Yolande Moreau

Marion Seandrei | 27 octobre 2004
Marion Seandrei | 27 octobre 2004

Quand Yolande Moreau rejoint la troupe de Jérôme Deschamps en 1989, elle ne pensait pas qu'elle deviendrait une figure incontournable des Deschiens et de leur France profonde. Avec le chef opérateur Gilles Porte, Yolande vient de réaliser un premier film de toute beauté, Quand la mère monte. En attendant avec impatience le suivant, nous l'avons rencontrée autour d'un verre d'eau et non de gibolin.

La réalisation, c'est une envie de toujours ?
J'avais eu des petites idées, des envies de court métrage, mais c'est vraiment la rencontre avec Gilles Porte, un copain de mon mari, qui a été déterminante. On a eu envie de faire un parallèle entre un spectacle que j'ai écrit et joué dans les années quatre-vingt et une fiction. De son coté, au début, le parallèle allait plutôt vers le polar, le spectacle est construit comme un polar. Mais je ne m'y retrouvais pas tellement avec mon histoire personnelle. Voilà comment on s'est mis à travailler ensemble et à écrire pendant cinq ans.

Comment avez-vous abordé la réalisation à deux ?
Nous avons gagné en richesse, car nous sommes très complémentaires. Je n'aurais jamais pu faire ce film toute seule. C'était un travail de longue haleine et ça permettait de se renvoyer la balle. On a pu comme ça préciser beaucoup de choses, chacun faisait ce qu'il fait le mieux. Gilles connaît la technique, moi, pas du tout, j'ai apporté mon imaginaire, ma facilité d'écriture. Le film est fait de plein de petites pièces, j'aime dire qu'on a fait un vrai boulot d'artisanat.

Est-ce que votre notoriété vous a facilité la tâche au niveau de la production?
J'en sais trop rien, c'est difficile de trouver de l'argent aujourd'hui quand on ne veut pas faire une bonne grosse comédie commerciale. On n'a pas eu le soutien des chaînes de télévision, même si aujourd'hui Arte achète le film. Avec mon nom ou sans, on n' a pas eu le choix. La lecture d'un scénario n'est pas une tâche aisée. Même si nous avons fait des choix artistiques honnêtes et qu'on aime le film, l'année dernière je ne savais pas du tout ce que ça donnerait.

Le thème du rêve est au centre du film…
Dans ce film-là, nous avons accordé beaucoup d'importance au rêve, à la fiction qu'on met dans sa propre vie.

Quand la mer monte présente des points communs avec d'autres films, notamment Lost in translation…
Oui, dans Lost in translation il y a une histoire de moquette qui revient, alors que chez nous, c'est une histoire de carrelage, le personnage est un peu plus âgé, il est comédien, comme moi dans le film. Il y a des similitudes, encore que le film est traité complètement différemment. De toute façon, personne n'a inventé le monde. J'aime bien l'idée qu'on fait des choses qu'on a vécues, aimées, écoutées. Il y aussi Karnaval, une histoire d'amour qui passe comme ça, et encore Tandem, de Leconte, pour la solitude de l'acteur. Il y a des gens qui parlent de La Strada, de Fellini. On a forcément des références, c'est pas grave.

Qu'aimez vous le plus dans votre film, et qu'est-ce qu'éventuellement vous changeriez ?
Une fois que le film est fini… Peut-être la scène de la fin, j'aurais voulu trouver un lieu où les buildings enserrent complètement le géant, le rêve qu'on porte sur ses épaules. Là, on a la gare de Lille qui incarne la modernité, comme si le rêve des humains était plus petit que la société, étouffé par elle. Les scènes oniriques me plaisent énormément.

Vous jouez une séductrice, une amoureuse, c'est plutôt rare dans votre carrière…
C'est assez agréable, surtout à mon âge ! Ce ne sont pas des rôles qu'on me propose facilement, encore que Dominique Cabrera m'a donné un rôle du même genre dans Folle embellie. Ici, c'est l'histoire d'une femme qui tombe amoureuse comme une jeune fille. C'est un petit rappel, une petite incursion de quelque chose qu'elle sait qu'elle ne va plus trop connaître. D'ailleurs, au montage, j'avais peur que l'histoire ne soit pas crédible physiquement. Et en fait elle est très crédible, parce que Wim Willaert est très généreux, mais imaginez qu'on n'ai pas cru à cette histoire !

Vous auriez pu tourner ailleurs que dans le Nord ?
Il n'y a guère eu d'hésitations. C'était une évidence d'aller tourner là-bas, j'avais besoin de me sentir chez moi, d'avoir une familiarité avec un univers. Guédiguian a cette particularité-là, d'aller tourner chez lui. On fait des films pour être proche des gens. On avait envie de montrer un éventail de lieux que j'avais découverts pendant ma tournée, et d'autres découverts lors du repérage. Il y avait une volonté de trouver des décors naturels bourrés de symboles.

Et la suite ?
Pour le moment, c'est la dernière ligne droite, on accompagne le film jusqu'au bout. J'ai envie de me vider la tête avant de la remplir à nouveau. Je ne sais pas du tout ce que je vais faire après. Je fais une apparition dans le prochain film d'Albert Dupontel.

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