Cameron Crowe (Rencontres à Elizabethtown)
Quatre ans après Vanilla sky (un remake), Cameron Crowe nous revient en 2005 avec un long-métrage de son propre cru, Rencontres à Elizabethtown, un nouveau récit en partie autobiographique. À l'occasion de sa venue au 31ième festival du cinéma américain de Deauville, nous avons rencontré le scénariste - réalisateur qui évoque ses récits écrits avec le coeur.
Qualifieriez-vous Rencontres à Elizabethtown comme un conte de fées ?
Oui mais pas uniquement car il y est également question de vie et de
mort. Dès le départ, le personnage interprété par Orlando Bloom déclare
: « La
différence entre un échec et un fiasco, c'est que lorsque vous racontez
un fiasco à d'autres personnes, elles se sentent aussitôt revivre car
c'est quelque chose qui ne leur est pas arrivé. » Ce n'est qu'au
moment du montage que je me suis rendu compte à quel point l'ensemble
du film reposait sur cet échange entre deux personnages. Et c'est
précisément ce qui m'intéresse dans tous mes films, à savoir raconter
des histoires qui me sont proches et non délivrer des messages
s'adressant à un milliard de personnes.
Ce n'est pas la première fois que vous écrivez une histoire en partie autobiographique. Est-ce une sorte de thérapie ?
Probablement. Pendant très longtemps j'ai eu peur de raconter certaines
choses qui m'étaient réellement arrivés mais je me suis rendu compte
avec le temps qu'il s'agissait là des meilleures histoires car les gens
viennent vous voir ensuite en vous disant : « C'est incroyable que vous ayez raconté cela car il m'est arrivé exactement la même chose ».
Claire (interprétée par Kirsten Dunst) est-elle alors une personne que vous avez réellement rencontrée ?
Ma femme Nancy qui est la guitariste responsable des musiques de mes
films ressemble beaucoup au personnage de Claire. Son secret, c'est
qu'elle est à l'écoute des gens, elle les aide. Celui qui soutient
l'autre permute à plusieurs reprises au cours d'une vie de couple.
C'est ainsi qu'à la fin du film, Drew (Orlando Bloom) se rend compte
qu'il doit prendre soin de Claire. J'aime beaucoup l'interprétation
qu'a faite Kirsten Dunst de son personnage car tout au long du film, on
ignore ce qui se cache derrière ce visage empli de mystère.
En revanche, les dialogues et les sentiments du film n'ont rien
de mystérieux. Ils sont à la fois simples et pures. Est-ce là encore un
choix délibéré ?
J'aime que les dialogues de mes films soient aussi naturels et sincères
que dans la réalité car selon moi, c'est la seule véritable façon de
toucher les spectateurs, pour qu'ils aient ainsi le sentiment
d'assister à ce qu'ils rencontrent dans leur vie de tous les jours.
C'est également pour cette raison que j'apprécie tout particulièrement
les films dans lesquelles jouent Kirsten Dunst, parce qu'elle y respire
le naturel à chaque fois.
Le personnage de Claire rappelle d'ailleurs par certains aspects celui d'Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé ou encore Vacances romaines. Jusqu'à quel point ces deux films vous ont-ils influencé ?
Plus que ces deux films, ce sont surtout les réalisateurs Billy Wilder
et William Wyler, qui ont dirigé Audrey Hepburn à plusieurs reprises,
qui m'ont servi de références. Ces deux metteurs en scène étaient
capables de ménager de formidables moments d'intimité aux personnages
sans aucun élément perturbateur autour d'eux et c'est ce que j'ai tenté
de refaire dans Rencontres à Elizabethtown comme par exemple cette scène où Kirsten Dunst se réveille seule le matin.
Pourquoi avoir choisi de situer l'action au Kentucky ?
Cette région convenait parfaitement aux différents thèmes du film car
contrairement à un état tel que la Californie où la réussite sociale
est une priorité, dans le Kentucky, c'est avant tout la notion de
racine familiale et de chaleur humaine qui prévaut. En plus de cela,
les paysages naturels y sont absolument magnifiques et je ne comprends
pas pourquoi il n'y a pas davantage de films qui y soient tournés.
Tous vos films ont toujours traités des relations et des sentiments
entre différents personnages. Ne seriez-vous pas intéressé par un
thriller ou bien un film policier ?
Qu'il s'agisse d'une histoire criminelle, d'un film de science-fiction
aquatique ou de n'importe quel autre genre, ce qui m'intéresse avant
tout, ce sont les individus et les relations entre ces différents
individus car les sentiments, aussi bien l'amour que la haine,
finissent toujours par entrer en ligne de compte à un moment ou un
autre.
Pourquoi avoir choisi Kirsten Dunst et Orlando Bloom, qui est surtout connu pour ces films en costumes ?
Kirsten Dunst car j'adore son talent en temps qu'actrice, tout particulièrement dans Virgin suicides ou encore le rôle qu'elle interprétait dans The cat's meow (inédit en France). De plus, dès ses premiers essais pour Rencontres à Elizabethtown,
elle était aussi naturelle que la Claire que j'avais imaginé et
répondait à la perfection aux musiques du film. Quant à Orlando Bloom,
je l'ai connu bien avant ses rôles en costumes dans Le seigneur des anneaux ou Pirates des Caraïbes
car je l'avais dirigé dans le seul clip publicitaire que j'ai réalisé
pour GAP où lui et Kate Beckinsale couraient en pleine rue dans une
parodie de L'invasion des profanateurs. Et depuis ce jour là, je ne l'ai jamais oublié.
Est-ce que ce choix correspond à une volonté d'avoir à l'affiche deux des nouvelles stars glamour d'Hollywood ?
J'ai auditionné de nombreux comédiens pour chacun des deux rôles en
faisant abstraction d'une telle considération. Et bien que, pris
individuellement, Kirsten Dunst et Orlando Bloom correspondaient
parfaitement aux deux personnages, je ne les imaginais pas du tout
ensemble à l'écran. Mais après coup, je me suis dit que si je laissais
le temps à deux personnages aussi dissemblables d'apprendre à se
connaître, ils pourraient effectivement tomber amoureux l'un de
l'autre. J'adore ce genre de films où deux personnes qui n'ont à priori
rien en commun au départ finissent par se rapprocher l'une de l'autre
au cours du récit.
Une fois encore, la musique joue un rôle important dans Rencontres à Elizabethtown. Comment choisissez-vous celles que l'on entendra finalement dans vos films ?
Lorsque je travaille sur un film, j'emporte partout avec moi un
juke-box iTunes rempli avec près de 40 jours de musiques que j'écoute
en permanence, aussi bien lorsque je rédige le scénario, lorsque je
tourne que lorsque je suis en salle de montage. Tous ces morceaux sont
une « présélection » susceptible de figurer dans le film et c'est au
fur et à mesure que je détermine celles qui correspondent le mieux à
telle ou telle scène. Et si vous écoutez attentivement la musique,
celle-ci joue le rôle d'un guide, d'un personnage à part entière qui
vous indique en permanence à quoi vous devez prêter attention.
Vous portez également une attention toute particulière à la sortie de vos films en DVD. À quoi doit-on s'attendre pour celui de Rencontres à Elizabethtown ?
Il y aura un making of réalisé au cours du tournage tout comme pour Vanilla sky
ainsi que plusieurs scènes coupées où l'on verra notamment davantage le
groupe de rock qui joue lors des funérailles. J'aime beaucoup mettre
tout un tas de suppléments sur les DVD de mes films afin de dévoiler
l'envers du décor.
Propos recueillis en press junket et conférence de presse.
Traduction et retranscription : Stéphane Argentin.