Sergio Castellitto

Stéphane Argentin | 23 novembre 2004
Stéphane Argentin | 23 novembre 2004

Sergio Castellitto est un comédien non seulement très actif, mais qui aime aussi le dépaysement. En 2004, on a en effet pu le voir dans Chère Martha et Ne quittez pas !, des productions respectivement allemande et française. Le film italien Caterina va en ville sera sa troisième apparition en tête d'affiche de l'année. De passage à Paris, nous avons eu la chance de rencontrer cet amoureux de belles histoires, qui revient également sur son travail cumulé d'acteur, de scénariste et de réalisateur à l'occasion de sa seconde mise en scène, À corps perdus (sur les écrans le 5 janvier 2005), dans lequel il a pour partenaire Penélope Cruz.

Caterina va en ville aborde la crise d'adolescence, mais aussi la crise politique et sociale. Quel aspect a selon vous contribué au succès du film en Italie ?
Les deux. Le film y a relancé à la fois le débat sur les relations parents-enfants, avec des adultes finalement plus infantiles et des adolescents plus mûrs qu'on ne pouvait le penser, mais aussi une réflexion sur une certaine classe dirigeante. Le personnage que j'interprète, Giancarlo, est à la croisée des deux : c'est un enfant qui rêve qu'il appartient encore à cette classe d'intellectuels au sommet de la société. En Italie, les gens influents se trouvent aujourd'hui à la télévision, qui est devenue en quelque sorte une « nouvelle église » où il faut absolument entrer pour exister. Ce phénomène se vérifie partout dans le monde à l'heure actuelle. Dans le film, tout cela est raconté avec un mélange de tendresse et de férocité dans un esprit très « comédie italienne ».

Sur l'affiche française, il y a une citation de Martin Scorsese qui déclare à propos du film : « Une grande comédie à l'italienne ! » Vous n'avez encore jamais travaillé avec lui ?
Je ne l'ai tout simplement jamais rencontré, mais j'aimerais bien sûr beaucoup travailler avec lui. Qui ne le voudrait pas ? Je crois qu'il a vu le film à New York lors d'un festival consacré au cinéma italien.

Vous avez attendu longtemps avant de passer à la réalisation, entre vos débuts au cinéma et votre premier film en 1999…
Après être parvenu à une « première conclusion » dans ma vie d'acteur, j'attendais en quelque sorte un « nouvel enthousiasme ». Comme j'ai la chance d'être marié à une grande écrivaine italienne (Margaret Mazzantini, NDR), j'ai donc décidé d'adapter son roman (Libero burro), puis un second, Non ti muovere, qui a connu un immense succès en Italie. En France, le livre a été publié sous le titre Écoute-moi, et le film a pour titre À corps perdus.

Qu'est-ce qui vous a décidé à adapter ce roman ?
L'histoire, comme toujours dans mes choix de films. Qui plus est, dans le cas présent, une histoire d'amour qui est l'archétype même de toutes les histoires possibles. Il est très rare qu'un film qui parle d'amour entre un homme et une femme, ou bien un chien, un rêve… ne marche pas.

Et ces choix vont ont permis de travailler partout en Europe.
J'ai cette chance, en effet, grâce au succès de mes films, de pouvoir choisir sur quel plateau me rendre pour mon prochain film. Ce succès est aussi un privilège qu'il faut savoir entretenir.


À corps perdus est un film italien, et pourtant on y retrouve Penélope Cruz, qui est une actrice espagnole !
Mais elle y joue en italien. La seule condition qu'elle avait émise était de jouer avec sa propre voix. Je lui ai donc fait parvenir une cassette sur laquelle tous ses dialogues étaient enregistrés pour qu'elle puisse les apprendre et être ainsi capable de les réciter sans le moindre accent. Ma seule crainte venait du décalage entre l'image glamour que l'on a de Penélope et son rôle dans le film, où elle incarne une femme désespérée. Mais mes doutes ont vite été dissipés car c'est vraiment une actrice formidable.

Votre femme, qui tenait la tête d'affiche à vos côtés dans votre premier film, ne joue pas dans celui là…
Elle a fait pas mal de théâtre pendant une quinzaine d'années, mais elle préfère désormais se consacrer entièrement à l'écriture.

En revanche, sur ces deux films, vous êtes à la fois scénariste, réalisateur et vous avez le premier rôle !
Oui, je suis mégalomane ! (Rires.)

Ce n'est pas trop compliqué de cumuler tous ces postes sur un film ?
C'était compliqué pour mon premier film, sur lequel j'avais eu quelques problèmes de scénario, mais cette fois j'avais suffisamment travaillé le script en amont du tournage. C'est une expérience certes fatigante mais très complète. En même temps, cela correspond assez bien à mon désir d'être plus productif et non plus uniquement d'attendre les bonnes histoires en tant qu'acteur.

Vous avez également travaillé avec un réalisateur devenu depuis un important producteur en France : Luc Besson. C'était sur Le Grand Bleu.
Le hasard a voulu que le tournage du film ait lieu à Taormino, dans la ville même où Margaret et moi étions en voyage de noces. Elle jouait Faust au théâtre, tandis que je tournais Le Grand Bleu. C'est d'ailleurs Luc qui va distribuer À corps perdus en France, via sa société Europa Corp.

Vous seriez partant pour travailler à nouveau avec lui ?
Oui, bien sûr. Il a un immense talent, un regard visionnaire et il possède cette qualité de toujours aller vers le public. C'est avant tout pour le public que l'on fait ce métier. Sans lui, nous ne serions que des fous parlant dans le vide. Il ne faut pas pour autant se prostituer pour le public, mais simplement communiquer avec lui. Le cinéma est un monde de communication, et quand quelqu'un vient me voir pour me dire qu'il n'a rien compris à mon film, je me sens coupable parce que j'ai échoué dans cette mission de communication.

Et votre prochain film ?
J'ai plusieurs projets en préparation, le plus proche étant celui avec Marco Bellocchio, avec qui j'avais déjà travaillé sur Le Sourire de ma mère.

Autoportrait de Sergio Castellitto.

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