Alien Covenant : comment le Xénomorphe est devenu le plus grand monstre de l'histoire du cinéma
Entouré d’un véritable culte et source d’innombrables fantasmes cinéphiles, le Xénomorphe emblématique de la saga Alien est le plus grand monstre de l’histoire du cinéma. Oui, mais pourquoi ?
UN BEAU BEBE
Si on a aujourd’hui bien du mal à imaginer la franchise Alien hantée par un autre super-prédateur que son implacable Alien, il a pourtant failli avoir une toute autre dégaine que celle sortie de l’esprit du génial plasticien Suisse H.R. Giger. En effet, durant les premiers mois de pré-production, Dan O’Bannon, Walter Hill et Ridley Scott hésitent.
Ils envisageront même d’employer un orang-outan intégralement rasé et grimé pour interpréter la bête (sic), afin de faire de lui une curieuse monstruosité, qui n’est pas sans évoquer une version radio bière foot de Cthulhu, ou un écho visionnaire de La Mouche de David Cronenberg.
Un look beaucoup plus massif, lourd.
Des premiers essais pas franchement convaincants...
Un petit air de famille avec La Mouche de Cronenberg ?
Après quoi Ridley Scott, conscient qu’allier menace et sexualité est peut-être la clef de son Huitième Passager, tentera d’aboutir à une entité féminine. Mais les résultats le déçoivent et évoquent plutôt une forme de vie hermaphrodite, intrigante mais pas assez menaçante.
Pendant ce temps, on a confié à HR Giger la tâche de proposer des designs de décors pour le Nostromo, le vaisseau où nos héros se débattront contre le Xénomorphe. Propositions, échanges et correspondance s'ensuivront, le cinéaste appréciant l'univers radical et novateur du Suisse. C’est finalement le bâtiment où les attendent les œufs et la dépouille du Space Jockey que l’artiste sortira de son esprit fécond. C’est alors que des dessins vont attirer l’œil de tonton Ridley.
Dans un recueil intitulé Necronomicon, Giger représente à maintes reprises une créature tour à tour gracile ou menaçante, dotée d'une longue queue, de protubérances tubulaire, d'un crâne oblongue, parfois d'un immense phallus. C'est en gestation, le futur Alien, tantôt féminin, tantôt mécanique, dont la dimension de prédateur sexuel est déjà établie.
Si la bête n'a pas encore sa forme définitive, il s'impose déjà comme une entité hybride, dont la charge phallique est alors évidente.
De premiers concepts qui mêlent déjà menace, symboles phalliques et sexualité en général
Dès ses premières apparitions, le xénomorphe jouait sur la confusion des genres.
Illustrations issues du Necronomicon de HR Giger
Ses créations éminemment phalliques, émaillées de monstres androgynes, bio-mécaniques et sexués vont s’imposer comme la base de l’Alien que nous connaissons. Fait amusant, les responsables des effets du studio ne parviendront jamais à créer des modèles en trois dimensions des dessins de Giger. Le plasticien se rendra à Los Angeles, ou après s’être fait livrer des camionnettes d’ossements, il sculptera les premiers modèles du Xénomorphe.
Les puristes remarqueront que l’Alien « originel », qu’il dessina dans son Necronomicon (voir ci-dessus), a subi d’importants changements avant de débarquer dans Le Huitième Passager. Sorte d’ultime cadeaux aux fans, c’est bien ce look premier que Ridley Scott choisira d’utiliser dans Alien Covenant, bouclant ainsi définitivement la boucle avec un matériau d’une richesse inépuisable.
L'Alien de Covenant, le plus proche des croquis originaux de Giger.
Mais cette vilaine bestiole est loin d'être le seul cadeau fait par Giger à l'univers d'Alien. Le mystérieux vaisseau où git la dépouille momifiée de l'énigmatique Space Jockey est également une de ses inventions, tout comme l'apparence de cette dépouille qui fit cogiter les spectateurs curieux durant plus de deux décennies. On note là aussi une impressionnante cohérence dans les thèmes esthétique que charrient ces créations, ou toujours, le mélange entre chair, technologie et identité aboutit à de fascinants hybrides.
Le Space Jockey, des croquis originaux à sa fabrication en 1979 sur le plateau du Huitième Passager
WHO IS YOUR MUMMY ?
Si l’immense majorité des monstres de cinéma qui boulottent sont perçus et imaginés comme des formes de vies mâles (rappelez-vous La Créature du Lac Noir), Le Huitième Passager provoque une formidable rupture en 1979.
Car le Xénomorphe ne peut pas si facilement être rangé dans une catégorie genrée. Si sa violence, ainsi que sa force herculéenne évoquent éventuellement un monstre à la papa, son allure générale, sa silhouette, l’infinie délicatesse de ses mouvements, sa grâce, sa précision même, l’éloigne radicalement des modèles de référence.
Au coeur des travaux de Giger, une identité sexuelle mouvante et agressive
Et déjà, en gestation, l'idée de la fameuse double mâchoire de la créature
De même, son cycle de vie joue habilement des codes de la sexualité. Le Facehugger a ainsi beau évoquer un sexe féminin béant, il s’en échappe un tube qui inséminera John Hurt et dont la dimension phallique est également évidente. Après quoi le Chestburster lui disloquera la cage thoracique, dans une parodie grotesque et terrifiante d’accouchement. Si les cartes identitaires sont perpétuellement rebattues et si cette « naissance » n’est pas sans évoquer une sorte de viol inversé, il s’agit bien d’un accouchement, d’une peur panique de la maternité et de la menace engendrée par un descendant inclassable, soit une peur infiniment plus moderne que l’éternelle opposition gibier/proie qui a cours alors.
Joyeuses Pâques John Hurt !
Le funeste Face Hugger
Le Facehugger, premier stade d'une évolution/fécondation encombrante.
Le Chestbuster, ou un accouchement cauchemardesque.
HUMAIN TROP HUMAIN
Autre source de la peur phénoménale qu’inspire le Xénomorphe, c’est le fantôme de l’humanité que la créature vole à son hôte et qui flotte encore à travers lui. En témoigne le crâne tout à fait humain qu’arbore l’Alien de Ridley Scott, vestige nauséeux de l’anatomie empruntée à John Hurt.
Il s’agit là d’un détail de son anatomie, mais il compte parmi les plus glauques. En effet, l’Alien devient alors plus qu’une machine à tuer, plus qu’un animal exotique affamé, il se mue en un simulacre d’humanité, qui souligne à la fois ses origines et sa nature biomécanique.
Sous son apprence monstrueuse, une structure osseuse bien humaine...
Il est « parfait », ainsi que le souligne l’androïde Ash, pétri d’admiration pour ce chasseur qui confine au sublime. Et le reliquat d’humanité qu’il promène avec lui surligne la raison pour laquelle si souvent, nous échouons à le repérer dans le décor, incapable de différencier les réseaux et conduits, de ses membres et tentacules.
Car cette enveloppe humanoïde est recouverte d’un linceul métallique, elle se marie à des excroissances nervurées qui évoquent autant de câbles ou tuyaux d’alimentations. La perfection machinique réside jusque dans son acide hémoglobine, ultime système de défense, capable de dissoudre quiconque aura l’impudence de l’attaquer, voire l’inconscience d’en triompher.
HR Giger, fabriquant les premiers modèles d'un monstre emprunt d'humanité...
SUPER JAWS
La terreur provoquée par le Xénomorphe, c’est aussi une poignée de concepts géniaux. Quand les bébêtes du 7ème Art sont traditionnellement (et jusqu’au King Kong de Peter Jackson) définies et caractérisées par le biais de leur regard, l’Alien ne daigne même pas nous offrir de pupilles dans lesquelles nous refléter.
Source de fascination hypnotique, le faciès du Xénomorphe ne nous offre pas de prise véritable, aucune piste à interpréter, sinon la froideur mécanique d’une architecture dédiée à la mort. Et c’est ainsi tout naturellement que nous tournons notre attention vers une autre curiosité anatomique : la mâchoire interne de l’Alien, véritable arme létale capable de découper, éventrer, broyer, dont nous guettons toujours l’apparition, inéluctable.
Sous les dents la rage
On ne trouve aucune autre bébête capable de concurrencer ce dispositif, de nature à fournir une image aussi tétanisante que cette bouche d'acier se dévérouillant inexorablement pour libérer cet appendice invincible.
Et comme toute légende qui se respecte, le Xénomorphe aura fait des petits. Involontairement tout d’abord, puisque certains de ses traits peuvent se retrouver par exemple dans le Predator de John McTiernan. Sur le papier, les deux méchants sont certes très différents, mais comme l’indiquent la sinistre licence Alien vs Predator, leur compatibilité est plus qu’évidente.
De même, le papa d’Alien, HR Giger, aura également présidé la création de La Mutante, dont la parenté avec l’Alien est très claire, et fait écho de manière transparente à l’ensemble des travaux de l’artiste. D’ailleurs, on peut voir dans une tripotée de séries B (voire Z) une influence directe du monstre de Ridley Scott, notamment dans les « mémorables Hardware, ou encore Virus.
Aveugle mais quasiment omnisciente, abominable et magnifique, impitoyable mais séduisante, l’invention mortelle de H.R. Giger est une somme de paradoxe qui plutôt que d’imposer à ses victimes une force exogène, les confronte au fantasme d’un double supérieur, aussi désirable qu’effrayant.
Quand nous rencontrons le Xénomorphe, nous ne sommes pas ce chasseur post-moderne redécouvrant l’excitation de la prédation, mais bien Neandertal comprenant qu’un cousin hominidé plus développer va le supplanter d’un clignement de silex.
Tel père, tel xénomorphe
08/05/2017 à 18:45
Joli article mais je ne comprends pas pourquoi personne ne parle des livres dont les films sont tirés ;)
08/05/2017 à 00:10
Merci à EL pour ce bel article. tres intéressant !
06/05/2017 à 23:09
Merci pour ce dossier.
Serait-il possible de savoir d'où proviennent les photos issuent des plateaux de tournage et ainsi que celles où l'on voit le regretté H.R. GIGER au travail ?
05/05/2017 à 15:53
Félicitation très beau dossier bientot le verdict le 10 mai !!!!!!
Meme si je préfère l'éternel chasseur de trophée the prédator l'alien restera une des plus belle créature du cinéma horror sf fantastique
05/05/2017 à 15:10
Très intéressant, coquille sur comptabilité /compatibilité :)
05/05/2017 à 13:45
Merci pour ce très bel article EL.
05/05/2017 à 13:08
Beau dossier,belles photos.
Je préfère le predator quand même!