James Huth (Brice de Nice)

Didier Verdurand | 24 mars 2005
Didier Verdurand | 24 mars 2005

James Huth, réalisateur en 1997 du pétillant Serial Lover, aurait pu sombrer dans la dépression la plus totale après l'arrêt de son projet fétiche, La Marque Jaune, dont on parle depuis des années sans qu'il y ait eu le moindre clap de moteur. Il a préféré surfer sur l'univers unique de Brice de Nice pour en tirer une excellente comédie attachante. Rencontre avec un cinéaste décidément très loin de la déprime.

Pourquoi tant d'années entre votre premier et second film ?
Suite à la présentation à Sundance de Serial Lover, j'ai reçu un coup de fil de Gale Anne Hurd, productrice de Terminator et Aliens, qui était à ce moment-là chez Paramount et j'ai bossé avec elle dans le développement de films. De retour en France en 1999, Charles Gassot m'appelle pour me proposer La Marque Jaune. La seule fois que j'ai envoyé une lettre dans ma vie pour montrer mon attachement à un projet, c'était pour cette adaptation. À l'époque de mon premier court-métrage, j'avais rédigé une lettre de puceau disant que j'étais le jeune réalisateur idéal pour adapter cette aventure de Blake et Mortimer. L'éditeur avait bien du rire et quelques années plus tard, c'était moi qui riais, de bon coeur.

Vous avez travaillé quatre ans dessus ?
À cause des co-productions il a fallu adapter le scénario à cinq pays : la France, la Belgique, l'Allemagne, l'Angleterre et le Canada. Il fallait également refaire des réperages, etc… Le cinéma n'est pas une science infuse et il est difficile de savoir pourquoi des films se font et d'autres, non. Finalement, j'ai réalisé un film avec Brice comme Blake et Marius comme Mortimer et un univers jaune avec un logo : j'étais bien préparé !

Où en était le casting ?
Il y avait un rôle féminin très fort et Jacobs l'avait choisie asiatique. Gong Li est restée quatre ans attachée au projet. Rencontre exceptionnelle. Quant à Blake, Jim Caviezel voulait absolument l'interpréter. J'espère encore que le film se fera. On dit souvent que lorsqu'on a un bon scénario, on peut faire un mauvais film alors que l'inverse est très rare. Là, on en a un bon mais on ne sait pas de quoi l'avenir est fait.

Vous connaissiez Brice quand Charles Gassot vous l'a proposé ?
Il y a cinq enfants à la maison dont deux ados – « jeunes » sinon je vais me faire lyncher. Donc forcément, je connaissais et j'avais aussi totalement adhéré à cet univers comme j'en avais rarement vu en France. Pour moi, cela se rapprochait de Peter Sellers en indien dans The Party. C'est incroyable que dans cette société de sur-communication abreuvée de super-héros, de sketches en tout genre et tout ce que vous voulez, le choix du public s'est porté vers un personnage qui est passé une seule fois à la télé à 22h30 quelques années avant son apparition sur des sites pirates ! Cela me fait penser à une fleur qui aurait poussé dans le bitume. Quand j'ai rencontré Jean Dujardin, j'ai compris d'où venait la grâce du personnage. Brice a tout du personnage détestable mais il est interprété par quelqu'un de foncièrement bon. John From-the-garden a une belle âme, simple et saine. Seul lui pouvait incarner Brice, un peu comme Mike Myers et Austin Powers. Enfin, j'ai accepté car je partage ses fantasmes d'être un super-héros de la casse, de sortir toujours le bon mot au bon moment et de dire ce que je pense quand je le pense. Le pari était de rendre attachant Brice tout le long du film pour que la fin ne soit pas seulement drôle.

From-the-garden était prêt à ce que vous apportiez beaucoup à l'univers qu'il avait créé ?
Le challenge était de faire un film qui soit 100% le sien, 100% le mien et 300% celui de Brice. Je veux en effet insister sur la sincérité de l'entreprise qui était de se mettre au service de Brice. Ce devait être plus difficile pour Jean que pour moi mais il est très content du résultat. Nous nous sommes rapidement dit qu'il fallait vraiment se mettre en danger en faisant dire à nos personnages des trucs nazes. Il faut laisser la possibilité de se planter pour sortir quelque chose d'extraordinaire. La relecture des co-auteurs a été très utile car elle permettait de se dire qu'il y avait un filet au cas où ça ne marchait pas.

Le ton était à la déconnade sur le tournage ?
Le plus dur était de canaliser notre énergie. Brice demande une concentration et une implication hors du commun, on travaillait sur le fil du rasoir. Il faut être dans la caricature et la vérité en même temps alors que c'est totalement opposé. Le but était d'arriver sur le tournage avec suffisamment de travail en amont pour laisser libre court à l'impro.

De l'impro, avec Clovis Cornillac notamment ?
Oui. Si tu veux capter de la magie, il en faut. Clovis nous a proposé cette manière de parler que Jean et moi avons immédiatement accepté. Clovis est un génie. Chaque prise est bonne et possède un élément nouveau. Je voulais le voir avec des cheveux différents car je trouve que sa tendresse est rarement exploitée, il a une image de dur. Ce fut un vrai bonheur d'être avec ces comédiens qui te font confiance pour garder le meilleur, et qui n'hésitent pas à prendre des risques.

Brice de Nice m'a de temps en temps fait penser à Dumb and Dumber !
Je n'en avais pas conscience mais c'est vrai qu'on peut faire un rapprochement. J'aime beaucoup Dumb and Dumber et ses nombreuses scènes cultes. Les frères Coen aiment aussi les personnages limités que le public affectionne parce qu'il se sent supérieur et c'est très gratifiant. Jésus, au bowling dans The Big Lebowski, en est le parfait exemple. Il y a d'autres thèmes récurrents comme l'acceptation de l'autre et le fait de croire en ses rêves. Des thèmes très simples qui sont souvent dans des contes. Jean Dujardin parle de Point Shrek (Point Break + Shrek)

Brice de Nice 2 si les millions d'entrées suivent ?
Brice avait tout du produit mais si Jean a une affection particulière pour ce personnage, c'est parce que les mômes ont commencé à l'appeler Brice dans la rue. Ce désir très vif des jeunes a redonné l'envie à Jean d'aller encore plus loin. Jean est quelqu'un de rare et s'il me propose de retravailler avec lui, j'accepte. Il a du charisme, il imprime la pelloche…

Jean Dujardin, avec une tête de mec qui n'a pas dormi depuis 72h, arrive au même moment et nous serre la main.
James était justement en train de dire des choses très gentilles sur vous…
Jean Dujardin : Je vais les pisser ! (et s'en va sur le champ)

K Ka Ka Kasssséééé !!

Propos recueillis par Didier Verdurand.
Autoportrait en haut de page de James Huth.

Tout savoir sur Brice de Nice

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