Jalil Lespert (Le Promeneur du Champ de Mars)

Didier Verdurand | 9 février 2006
Didier Verdurand | 9 février 2006

Pour son rôle dans Ressources humaines, il a obtenu le César du Meilleur Espoir en 1999. Jalil Lespert est en train de transformer l'essai et de faire partie des acteurs qui comptent, avec pas moins de trois films en 2005. Plutôt que de se promener au Champ de Mars, on se retrouve place de la Nation. Nouveau décor, changement de look.

 

 

Qu'as-tu pensé du Promeneur du Champ de Mars ?
Je trouve que c'est un film sobre, dans le coeur du sujet, et il n'y a pas de fioritures. Il est également austère et sincère. Je suis fier d'avoir été en face d'un acteur aussi grandiose que Michel Bouquet. C'est une chance rare pour un jeune acteur comme moi d'être dans le regard et l'écoute d'un tel monstre sacré.

 

Robert Guédiguian est arrivé sur le projet après Michel Bouquet. Et toi ?
Après Robert. On s'est rencontré, il avait dû voir d'autres acteurs avant mais il m'a offert le rôle très vite, il y a cru tout de suite. J'avais lu Le Dernier Mitterrand à sa sortie et j'aimais bien le personnage de Benamou, très stendhalien et arriviste sur les bords, du moins pour les proches de Mitterrand. Robert était surpris que j'aie une image plutôt précise de Benamou, mais je ne sais pas si cela a joué en ma faveur vu qu'au bout du compte le Benamou du scénario est éloigné de ce qu'il est en réalité. Je n'avais aucun a priori sur lui et n'en ai toujours pas. J'ai juste cherché à interpréter ce que pouvait ressentir un jeune chroniqueur politique face à un tel homme de pouvoir.

 

Comme Michel Bouquet avec François Mitterrand, il n'était pas question de tomber dans l'imitation ?
Non, surtout que le Benamou de la réalité avait une dizaine d'années de plus que moi. Je voulais montrer ce qu'il pouvait y avoir de malsain dans la fascination qu'un jeune journaliste peut avoir pour un homme qui a autant de pouvoir, sachant que le pouvoir est nocif à ce niveau. Tu ne peux pas être chef d'État de n'importe quel pays d'ailleurs sans être quelque part un salopard. Il y a forcément des décisions à prendre au-delà de la morale et nécessaire pour le pays. Cette fascination est ambiguë.

 

As-tu fréquenté Benamou ?
Je l'ai à peine croisé. Au début, je voulais le rencontrer et Robert n'y était pas favorable. Benamou a fortement participé à l'écriture du scénario et savait que le personnage du film serait très éloigné de l'homme qu'il est, au fort tempérament. Je lui ai donc juste parlé au téléphone pour discuter sur quelques points.

 

Le courant est vite passé avec Michel Bouquet ?
Robert travaille sans répétitions, donc ce fut une découverte. Premier jour de tournage, j'avais le trac, et ce qui m'a touché, c'est que Michel Bouquet l'avait aussi. Nous étions donc au début sur le qui-vive, et puis rapidement j'ai oublié Mitterrand, que nous ne citons pas une seule fois d'ailleurs, pour ne voir qu'un président.

 

Quelle question aurais-tu posée à Mitterrand si tu en avais eu l'occasion ?
(Réfléchissant.) J'aurais été impressionné. Je ne serais pas rentré dans les affaires... Bêtement, je pense que la première chose que je lui aurais dite, sans poser de question, c'est que j'ai grandi avec lui. Je suis de la génération Mitterrand, on a eu de Gaulle et Mitterrand, ce sont des figures historiques. Mais poser une question... À quoi bon, où se situe la vérité ? Et je n'aurais pas eu les épaules pour les attendre.

 

Était-il important pour toi que Le Promeneur du Champ de Mars ne tombe pas dans la polémique comme le livre ?
Le scénario a basculé par rapport au roman, il était vraiment sur le rapport entre deux générations qui ne comprennent pas que c'est la fin d'un règne, d'un homme grandi par son parcours, mais qui somme toute, face à la mort, a besoin de s'appuyer sur ce jeune pur et idéaliste.

 

Idéaliste comme l'était ton personnage dans Ressources humaines !
Il y a des points communs, en effet, et j'étais conscient qu'il ne fallait pas faire la même chose.

 

Tu ne peux plus remporter le césar du Meilleur Espoir de toute façon…
Ressources humaines est un film qui va au-delà du cinéma, et avoir cette récompense pour ce film m'a rempli de fierté. Depuis, j'ai essayé de diversifier le plus possible mes choix, et il y a eu des rencontres importantes tant sur les plans personnel que professionnel, avec des gens très différents.

 

Tu es plus branché cinéma d'auteur ?
J'apprécie surtout les auteurs. Ma rencontre avec Resnais a été marquante (dans Pas sur la bouche, NDLR). Tu peux faire du cinéma d'auteur ambitieux, regarde Magnolia, 21 grammes... Il y a deux jours, j'ai vu La Chute, un film important.

 

On te verra peut-être à Cannes dans le prochain film de Xavier Beauvois, Le Petit Lieutenant ?
Il y aura Nathalie Baye, Rochdy Zem. (Hésitant.) C'est sur un groupe de la police judiciaire... Xavier veut garder le secret... Il m'a proposé le rôle il y a quatre ans. Quatre années durant lesquelles il s'est complètement immergé dans la police. Ce ne sera pas un polar où ça flingue dans tous les sens, ce sera sur des êtres humains. Je serai avant dans une production de la Gaumont, une grosse artillerie dans les univers de la boxe et de la prison, Virgil (prévu en salles pour le 30 mars 2005. NDLR), le premier long de Mabrouk El Mechri, un jeune de mon âge, 28 ans, qui a un talent fou.

 

Tu vas passer à Clermont-Ferrand ?
Oui, j'ai réalisé un deuxième court-métrage, je suis vraiment attiré par la mise en scène. J'ai commencé à jouer dans des courts et cela m'avait déjà beaucoup apporté en tant qu'acteur. J'avais eu un prix d'interprétation à Clermont. Je ne considère pas le court métrage comme un court métrage mais comme une oeuvre à part entière. On ne dit pas d'un Delacroix qu'il est plus beau que La Joconde parce qu'il est plus grand ! Je regrette que les courts soient aujourd'hui souvent écrits dans l'idée d'obtenir des subventions. Il faut plaire au CNC, qui aide beaucoup et que je ne veux pas blâmer, mais le problème est là : les courts racontent tous un peu la même chose. Il est rare d'en voir un qui a son propre univers. Je pense à celui qui a gagné à Cannes l'année dernière, L'Homme sans tête.

 

 

Propos recueillis par Didier Verdurand.
Autoportrait de Jalil Lespert.

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