conflits psychologiques, qu'il s'agisse d'un grand leader militaire comme le Major Winters dans Frères d'armes ou bien de William dans Keane qui décide d'enquêter sur la disparition de la fille. Sur un plan purement dramatique, ce sont également les personnages les plus intéressants car ils sont en lutte avec eux-mêmes. Dans Keane, William cherche à garder le contrôle de lui-même à l'un des moments les plus difficiles de son existence. Il continue de se battre pour ne pas fondre en larmes et selon moi, il est beaucoup plus émouvant et intéressant de voir quelqu'un se retenir de pleurer. Si les rôles que je choisis d'interpréter ne sont donc pas pleinement conscients de ma part, je crois que l'on pourrait les qualifier de « subliminaux ». (Rire.)

 

    
De gauche à droite : Damian Lewis dans Frères d'armes, Dreamcatcher et Keane
Après votre performance très remarquée dans Frères d'armes, puis votre participation à Dreamcatcher, pourquoi n'avez-vous pas pris la décision de vous installer à Los Angeles comme le font de nombreux acteurs étrangers ? Est-ce pour rester éloigné du battage médiatique d'Hollywood ?
On me pose très souvent cette question et la raison est très personnelle. Se fixer comme objectif de devenir une superstar du cinéma est certes très séduisante mais l'idée d'enchaîner des films commerciaux qui, pour la plupart, sont ratés, constitue selon moi une énorme erreur car vous perdez beaucoup de vous-même et de vos capacités en tant qu'acteur. Je ne dis pas que les productions hollywoodiennes sont systématiquement mauvaises mais elles représentent une grande majorité. Parvenir à avoir le beurre et l'argent du beurre, à savoir la réussite artistique et commerciale, est très rare. À choisir, je préfère de beaucoup me retrouver impliqué dans des projets plus stimulants sur le plan artistique tel que Keane.

 

Vous avez également tourné dans An unfinished life sous la direction de Lasse Hallström où vous interprétez à nouveau un personnage très « dérangé ».
À la différence près que ce personnage là est inexcusable car il bat sa femme (interprétée par Jennifer Lopez, NDR) sans la moindre raison.

Ce tournage se rapproche-t-il de celui d'un film à gros budget ou bien d'un film indépendant ?
Bien qu'il s'agisse d'un film financé par des studios hollywoodiens avec de grosses pointures en tête d'affiche, le tournage a eu lieu en Colombie-Britannique et la production était hébergée dans des hôtels locaux. Nous n'avions donc pas accès au confort grand luxe des superproductions. C'était toutefois très éloigné du tournage de Keane où on vous donnait 10 dollars pour aller vous acheter à manger durant la pause déjeuner. L'expérience sur de tels films est néanmoins beaucoup plus gratifiante que de celle d'une superproduction de 80 millions de dollars où vous passez vos journées dans une caravane de la taille de l'hôtel Normandie (L'interview a eu lieu à Deauville, Ndlr.) dont vous ne sortez que pour aller dire vos trois lignes de texte avant de revenir. Vous ne vous sentez pas impliquer dans le projet comme peuvent l'être les gens sur un long-métrage à petit budget. J'aime l'argent mais je retire une bien plus grande satisfaction à faire des films tels que Keane où vous avez vraiment le sentiment d'être payé pour quelque chose.

 


Quels sont vos futurs projets ?
Je joue actuellement dans une pièce au National Theater en Angleterre et en dehors de Keane et de An unfinished life, je suis à l'affiche de Chromophobia qui a fait la fermeture de Cannes cette année. Je viens également de finir le tournage au Maroc d'un film à petit budget intitulé The situation réalisé par Philip Haas sur fond de guerre en Irak où j'interprète un professeur consultant de la CIA parlant arabe aux côtés de Connie Nielsen qui tient le rôle d'une journaliste. Le thème central traitera des difficultés pour faire aboutir quoi que ce soit dans ce pays ravagé par les seuls intérêts personnels des différentes factions en présence. Le film portera un regard très objectif et documenté sur la situation actuelle en Irak.

 

Propos recueillis par Stéphane Argentin.
Autoportrait de Damian Lewis.

 


© Sophie Hay

 

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