Linda Hardy

Stéphane Argentin | 8 mars 2005
Stéphane Argentin | 8 mars 2005

Il y a beaucoup plus désagréable comme rencontre qu'un tête à tête avec Linda Hardy. Pas uniquement parce que la demoiselle que l'on a alors en face de soi est ravissante (ex Miss France et ex mannequin) mais parce qu'elle sait faire preuve d'une très grande détermination dans chacun de ses choix et chacune de ses opinions. « Une jolie bouche sans jolis mots, ce n'est pas la peine » dit à un moment le personnage de Félix (Guillaume Pixie) dans Le souffleur. Et bien Linda Hardy, c'est justement une jolie bouche avec les jolis mots en plus.

Vous avez débuté dans le mannequina.
C'est amusant que vous l'évoquiez car la plupart de mes interlocuteurs ne le mentionnent presque jamais alors que cela a tout de même représenté sept ans de ma vie. La veille de passer mon bac C, j'ai passé ma première élection, que j'ai remporté. J'ai alors passé une seconde élection que j'ai également remporté et ainsi de suite jusqu'à mon titre de Miss France en 1992. C'est à partir de là qu'a débuté ma carrière de mannequin.

Vous vous destiniez à devenir mannequin ?
Pas du tout ! À dire vrai, je ne m'étais même pas rendu compte que l'univers du mannequina était aussi diversifié. Ce qui s'est passé, c'est qu'au moment de rendre mon titre de Miss France en décembre, je me suis retrouvé avec un creux dans mon emploi du temps avant de reprendre mes études à l'université en septembre. Certaines personnes m'ont alors conseillé de tenter le coup dans le mannequina et je me suis dit : « Pourquoi pas, c'est peut-être un bon moyen pour gagner un peu d'argent en attendant ». Et ça a tellement bien marché que j'ai continué pendant sept ans.


Vous ambitionniez déjà à l'époque de devenir actrice ?
Inconsciemment peut-être car lorsque je relis mes propres interviews de l'époque après mon titre de Miss France, j'en parlais déjà. Mais mon premier rôle dans Recto-Verso (1999) a vraiment été le fruit du hasard. Le réalisateur Jean-Marc Longval m'avait vu dans une émission de télé et a appelé mon agent. J'ai fait des essais et c'est comme ça que j'ai eu le rôle. J'y ai pris goût et j'ai donc décidé de suivre des cours. Ce n'est pas vraiment le cursus « classique » comme lorsque l'on débute très jeune par le Conservatoire puis le Cours Florent mais en même temps, cette vocation tardive s'est révélée un avantage car je ne sais pas si à 18 ans, je possédais la maturité nécessaire pour me rendre compte du travail et des enjeux que représentent le métier d'actrice. Sans pour autant faire preuve d'une ambition démesurée, je suis une grande bosseuse, quelqu'un qui s'investit énormément dans tout ce qu'il entreprend. J'étais déjà comme ça à l'école où j'apprenais mes leçons par cœur. Et je crois qu'avec le parcours que j'ai eu, le seul moyen de rattraper à la fois mon retard et l'image que les gens peuvent avoir de moi, c'est de travailler très dur.

Et au départ, vous deviez poursuivre quelles études avec votre bac C ?
Je voulais devenir médecin pédiatre. Comme quoi les hasards de la vie sont parfois amusants car je pars dans trois semaines tourner pendant trois mois un film américain en Israël, The Mount of Olives, dans lequel je tiens le premier rôle, celui d'un médecin palestinien dans les camps qui va tomber amoureuse d'un juif interprété par Eion Bailey (Fight Club, Frères d'arme, Presque célèbre, Mindhunters), élevé aux États-unis et qui vient pour la première fois en Israël pour assister aux obsèques de son père, mort dans un attentat. Il y aura également F. Murray Abraham qui jouait Salieri dans Amadeus et qui interprétera mon grand-père.


Votre premier rôle en tête d'affiche, c'était avec Immortel. Vous connaissiez l'univers d'Enki Bilal avant de faire ce film ?
Absolument pas. Ce n'est qu'après avoir été engagée que j'ai effectué tout le travail de recherche pour m'imprégner de ses travaux. J'aime d'ailleurs énormément les réalisateurs qui ont des univers comme ça bien à eux, qui font preuve d'un esprit d'imagination très prononcé. L'univers d'Enki est à la fois très riche et chargé. C'est également le cas de Guillaume (Pixie, le réalisateur – scénariste – interprète du Souffleur, NDLR) qui a une vision bien à lui de l'univers de la comédie.

Immortel a reçu un accueil assez mitigé aussi bien au niveau de la presse que du public.
Il a quand même fait un million d'entrées ! Aujourd'hui en France, un million d'entrées, c'est déjà pas mal. Même si Enki aurait sans doute souhaité rendre Immortel « tout public », son univers n'est pas vraiment accessible ni même compréhensible par tout le monde. C'est de la science-fiction assez dure, avec de nombreux effets spéciaux et le pari à la fois artistique et technologique que représentait ce film était assez risqué, surtout avec le budget alloué. Si l'on considère les 23 millions d'euros d'Immortel par rapport au budget d'autres productions actuelles, je trouve que ça ne fait pas tant que ça et surtout pas assez pour les ambitions d'un tel projet. Ce n'est pas une question de talent mais de moyens. Et en France, il n'y a tout simplement pas les moyens suffisants qu'il peut y avoir par exemple aux États-Unis pour faire de tels films.

Vous évoquez les États-Unis, vous allez partir tourner un film américain à l'étranger. C'est quelque chose qui vous intéresse de faire une carrière à l'étranger ?
J'ai tourné Immortel en anglais. Je travaille mon anglais régulièrement avec un coach quand je ne tourne pas. Mais mon but à l'heure actuelle n'est pas de partir faire coûte que coûte une carrière aux États-Unis. Mon but est de découvrir le plus de choses possibles, de travailler avec des gens intéressants, d'être l'interprète d'histoires qui me touchent, comme cet amour à priori impossible entre un juif et une palestinienne dans The Mount of Olives. Après, que le film soit français, américain, espagnol ou bien même chinois (rires), peu importe. Aux États-Unis, leur vision du cinéma diffère quelque peu de la notre il est vrai. Il y a moins ce côté intello du genre « je suis un artiste, j'ai du talent ». Les américains envisagent le cinéma comme un vrai travail dans lequel il faut se donner à fond comme n'importe quel autre métier. C'est une approche qui rejoint ma propre conception de ce milieu dans lequel il ne faut pas avoir peur de s'investir aussi bien mentalement que physiquement. Personnellement, je ne comprends pas les actrices françaises qui disent : « Les États-Unis, ça ne m'intéresse pas ! ». Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'elles ne veulent pas aller travailler avec des gens talentueux ? Je n'ai pas envie de me mettre ce genre de barrières et je suis ravie de partir tourner un film américain.


Vous pensez également qu'il y aura moins d'à priori là-bas qu'en France compte tenu de vos antécédents de mannequin ?
C'est sûr que je ne suis pas assaillie par les coups de fils des gens qui font du cinéma d'auteur en France. Quand on évoque un tel cinéma en France, on pense plutôt à Karin Viard, Sylvie Testud… Mais à mes yeux, Le souffleur ou encore Immortel sont des films d'auteur. Même chose pour The Mount of Olives qui est un film indépendant. Mes choix sont peut-être plus commerciaux que la notion de cinéma d'auteur à laquelle on peut penser en France mais au delà du simple désir de travailler avec telle ou telle personne, le but c'est aussi que les gens aillent voir ces films et pas uniquement avoir un regard nombriliste sur son propre travail en ne faisant que les films que l'on aime sans se soucier du public. J'estime que si un film ne rencontre pas un minimum de succès, alors je n'ai accompli que la moitié de mon travail.

Propos recueillis par Stéphane Argentin.
Autoportrait de Linda Hardy.

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