Kelly Reilly & Kevin Bishop (Les Poupées russes)

Didier Verdurand | 7 juin 2005
Didier Verdurand | 7 juin 2005

Il n'y a pas que la bière pour nous réconcilier avec les anglais : il y a aussi le cinéma. Kevin Bishop et Kelly Reilly, déjà remarqués dans L'auberge espagnole, voient pour notre plus grand plaisir leurs rôles étoffés dans Les Poupées russes. Rencontre avec deux jeunes comédiens enthousiastes malgré les difficultés pour percer en Angleterre...

Il y a 5 ans, la première question que Cédric Klapish vous a posée était « Que pensez-vous des français ? ». Cinq ans plus tard, je vous réitère la question.

Kelly Reilly : C'est difficile de parler des français en général. Tu peux rencontrer des anglais que tu apprécies et avec lesquels tu t'entends vraiment bien, et tu peux en rencontrer que tu n'aimes pas. C'est pareil pour les français. Mais sur le tournage de ce film, je n'ai rencontré personne qui ne soit pas agréable, gentil, chaleureux, drôle, et qui n'ait pas le sens de l'humour. J'aime beaucoup les français.
Kevin Bishop : Je pensais qu'il y aurait un décalage en termes de culture et d'humour, mais en fait nous avons beaucoup en commun. Londres est en fait plus proche de Paris que de Manchester. C'est assez ironique finalement.
K. Reilly : Il faut abattre les barrières, nous avons beaucoup en commun.
K. Bishop : Depuis qu'on a fait ce film, j'ai réalisé qu'on ne pouvait pas faire de généralités. Chacun est différent.

J'ai toujours été impressionné par la façon de boire des londoniennes, comparées aux parisiennes !

K. Bishop : C'est culturel. En fait, c'est un vrai problème...
K. Reilly : N'importe quoi. Ce ne sont pas seulement les filles !
K. Bishop : C'est vrai, ça concerne aussi les garçons. Je pense juste que l'Angleterre s'éclate. Ces dix dernières années, on se lâche un peu. Mais c'est comme tout, ça va se calmer. Je sais qu'on passe souvent pour des hooligans, et qu'il n'y a qu'un pas du voyou sympathique à la brute épaisse. Évidemment il y a un fossé entre les deux, mais les anglais passent leur semaine à être réservés et à se contrôler, si bien que quand ils partent en vacances ou qu'ils sont en week-end, surtout avec ces lois sur le débit d'alcool et les horaires...
K. Reilly : ... ils doivent boire vite et beaucoup !
K. Bishop : C'est une nation très inquiète. Ils ont l'habitude de sortir et de boire vite. C'est notre soupape de sécurité, le seul moment où on peut vraiment s'exprimer.
K. Reilly : D'un côté c'est triste de voir les gens perdre le contrôle, et d'un autre, ils passent un bon moment. Mais toutes les anglaises ne s'enfilent pas 6 pintes par soirée. On ne peut pas généraliser, et je suis sûre qu'il y a des françaises qui le font aussi.

Et toi, Kelly, tu bois combien de pintes quand tu sors ?

K. Reilly : Je ne bois pas de pintes.
K. Bishop : 10 pintes ! Et elle en a déjà bu la moitié aujourd'hui.
K. Reilly : Je ne bois pas sinon on ne me tient plus. Je ne suis pas une grosse buveuse, mais ça m'arrive, quand je suis en tournée, de passer une soirée avec des amis. On va boire des verres et je ne me défile pas. J'ai du sang irlandais, alors mélangé à mon sang anglais, je suis super résistante ! Mais je ne bois pas beaucoup. Si quelqu'un me disait que je ne pourrai plus jamais boire une goutte d'alcool, je serais déçue mais je m'en remettrais.

Mais quand tu es bourrée dans le film...

K. Reilly : C'est une interview pour les alcooliques ou quoi ? (Rire.)

Non, mais je suis vraiment impressionné par votre jeu quand vous êtes saouls dans le film.

K. Bishop : On a beaucoup répété. (Rire.) En fait, on a puisé notre inspiration pour ces scènes dans mon expérience de hooligan anglais. J'ai été en vacances de « 18-30 ans » avec des jeunes. On y était, on connaît ces gens-là. C'est parti d'une blague et Cédric m'a proposé de l'intégrer à l'histoire. On s'est vraiment éclaté à faire ça. Mais si t'as vécu à Londres, tu as dû rencontrer ce genre de personnes.
K. Reilly : Tu en as rencontré beaucoup ?

Oui, pas mal. C'est un des nombreux intérêts de la ville, on y rencontre tellement de personnes différentes...

K. Bishop : Londres change radicalement : le jour tout est sérieux, puis vient le vendredi soir et tout est totalement sens dessus dessous, tu peux passer une soirée extraordinaire.
K. Reilly : Ce n'est pas qu'à Londres !
K. Bishop : Oui, c'est comme ça partout. Mais Londres c'est particulier. Tu peux commencer la soirée dans un pub à 18h et finir à 14h le lendemain chez quelqu'un que tu n'as jamais vu de ta vie.
K. Reilly : Tu peux faire ça à Paris aussi.
K. Bishop : Oui, j'en suis sûr.
K. Reilly : Nan, tu peux pas parce que t'as pas d'amis !
K. Bishop : Ouais, toi tu pourrais parce que tu en as. Tu es invitée partout.


Vous êtes célèbres en Angleterre ?

K. Reilly : Je suis super célèbre en Angleterre !
K. Bishop : C'est vrai, elle est très connue en Angleterre.
K. Reilly : Non, je déconnais, précise !!

Dans une interview, j'ai lu, Kelly, que tu étais plutôt du genre à prendre ton temps en terme de carrière.

K. Reilly : C'est vrai. Je suis bien intégrée dans le milieu du théâtre londonien, parce que c'est là que j'ai travaillé le plus. J'ai aussi quatre films qui vont sortir. Mais je ne suis pas connue à Londres.
K. Bishop : Elle le sera. C'est une question de minutes.
K. Reilly : Tu as bu ?

Tu as obtenu un rôle avec Johnny Depp ?

K. Reilly : Oui, pour The Libertine. C'était vraiment extra.

C'est le genre d'acteur auprès duquel on apprend ?

K. Reilly : Oui, il est un maître absolu. J'avais fait trois pièces à la suite et j'enchaînais sur ce film. Je ne tourne pas un film chaque année, je n'ai pas l'habitude. Et le regarder travailler... Oh my God ! Et il a un grand sens de l'humour, très pince sans rire...

Et toi, Kevin ? D'autres films en préparation ?

K. Bishop : Non, pas de film pour l'instant. J'avais quelques projets en début d'année, mais tout a foiré.
K. Reilly : L'industrie du ciné n'est pas très florissante en ce moment en Angleterre.
K. Bishop : J'avais quelques projets qui devaient tous commencer en février ou au début de l'année. À un moment, j'ai même cru que je devrais en sacrifier deux pour le troisième. Mais un week-end, on m'a dit que tout était à l'eau. C'était pas longtemps après le Tsunami en Asie.
K. Reilly : Il y a eu un autre Tsunami ? Ailleurs je veux dire ?
K. Bishop : Oui, à Londres, c'est à cause de lui que tous mes autres projets sont tombés à l'eau.
K. Reilly : Tu mets ça sur le compte du Tsunami ?
K. Bishop : Non, pas du tout. Ne me prends pas au mot, je ne suis pas Kelly Reilly ! Donc, ça a foiré, mais je tourne des programmes pour la télé. Un pour la BBC, du théâtre, et une comédie pour Channel 4. Les deux seront diffusés fin août début septembre. Et je vais peut-être jouer pour le West End, mais c'est tout pour le moment.
K. Reilly : Le West End, c'est le premier théâtre de Londres.


Est-il facile de reprendre des personnages que vous connaissez ?

K. Reilly : Non, pas facile. Travailler n'est jamais facile, mais ça a coulé plus facilement, alors que le premier c'était plus le chaos, cela faisait partie du charme. Les poupées russes est beaucoup plus profond.
K. Bishop : Le développement est très différent cette fois-ci, parce que dans le premier film, le script – surtout pour nous deux – était très léger. On avait une grande marge de manoeuvre, ce qui est assez effrayant. Mais on a réussi à créer nos propres personnages. Je pense que Cédric a été très intelligent sur ce point : il nous a regardé créer nos personnages, et pour le second film, il a repris chaque personnalité et l'a détaillé méticuleusement. Du coup elles sont toutes devenues beaucoup plus profondes.
K. Reilly : Tous les personnages ont une histoire maintenant. Tu vois, la première fois que tu joues un personnage, c'est comme si tu le rencontrais, et généralement tu ne le joues qu'une fois. Là, on ressent comme de l'amitié pour eux. On a tellement à développer. Une base sur laquelle construire. C'était passionnant de creuser et de faire évoluer nos rôles. Et de retrouver les trucs décalés/bizarres de mon personnage pour jouer avec.

Tu viens d'évoquer le fait que l'industrie cinématographique anglaise n'est pas très florissante ?

K. Reilly : C'est difficile financièrement...
K. Bishop : C'est plus une question de courage à mon avis. Il faut des milliers de fournisseurs de fonds pour faire un film, mais il n'en faut qu'un pour le briser. On veut tous faire des films, mais ils ont tellement frustré la créativité dans ce pays – je le sais parce que j'ai des amis écrivains, réalisateurs et producteurs. Tout se sait tôt ou tard. Et en ce moment, il y a 9 chances sur 10 pour que tous les films anglais qui ne sont pas soutenus par des capitaux américains finissent à la poubelle. Ou alors le budget est vraiment très bas. Pareil pour les films à gros budgets tournés en Angleterre. Il y en a un en particulier dont j'ai entendu parler l'an dernier. Ils avaient commencé à tourner, mais le réalisateur s'est cassé parce qu'il n'y avait vraiment pas assez d'argent. Ils ont commencé à tourner et ils ont abandonné. C'est de plus en plus fréquent. Là où les producteurs avaient envie de prendre des risques autrefois, de parier, aujourd'hui, on a cette situation stupide où les gens arrivent avec des idées et des scripts géniaux, mais ils n'obtiennent pas l'argent dont ils ont besoin. Du coup les films n'aboutissent pas. Et les producteurs n'ont plus autant de courage dans l'industrie du ciné britannique qu'avant, parce qu'il y a eu quelques flops.

Je suppose que c'est plus facile si tu connais quelqu'un chez Working Title ?

K. Reilly : Oui, enfin, il n'y a pas qu'eux non plus. Mais c'est si difficile...
K. Bishop : Exemple classique : l'an dernier j'avais un boulot pour la télé. C'était pour une compagnie télévisée anglaise, mais c'était aussi fait par une boîte de ciné indépendante. Ils étaient tout petits, et en gros ils se sont faits sortir à coups de pieds aux fesses à la fin du programme. Avant, une chaîne de télé s'investissait totalement dans la création d'un programme. Maintenant, ils peuvent charger quelqu'un de créer un programme et être plus regardant sur ce qu'ils ont visionné. Tout le monde la joue beaucoup trop sécurité en ce moment. Dans cette quête de sécurité, tout est cadré, et rien ne part en sucette. Ça dépouille totalement le film de sa part de créativité, et je pense que quand tu commences à agir ainsi, tu perds la magie du boulot et tu ne fais plus de bons films.
K. Reilly : Moi, je n'ai pas à me plaindre en fait. J'ai fait trois films anglais l'an dernier et une coproduction franco-anglaise. J'ai de la chance d'être engagée dans ces films car il n'y en avait pas tellement d'autres...
K. Bishop : L'an dernier était terrible pour les films anglais. Beaucoup de petits films dépendent de l'argent dégagé par la loterie nationale, mais en 2004, ils ont annoncé qu'ils ne donneraient plus d'argent aux films indépendants. Ça a eu des conséquences énormes. Pour les jeunes réalisateurs, scénaristes, c'est un coup terrible et je ne sais pas si l'industrie s'en relèvera.
K. Reilly : Bien sûr que si !

Propos recueillis par Didier Verdurand.
Interview traduite et retranscrite par Cécile Colinet.
Photo en haut de page par Kelly Reilly.

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