John Waters

Damien Vinjgaard | 8 juin 2005
Damien Vinjgaard | 8 juin 2005

Lorsque l'homme se présente en face de vous, tout sourire et visiblement fier de sa dernière provocation cinématographique en date, A dirty Shame, il est impossible de ne pas rentrer avec délectation dans son jeu. C'est donc partie pour un petit quart d'heure d'interview consacré au SEXE.

Quels seraient les avantages d'un monde rempli d'obsédés sexuels ?
Ce n'est pas parce que je fais un film sur le sujet que je voudrais que le Monde soit ainsi. Mon film parle de la contamination sexuelle qui se propage quartier après quartier, ville après ville parce que les obsédés sexuels sont comme tout le monde : ils en veulent tout bonnement toujours plus ! Comme les gens pensent tout le temps au sexe, j'ai imaginé ce qui se passerait s'ils n'arrivaient plus à contrôler leurs pulsions. Cela ferait tomber le monde entier dans l'anarchie et le chaos le plus complet. Soit une situation bien effrayante. Et comme tout ce qui me fait peur est susceptible à mes yeux d'être un bon sujet de comédie...

Dans le film, un des personnages dit : « Il y a du sexe dans l'atmosphère. » Quant avez-vous pensé cela pour la dernière fois ?
Mais dès le premier jour de Printemps. J'imagine qu'à Paris dès que les jeunes femmes commencent à s'habiller plus légèrement, on peut sentir qu'il y a du sexe dans l'atmosphère. À Baltimore, dès le premier rayon de soleil qui se pointe, les gens se mettent à l'aise, et on les retrouve pratiquement nus, dans les parcs et ailleurs. Mais dès que le soir tombe et que la fraîcheur revient, on les voit en train de grelotter dans les abris bus. Cette sensation de sentir le « sexe dans l'atmosphère » est plutôt fragile, elle peut basculer d'un coup, tout comme le temps.

Le fait de situer l'action de votre film dans Baltimore que vous présentez comme une ville ouvrière n'est-il pas étrange ?
Mais Baltimore est une ville bien étrange. Ce qui est fascinant pour moi dans cette ville, c'est que les gens les plus insensés s'imaginent être sains d'esprit. L'idée de A dirty shame m'est venue tout bonnement en allant tous les jours chez la buraliste du coin acheter mon journal, et en imaginant ce que pouvait être la vie de cette femme dans son intimité. Peut-être est-elle une véritable nymphomane ou autre chose ? À partir de cette idée, se basant sur quelque chose de vrai, ont germé en moi toutes les histoires qui ont abouti au scénario du film.

À quel âge avez-vous perdu votre esprit, suite à un coup de tête ? (NDLR/ Le gimmick du coup de tête utilisé dans le film)
J'ai eu une commotion cérébrale une fois en 1973, à la sortie d'un bar new-yorkais, j'ai été frappé à la tête. Ne me souvenant plus de rien, j'ai ensuite débarqué chez un ami, tout couvert de mon sang, en lui disant : « Ne t'inquiète pas. Je n'ai fait que trucider cinq personnes. » J'avais perdu mon esprit mais pas mon sens de l'humour. Mais je ne me suis pas transformé en obsédé sexuel pour autant !

Vous parlez aussi dans A dirty shame de la contamination de Baltimore par les Yuppies (« Young Urban Professionnals »)
Il est vrai que le quartier qui me servait de décor de cinéma habituellement a maintenant disparu, complètement rénové suite à la venue massive de cadres supérieurs de Washington. Ce qui est une bonne chose pour la ville en fait. Les yuppies cherchent en fait la diversité et c'est pour ça qu'ils viennent s'installer dans cette banlieue. Mais il existe toujours une forme de compétition entre Washington et Baltimore.

Comment les français sont-ils vus par les américains en ce qui concerne le sexe ?
Les américains se basent essentiellement sur ce qu'ils voient au cinéma pour se faire un avis sur les mœurs des gens et ils pensent donc que les européens s'envoient plus en l'air qu'eux. Ce qui est sûrement vrai quelque part.

En êtes-vous vraiment sûr ? Je pense que ce soit à Paris ou à Los Angeles, il est très dur d'avoir des relations sexuelles dès le premier jour.
Peut être pas mais en ce qui concerne les jeunes aux USA, il y a des choses qui me perturbent beaucoup plus. Le fait que des collégiennes, même si elles ne couchent pas, se livrent au « sexe oral », et ce dès leur premier rendez-vous. Alors qu'à mon époque, la fellation venait après avoir pratiqué plus de choses avec sa petite amie…et puis c'était au lycée. Pour revenir à la vision des américains sur les français, ils s'imaginent qu'ils ont une meilleur vie sexuelle que la leur, plus glamour en tout cas. Quand on voit une jolie fille aux States, on a l'habitude de dire « Ouh là là » avec l'accent français, comme si on avait rencontré Brigitte Bardot. Et c'est plutôt rare de croiser une jolie fille, voyez-vous, car aux USA, tout le monde est devenu tellement gros.

Un des exploits de votre film, c'est d'avoir réussi à convaincre (attention spoiler) David Hasselhoff de venir chier à l'écran.
Cela n'a pas été très dur de le convaincre en fait. Il m'a répondu : « Prendre l'avion et y couler un bronze, voilà toute ma carrière ! » Je cherchais une célébrité qui ait le sens de l'auto-dérision et il n'était pas évident de choisir la bonne personne. Et avec David, cela a collé parfaitement.

Votre avis sur Johnny Knoxville et ce qu'il faisait à l'époque de Jackass ?
Depuis le début, je suis fan du concept. Un programme TV qui réussit à être à la fois fédérateur chez les jeunes et créer la polémique chez les adultes, je ne pouvais qu'y adhérer. Et le fait d'avoir fait le film à la suite, c'était quelque chose de très bien réfléchi. Ce qui m'éclate le plus, c'est que le jour de la sortie du film, il y a eu pour plus de 6 millions de dollars de caddies foutus en l'air, rien qu'à Los Angeles, par des jeunes qui ont voulu refaire la cascade du film.

Beaucoup de films américains destinées aux teenagers parlent de plus en plus de sexe mais ne montrent pratiquement plus rien. N' y-a-t'il pas là quelque chose de contradictoire ?
Et comment ! Mais vous savez, depuis les années 80, le puritanisme gagne de plus en plus de terrain. De nos jours, on ne peut même plus parler à quelqu'un dans la rue. Cela peut vous être préjudiciable.

Traduction par Patrick Antona.

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