Mathieu Kassovitz

Didier Verdurand | 1 novembre 2004
Didier Verdurand | 1 novembre 2004

Dans un couloir du Royal Monceau à Paris, les journalistes attendent comme des bêtes. Non pas pour aller à l'abattoir, mais pour rencontrer Mathieu Kassovitz, qui a débuté ses interviews avec plus d'une heure trente de retard. On sait que, depuis la présentation à la presse, au festival de Cannes, d'Assassin(s), le surdoué du cinéma français a du mal à se prêter au jeu de la promotion. Sur la jaquette de ce film pour la vidéo, il avait même piqué une phrase choc de la critique du Figaro : « Le film le plus nul depuis l'invention du cinéma. » Pour gagner du temps, des groupes de journalistes vont devoir se rassembler pour interroger la star, très sympathique au demeurant, sur Gothika, son premier film « made in USA » (entre guillemets car tourné et monté au Canada). Les questions de cet entretien proviennent donc de six personnes différentes, ce qui limite forcément l'intimité qui peut se créer dans ce genre d'exercice… Morceaux choisis.

Qu'est-ce qui vous a donné envie d'accepter ce projet ?
Un bon producteur, ce qui est la base pour faire un film qui tient debout dans de bonnes conditions, sans que cela soit un enfer. Une actrice intéressante que j'ai toujours voulu approcher, et qui vient en plus de se taper un oscar. Un scénario plutôt malin qui fait peur quand tu le lis. Et une sortie pour Halloween avec seulement sept mois de fabrication, un truc quasiment impossible à faire ! Le tout est excitant !

Pourquoi le titre Gothika ?
Je ne l'ai pas choisi. Je me suis posé la même question, tout le monde autour de moi également, et nous nous sommes dit qu'il était bon, qu'il justifiait l'aspect gothique que nous allions donner au film. Je préfère cela à Le Fantôme de la prison des femmes !

Y a-t-il eu des bras de fer avec la Warner ?
Non, il y a eu beaucoup plus de liberté qu'on ne peut l'imaginer.

Vous n'avez pas retouché le scénario, comme vous l'aviez fait pour Les Rivières pourpres.
Je n'aurais pas dû reécrire Les Rivières pourpres, d'ailleurs ! En France, le metteur en scène a toujours raison, alors qu'aux États-Unis le producteur a plus de pouvoir, et le réalisateur est considéré comme un technicien au même titre que les autres ! Joel Silver voit un film par jour depuis des années, et nous avons les mêmes références dans ce genre. Il a donc été clair dès le départ que je n'avais pas à toucher au scénario, sauf pour des détails, par rapport aux décors par exemple, ou à d'autres détails techniques.

Avez-vous laissé place à l'improvisation, comme vous avez pu le faire dans vos précédents films ?
Oui, à peu près pendant tout le tournage, car il y avait pas mal de retouches au niveau des dialogues, et nous n'avions pas eu de temps de préparation avec les comédiens. Je n'ai pas ressenti de différences au niveau de la direction d'acteurs par rapport à ce que j'avais pu faire en France.

Et avec Robert Downey Jr, qui a une réputation… délicate ?
Tout le monde était heureux à l'idée de travailler avec lui. Il n'y a jamais eu le moindre ennui avec lui sur le plateau. Sa vie personnelle est un autre domaine. Mais il est clair que je préfère avoir un type comme lui sur un film de commande, car à partir du moment où il y a un problème Joel Silver se ramène pour faire la police ! Sur un film plus intime, c'est différent, car cela devient TON problème, et tu dois gérer ! La production m'a demandé si j'avais un problème à l'idée de bosser avec Robert. J'ai répondu que non, au contraire, car s'il y avait un film où je pouvais travailler avec lui, c'était bien celui-là, pour la simple raison que si il y avait un problème, c'était le leur !

Pourquoi Joel Silver vous a choisi pour diriger Gothika ?
(Avec une pointe d'ironie, Ndlr) Parce que je suis un des meilleurs réalisateurs au monde ! En fait, c'est parce qu'il a aimé Les Rivières pourpres.

Vous ne vouliez pas continuer à tourner en France ?
C'est la merde en France, j'ai des projets ici, mais il faut préparer ses arrières. Je vois des gens autour de moi qui se cassent la gueule ! Je pense à ma carrière, j'avance naturellement. J'ai commencé avec le 16mm noir et blanc en utilisant une caméra à ressort pour mon premier court métrage, le deuxième était en 35mm toujours en noir et blanc, le troisième était en couleurs. Métisse était en 16mm couleur, La Haine, en 35 mm noir et blanc, Les Rivières pourpres était un film de commande, donc je franchis les échelons pas à pas, pour continuer à travailler.

Votre prochaine étape, Babylon babies, de la pure science-fiction ?
Quand tu lis le bouquin de Dantec, tu te dis que ça peut donner un film extra. Maintenant, comme cela va coûter une fortune, il faut le tourner en anglais. Le CNC ne peut pas suffire, et il faut l'aide des Américains.

Vous pensez au DVD quand vous filmez ?
J'étais jaloux à une époque de Christophe Gans ou Jan Kounen qui ont sorti des versions bien plus longues en DVD qu'en salles, mais je ne peux pas en faire autant ! Si mon film dure 1h45, généralement le prémontage durait 1h55, et les scènes coupées ne sont pas intéressantes. En revanche, je vais enregistrer un commentaire audio avec, j'espère, le chef opérateur. Je trouve cependant que le laserdisc était un plus bel objet, tout comme son lecteur, même si la qualité était moins bonne.

L'interview se termine, et Mathieu Kassovitz part dans un délire amusant devant les dictaphones :
« Faut arrêter de se faire une telle marge sur les DVD ! Il faut les vendre à 100 francs ! Taxez les films américains, pas les français ! Et arrêtez aussi la pub au cinéma ! »

Un mot sur les intermittents ?
Les intermittents ? Chacun pour soi !

Vous avez rencontré le journaliste du Figaro qui a critiqué Assassin(s) ?
Non, il est mort, je lui ai envoyé des copains ! (Rires)

Mathieu Kassovitz ne nous dira pas qu'il a donné un entretien à Madame Figaro, mais quand on a un tel succès auprès de la gente féminine, ce n'est pas étonnant !

Propos recueillis par Didier Verdurand en décembre 2003.

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