Dany Verissimo (Banlieue 13)

Didier Verdurand | 25 mai 2005
Didier Verdurand | 25 mai 2005

Toute habillée dans Banlieue 13, Dany Verissimo a pourtant réussi à attirer l'attention sur elle, grâce à une véritable présence. Pour une première apparition dans le cinéma dit traditionnel, c'est un coup d'essai réussi qui ne demande qu'à être confirmé. Seulement il semblerait que de nombreuses portes restent fermées pour celle qui fut connue un temps sous le nom d'Ally Mac Tyana. Rencontre avec un espoir au tempérament bien pimenté.

Quelques mots sur ton enfance ?
Je suis d'origine malgache par ma mère, née en France et j'ai grandi à Vitry-sur-Seine. Ayant une famille éparpillée dans le monde entier, j'ai beaucoup voyagé. Mes parents s'étaient séparés avant ma naissance et je me suis retrouvée partagée entre deux mondes, celui de mon père à Neuilly et celui de ma mère dans un HLM. L'écart s'est encore plus creusé quand je suis rentrée en internat chez les bonnes sœurs et que je rentrais le week-end dans la cité. J'ai toujours eu le cul entre deux chaises.

Tu as commencé le X à quel âge ?
J'avais dix-huit ans et demi. Cela faisait déjà un moment que je voulais faire du cinéma. Si on ne sort pas des Cours Simon ou Florent, on se fait vite recaler, surtout si on vient d'une cité, à cause de préjugés. Un concours de circonstances m'a emmené au X, je ne me suis pas réveillée un matin en me disant « Tiens, si j'allais sucer des bites ? » Des gens m'ont dit qu'il fallait coucher pour réussir et dans un esprit à la fois de révolte et d'agacement, j'ai voulu leur dire « Vous voulez voir mon cul ? Vous allez le voir en gros plan. » J'étais partie pour faire de l'érotisme et je suis tombée sur John B. Root qui m'a dit que je ne correspondais pas au type recherché et que je n'avais pas d'autre choix que passer au porno pour me faire remarquer. Je n'avais pas d'attaches, je quittais un petit ami violent, ma mère m'avait mise à la porte à l'âge de dix-sept ans, j'étais un peu paumée. John a recréé autour de moi une « cellule familiale » dans le sens que j'avais quelqu'un qui gérait mes papiers, mes looks, mes plannings, j'était d'un coup encadrée. J'ai rencontré grâce à lui des personnes intéressantes comme Gaspard Noé, des gens talentueux qui ne rejettent pas le porno et qui sont devenus des copains.

Ta carrière fut très courte !
Oui, mon contrat d'exclusivité a duré seize mois. Je n'avais pas du tout envie de faire carrière dans le X. Puis AB Production m'a proposé d'être chroniqueuse sur XXL. Je m'étais tout de suite dit que cela durerait le temps de me faire remarquer, de faire partie de l'entourage audiovisuel du public, pour pouvoir faire mon entrée dans le cinéma. Si je ne pouvais pas rentrer par la porte, je rentrerais par la fenêtre. Depuis que je suis une gamine je rêve de faire ce métier.

 


Tu as gardé de bons contacts avec le milieu du porno ?
Dans l'ensemble, oui, j'aime encore quelques acteurs et actrices. D'autres essaient de se rapprocher par intérêt. Je reçois des invitations aux soirées Dorcel mais je n'y vais pas, je n'ai rien à voir avec ces gens-là. Quand j'étais dans le milieu, ils me considéraient comme un ovni parce que j'étais avec John qui se trouve en dehors du système. Au passage, cela me faisait rire jaune d'être comparée à Clara Morgane parce qu'elle était avec Coppula, un des leaders sur le marché, très loin devant B Root donc nous n'étions pas dans la même catégorie. J'ai vu des chiffres complètement absurdes dans Entrevue sur les productions de B. Root. Lorsque j'ai commencé avec lui, il n'était pas loin de déposer le bilan.

 

Comment as-tu atterri sur Banlieue 13 ?
Quelques mois après avoir quitté XXL pour des raisons salariales et aussi parce que j'étais tombée enceinte, Canal + m'appelle me disant que la boîte de Besson, EuropaCorp, cherchait à me joindre et qu'il fallait que je les appelle. La directrice de casting me dit alors qu'elle voulait me rencontrer avec Alexandre Aja, à l'origine réalisateur du projet Banlieue 13. Le tournage devait débuter en septembre 2002, un mois avant que j'accouche donc je suis repartie sans espoir mais ravie d'avoir pu discuter avec un metteur en scène réputé. Ils m'ont rappelé quelques mois plus tard me disant qu'un des comédiens s'était blessé pendant les répétitions et que le tournage était repoussé. J'ai passé des essais et j'ai su deux mois avant le départ que j'étais engagée.

À quel moment Luc Besson est-il intervenu ?
Lors du dernier essai. J'étais très impressionnée et il m'a clairement dit qu'il voulait ne parler que des points négatifs pour être constructif, tout en dépiautant son orange, sans me regarder… (Rire.) Puis il m'a dit qu'il voulait que je fasse appel à quelque chose de douloureux que je voulais sûrement oublier. Il voulait retrouver la rage qui m'habitait quand j'ai commencé dans le porno. Avec le succès, j'avais pris un peu la grosse tête et m'étais assagie donc ça m'a secoué et j'ai tout donné. EuropaCorp a proposé aux comédiens un coach pour la comédie, pour justement se conditionner et j'ai eu un préparateur sportif, je ne voulais pas me faire doubler. Ils donnent les moyens de faire du bon travail.

 


Besson était-il présent sur le plateau ?
Non, au contraire, il nous a laissé très libre. Cette démarche est intelligente car nous voulions naturellement l'honorer de sa confiance qu'il nous avait accordée. Pierre Morel est aussi chef-opérateur, il a éclairé Le transporteur et Danny the dog, et connait très bien la technique. Il est le metteur en scène de Banlieue 13, pas Luc Besson.

 

La mayonnaise prend mieux que dans d'autres productions d'EuropaCorp…
Luc Besson est fin psychologue en plus d'avoir du flair. Il a présenté Cyril Rafaeli à David Belle, le courant est passé immédiatement entre eux deux, il a réécrit les scènes avec mon personnage en pensant à moi, il y a un air de ressemblance entre David et moi, il a choisi Tony D'Amario, énorme de générosité, Bibi Naceri qui n'était alors que « le frère de Samy Naceri » et qui est en train de lui passer devant, a participé à l'écriture… Tout s'est très bien emboîté. J'étais la seule nana parmi tous ces mecs qui faisaient deux ou trois têtes de plus que moi mais ils m'ont tous considéré comme la frangine. Une spectatrice m'a demandé si cela n'avait pas été trop dur mais franchement, quel plaisir d'être au milieu de vingt mecs super bien bâtis qui sont des amours avec toi ! Pendant la promo du film, tout le monde croyait qu'on était potes depuis dix ans tellement l'ambiance était excellente. On se retrouve encore une fois par mois pour dîner au restaurant ensemble.

On te voit peu finalement dans Banlieue 13 mais j'ai l'impression que tu es celle dont on parlait le plus. Il semblerait que tu aies déjà de nombreux fans…
Je pense que si une suite se tourne, on me verra plus à l'écran. Banlieue 13 est resté quatre mois à l'affiche en Nouvelle-Calédonie, il a très bien marché en Europe de l'Est, cartonné en Inde, la Chine l'a acheté, le Japon a mis une option dessus… Forcément, la question d'en faire une suite se pose. Pour en revenir à mon public, je suis en contact avec lui car je suis très accessible. Quand le film-docu de B Root, Ally, est passé sur Canal + en octobre, j'ai reçu plus de 150 mails de fans par jour, à qui j'ai répondu un par un. Certains dans le métier me reprochent d'ailleurs cette accessibilité, me disent que je devrais rentrer dans le star system, aller à des soirées jet-set. Je tiens à garder ma simplicité et mon naturel, tu ne m'y verras jamais !

Déjà, on voudrait te voir plus souvent au cinéma.
Si mes fans ne me voient pas plus souvent dans des films, c'est parce qu'il y a peu de gens comme Besson qui osent choisir des inconnus pour des premiers rôles. Aujourd'hui les films se font en fonction de leur rentabilité éventuelle, le phénomène bankable est arrivé en France, c'est-à-dire que les productions se développent la plupart du temps autour de stars ou de gens connus. Je fais des castings la semaine, et le week-end, je suis serveuse…

…Où ça ?
Je tourne entre le House of live, rue de la Boétie et le Mustang Café à Montparnasse. Seulement, ne me dérangez pas si je suis dans le rush ! (Rire.)

Comment se passent les castings ?
On me dit souvent que je suis trop typée pour le rôle.

Ce n'est pas un peu raciste sur les bords ?
Je me le demande... Quand on regarde dans l'éventail cinématographique de nos comédiens, il y en a peu issus d'autres origines que françaises. Mon prochain challenge est justement de m'imposer dans cet univers fermé. Cela ne peut que l'enrichir de s'ouvrir plus. On dit toujours à mon agent après avoir passé des essais « Non, mais elle est touchante. » J'en ai rien à foutre d'être touchante, je veux tourner ! La blonde aux yeux bleus avec le grain de beauté au-dessus des lèvres part avantagée... Heureusement, le public est présent et me soutient, j'ai souvent des témoignages de sympathie dans la rue qui me motivent. Honnêtement, sans le public, je me serais déjà suicidée. Ma vie a basculé depuis peu, je n'ai plus de mari, plus de maison, et je suis en train de me reconstruire grâce aux témoignages d'affection de mes fans.

Propos recueillis par Didier Verdurand.
Autoportrait en haut de page de Dany Verissimo.
Vous pouvez lui envoyer un mail à cette adresse : danyverissimo@hotmail.fr (23 ans le 27 juin !)
Les autres photos sont extraites de Banlieue 13 © EuropaCorp

Tout savoir sur Banlieue 13

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