Balle perdue 2 : action à la française, Netflix... rencontre avec le réalisateur Guillaume Pierret

Antoine Desrues | 16 novembre 2022 - MAJ : 16/11/2022 14:34
Antoine Desrues | 16 novembre 2022 - MAJ : 16/11/2022 14:34

À l’occasion de la sortie de Balle perdue 2 sur Netflix, on s’est entretenu avec son réalisateur Guillaume Pierret pour causer action.

Succès surprise de 2020, le premier Balle perdue a réussi un sacré dérapage contrôlé sur Netflix, d’autant qu’il s’agissait d’un premier long-métrage. La proposition, portée par Alban Lenoir, a rappelé que la France pouvait offrir un cinéma d’action excitant et exigeant dans sa fabrication, à grands coups de bagarres et de courses-poursuites démentes.

Si notre critique de Balle perdue 2 est enthousiaste, c’est parce que le jeune cinéaste ne s’est pas reposé sur ses lauriers, malgré un budget plus confortable. Sa suite va encore plus loin, et puise plus que jamais dans l’héritage du cinéma d’Europacorp, tout en l’anoblissant. À l’occasion, on a eu la chance de s’entretenir avec Guillaume Pierret, afin de parler plus en profondeur des défis d’un tel projet, mais aussi de sa carrière et de la place du cinéma d’action en France.

 

 

Tu as un parcours assez particulier. Pas d’école de cinéma, mais une passion qui t’a amenée bien vite vers les courts-métrages d’action. Comment c’est arrivé ?

Guillaume Pierret : Vite, je ne sais pas. J’ai l’impression que je m’y suis mis tard, j’avais la vingtaine passée. J’ai toujours voulu être réalisateur, mais je ne m’en étais pas donné les moyens, jusqu’au jour où on m’a prêté un caméscope. Rémi Leautier [son ami d’enfance, aujourd’hui son producteur, ndlr] faisait du kung-fu, et je me suis dit que j’allais le filmer pour faire des films de baston. Petit à petit, il a cessé d’être devant la caméra pour devenir producteur, ce qu’il était déjà sans le savoir. On ne savait pas du tout comment le cinéma fonctionnait, mais on a enchaîné les courts-métrages d’action avec la stratégie de toujours viser plus gros et impossible par rapport à nos moyens.

En 2011, tu passes un cap avec Matriarche, qui se montre très ambitieux. Un braquage qui tourne mal, des balles qui fusent et de la tôle froissée. Il y a déjà beaucoup d’éléments de Balle perdue.

G.P. : Matriarche, c’est particulier. Il y a toute une partie “action” qu’on a auto-produite dans une ville qu’on connaît bien : Sète, dans l’Hérault. On y avait déjà tourné et on commençait à se débrouiller, notamment pour récupérer des véhicules pas chers. Après, ça pose des contraintes : ce sont des voitures qui ne roulent pas, qu’il faut pousser. Il faut tricher en permanence, et on a gardé cette dimension artisanale jusqu’à Balle perdue.

 

Balle perdue 2 : photo, Guillaume Pierret"Comment je vais faire péter plus de bagnoles dans le 3 ?"

 

Pourtant, malgré ce succès, Balle perdue n’arrive qu’une petite décennie plus tard. C’était dur ce passage au long-métrage ?

G.P. : Quand tu fais un court-métrage comme Matriarche, qui est repéré par l’industrie, on te demande toujours si tu as le long-métrage qui va avec. Ce n’était pas mon cas, et là, tu rentres dans l’enfer de l’écriture, des réécritures, et tu essaies de développer plusieurs scénarios pour divers producteurs. Beaucoup s’avortent, et c’est ça la vraie galère : entrer dans ce milieu, mais ne pas réussir à développer le projet de tes rêves. Et un jour, j’ai dit stop, je veux faire celui-ci et c’était Balle perdue. Je me disais qu’au pire du pire, si personne ne le finançait, on pourrait l’auto-produire. Mais le scénario a plu, et c’est là qu’il a fallu 3-4 ans pour monter le projet et rencontrer les bons interlocuteurs.

Et le bon interlocuteur, c’était Netflix.

G.P. : Netflix a été le meilleur interlocuteur, mais il y en a eu d’autres qui avaient envie de faire ce film. Les producteurs ont souvent cette démarche militante. Ils ont envie d’y aller malgré les risques. Mais quand se pose la question du financement, là ça peut bloquer, et on se retrouve face à des gens frileux, qui ne savent pas comment se fabrique ce type de cinéma. Je les comprends, parce que ça peut être risqué de faire confiance à des mecs qui viennent du court-métrage. Avec Netflix, le rendez-vous a été déterminant. Quand on a rencontré Sara May [directrice des acquisitions françaises pour Netflix, ndlr], ça n’a été que des questions de fabrication pendant deux heures : "avec ce devis, comment vous allez faire ci ou ça, etc."

 

Balle perdue 2 : photo, Alban LenoirAlban Lenoir ne manque jamais l'entraînement

 

On sent dans ton cinéma une envie de rappeler qu’on a fait par le passé ce type de cinéma d’action en France, notamment du côté de Luc Besson. Pour toi, Balle perdue est une anomalie dans le système actuel ou la preuve qu’on peut refaire ce genre de films ?

G.P. : Pour moi, c’est la preuve qu’on peut faire ce type de cinéma là en France, et avec des budgets qui ne sont pas si délirants. C’est une économie très maîtrisée, et on a les meilleurs techniciens du monde pour ça. Donc ils partent à Hollywood plutôt que de travailler en France. Le plus important, c'est de savoir parler le même langage qu’eux, pour comprendre leurs besoins. C’était mon cas, celui du producteur et du casting, parce qu’on aime ce cinéma-là.

Avec Rémi, on est des enfants des productions Europacorp et des films de Besson en général. On avait l’âge idéal pour découvrir Le Transporteur, Le Baiser mortel du dragon ou Danny the Dog. À voir ces mecs se mettre sur la tronche en région PACA, on se disait qu’on pouvait le faire aussi. Ça a été un vrai déclencheur.

Le premier Balle perdue a été un grand succès lors de sa sortie. C’est Netflix qui a tout de suite commandé une suite, ou tu l’envisageais dès l’écriture du 1 ?

G.P. : Dès le départ, j’avais laissé la porte ouverte pour une suite. Et dès la tombée des premiers chiffres, Netflix était convaincu qu’il fallait une suite, sur laquelle on a planché sans attendre. On sortait du Covid, c’était une période intense. Mais ça a été un véritable plaisir à écrire, plus encore que le 1. J’avais plus d’automatismes et d’expérience pour éviter de tomber dans certains pièges.

 

Balle perdue 2 : photo, Stéfi Celma"C'est sûr, elle va marcher beaucoup moins bien maintenant"

 

Il y a des passages vraiment spectaculaires dans Balle perdue 2, notamment lors de cette poursuite dans des souterrains, façon Terminator 2. Pour une séquence comme ça, comment tu construis l’action ? Qu’est-ce que tu écris dans le scénario ?

G.P. : Ce qu’il y a sur la page, c’est vraiment pour l’équipe, et ça se réduit à la sensation que doit provoquer la scène d’action. Je ne rentre pas dans les détails, que je réserve aux opérateurs et aux cascadeurs. La scène dont tu parles, dans les égouts, ça devait être le dernier chapitre d’une séquence de poursuite se déroulant intégralement en ville. Ça devait se terminer par un duel de flics en voiture entre Lino et Julia, et par une grosse cascade.

Le découpage était fait, mais on était en repérages pour chercher l’endroit idéal et adapter la séquence en fonction. On ne trouvait pas, mais j’avais la chance d’avoir avec moi mon directeur des cascades, David Julienne, qui s’est souvenu avoir tourné dans des égouts à Montpellier. Une fois devant, c’était une évidence, et on n’a pas eu besoin de trop adapter les cascades et la chorégraphie. C’est plus sur le plan technique qu’il faut s’adapter au décor.

 

Balle perdue 2 : photo, Alban LenoirSarah Connor ?

 

Il y a aussi plus de civils, de gens dans les rues que Lino doit esquiver, jusqu’à faire crasher un bus. Pourquoi ce genre de danger est important pour toi à mettre en images ?

G.P. : Le bus, à la base, c’était la scène de fin du film. On avait prévu 13 jours de tournage avec un bus accordéon qui se serait replié sur lui-même, un peu comme dans Shang-Chi de Marvel. Je n’avais pas vu le film avant et c’est une idée qui me trottait dans la tête depuis des années. C’était la scène la plus chère, et sur le plan du budget, c’était compliqué, d’autant qu’il se passe tellement de choses avant qu’on ait l'impression de voir un deuxième climax se greffer au premier. Cela dit, on avait déjà acheté le bus, et on avait fait toutes les études, donc je l’ai calé dans la scène à Agde pour qu’il se crashe dans la poursuite.

Sur la question des civils, des “éviteurs” comme on dit, c’est-à-dire des gens entraînés par les cascadeurs pour éviter les voitures au dernier moment, c’est très important pour moi parce qu’il y a de plus en plus de courses-poursuites au cinéma qui se passent soit de nuit, soit dans des rues très vides. Moi, j’ai besoin que le cadre grouille, qu’il y ait de la vie dedans.

 

Balle perdue 2 : photo, Jérôme NielDe l'expression "faire barrage"

 

Avec Balle perdue, ta manière de filmer est aussi transformée par les nouveaux outils à ta disposition, comme la Go Mobile. Tu peux expliquer ce que c’est ?

G.P. : La Go Mobile, c’est une voiture-plateau améliorée. Quand on a besoin de filmer les acteurs au volant, on pose le véhicule de jeu sur une remorque tirée par une camionnette conduite par un pilote. Là où l’équipe de David Julienne est allée encore plus loin, c’est que la voiture n’est pas posée sur un plateau, mais directement sur la route. Le moteur est coupé et le tout est clipsé à la cabine d’une camionnette très puissante, en sachant que le volant est raccordé à celui de la camionnette. C’est fantastique, parce que ça donne des plans très nerveux, et ça permet de filmer des crashs qui se passent vraiment autour des comédiens, tout en les mettant en sécurité.

Il y a un équilibre dans tes films entre la lisibilité de tes scènes d’action et une certaine frénésie qu’on retrouverait entre autres chez Michael Bay. Comment tu conçois ton propre style ?

G.P. : Je pense que la clé, c’est le montage. J'y pense toujours avant même de tourner une poursuite ou une cascade. C’est ce qui définit pour moi une bonne scène d’action. Y réfléchir en amont me permet de savoir quand je veux que ce soit lisible, ou à l’inverse plus abstrait. Je suis très influencé par la course-poursuite de La Mort dans la peau à Moscou. Ça a été un vrai choc pour moi, comme si on était plongé avec un caméscope au milieu de ces épaves, alors que le monteur va au plus “cut” pour rendre le tout impressionnant. Je pense que ma manière de monter repose sur un mix de mes inspirations. Je suis un gros fan de Michael Bay, c’est le patron. Mais d’un point de vue moins frénétique, j’adore aussi la poursuite de Jack Reacher.

 

Balle perdue 2 : photo, Alban Lenoir, Sébastien LalanneAssassin de la police

 

Si Balle perdue 2 est un carton, un troisième volet devrait conclure la trilogie. Tu as d’autres projets en route ?

G.P. : Je résonne pas mal en termes de genres. J’ai envie d’explorer d’autres choses, comme la science-fiction, parce qu’on en manque encore en France.

Au fil des ans, on s’est habitué à voir des mouvements naître en France autour du cinéma de genre, avant de les voir s’écrouler tout aussi vite (la French Frayeur par exemple). Pour toi, Balle perdue peut-il être un nouveau chef de file du cinéma d’action français, ou risque-t-on d’avoir encore des tentatives pour suivre ton sillage qui vont tomber à l’eau ?

G.P. : Je ne sais pas si on va avoir encore des tentatives qui tombent à l’eau, mais oui, ça crée une envie. Ça rassure les producteurs et les distributeurs, et ça leur prouve qu’on peut continuer dans cette voie. Avec Rémi, on reçoit beaucoup plus de projets d’action qu’avant. Pareil pour Alban Lenoir. J’espère sincèrement un renouveau de ce type d’action décomplexée.

Balle perdue 2 est disponible sur Netflix depuis le 10 novembre 2022

Tout savoir sur Balle perdue 2

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Yamcha
17/11/2022 à 15:08

Un peu la sensation de voir un film de transition avec le deuxième opus. Sa plus grande faiblesse pour moi : pas vraiment d'antagoniste marquant.

Mais j'ai hâte de voir les prochains films de Guillaume Pierret !

galetas
16/11/2022 à 20:01

Aie! Avoir comme référence les productions EUROPACORP est totalement rédhibitoire.

MadMcLane
16/11/2022 à 19:14

Je l'ai maté suite à la critique lu sur le site. Le film se défend bien techniquement, par contre comme souvent dans ce genre de film le scénario n'est pas très recherché. Après évidemment c'est pas pour ça qu'on le regarde. Pour le reste, ce type de film peut être fait sans y mettre des milliards. Quand on voit ce que peut coûter certaines comédies bien naze, je me dis que y a moyen d'investir dans des projets d'actions potables....

R21 turbo voiture mythique
16/11/2022 à 18:59

Un français qui fait des films sans être passé par la fantastique extraordinaire femis, c'est inadmissible. Je contacte tout de suite Assan cncf ! tout est réellement possible.

Flash
16/11/2022 à 17:23

Tant mieux si le public suit, on a bien besoin de ce type de réalisateur.

PurPPle
16/11/2022 à 16:19

La class.