César 2017 : Ecran Large remet ses prix, et c'est censé être plus drôle

Geoffrey Crété | 25 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 25 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Si vous n'avez pas vu la 42ème cérémonie des César et que vous n'avez rien à faire, bienvenue au club.

Elle de Paul Verhoeven, Juste la fin du monde de Xavier Dolan, Divines de Houda Benyamina, Chocolat de Roschdy Zem : entre le prévisible, l'ennui et l'embarras, les César 2017 ont encore une fois séduit et ecoeuré.

Après la news officielle et propre sur le palmarès, le temps de la stupidité est venu. 

 

photo, J. LaRoseVendredi soir : les César

 

Le prix qui était amusant alors que tout le monde l'attendait 

Isabelle Huppert, meilleure actrice pour Elle. N'ayant quasi aucune chance face au bulldozer La La Land, la Française a certainement atteint le sommet de sa campagne pour les prix et honneurs avec ce deuxième César (parmi 16 nominations tout de même). C'était mérité, attendu, mais également drôle : un peu gauche, un peu humoristique, un peu narcissique, un peu faussement improvisé, le discours était à son image. Isabelle, 63 ans, a la classe, mais la classe maladroite et perchée.

 

Photo Isabelle Huppert

 

Le prix qui devait arriver mais qui arrive mal quand même 

Xavier Dolan, meilleur réalisateur pour Juste la fin du monde. Certes, Ecran Large n'est pas fan du cinéaste, et du coup les fans du cinéaste ne sont pas fans d'Ecran Large. Mais Ecran Large ne pourra nier que Dolan a un style bien à lui, qui exaspère autant qu'il enchante. Ce style a nettement plus brillé dans ses précédents films, que ce soit dans la romance superflue mais charmante des Amours imaginaires, le mélodrame boursouflé Laurence Anyways ou le thriller sensuel Tom à la ferme. Reconnaître le réalisateur Dolan pour l'un de ces films aurait eu plus de sens, et autrement plus noble que ce couronnement évident vu la popularité folle du monsieur.

 

Photo Xavier Dolan, Juste la fin du monde

 

Le prix tellement important que presque la moitié des nommés n'était même pas là

Gaspard Ulliel, meilleur acteur pour Juste la fin du monde. Mince, il n'était pas là. Omar Sy non plus. Et Fabrice Luchini aussi. A la place de la belle gueule la plus discrète du mélodrame, il y a donc eu Xavier Dolan, qui a essayé d'abuser des lèvres de Valérie Lemercier avant de commencer par un "Encore moi, désolé". Vu la teneur du discours sous forme de fayotage intensif et les spasmes de jubilation du cinéaste, contraint à lire son éloge, c'était la moindre des choses.

 

Photo Juste la fin du monde, Gaspard Ulliel

 

Le prix émouvant parce que tu réalises d'un coup que ce film, c'était censé être la star du cinéma français, mais que c'est pas le cas du tout 

Meilleur son pour L'Odyssée. Seule et unique nomination pour le film ambitieux de Jérôme Salle, qui a été boudé par le public et ignoré par les César. Sur le papier, c'était pourtant l'équation du bonheur et du succès. L'équipe devait rêver d'un sacre public et critique, et d'une belle carrière internationale. Raté. Et même pas moyen de penser que c'est du snobisme pur et dur, puisque le film était bien là, dans la catégorie son. Donc les gens l'ont vu, oui.

 

Photo

 

Le prix qu'on avait oublié qu'il existait le film

James Thierrée pour Chocolat. Mais si, vous savez : le film sérieux et "c'est une histoire vraie c'est incroyable, et vous avez pas encore lu la fiche Wikipedia" avec Omar Sy en clown. C'est sorti il y a plus d'un an en même temps. Ah, James Thierrée c'est le petit-fils de Charlie Chaplin...

 

photo Omar Sy

 

Les prix politiquement corrects emmerdants mais oui un peu touchants ok ok

Trois César pour Divines. La Caméra d'or du dernier festival de Cannes était le principal concurrent du Elle de Verhoeven pour cette soirée des Cesar. Normal : il coche plusieurs cases très précieuses et appréciées de la cérémonie (personnages féminins forts, contexte social réaliste, un peu de drogue mais beaucoup d'espoir, et une production humble qui prouve que la France c'est pas si pourri, et qu'au fond même toi tu pourrais finir à côté de Deneuve dans la salle l'année prochaine).

Avec les prix du meilleur premier film, meilleur espoir féminin (Oulaya Amamra) et meilleure actrice dans un second rôle, Divines brille donc encore. Le discours émouvant et  rafraîchissant de la jeune actrice Déborah Lukumuena, honorée du prix (mérité) de la meilleure actrice dans un second rôle, a heureusement sauvé tout ça.

 

Photo

 

Les deux répliques pas trop mauvaises de la cérémonie

"Si 'bamboula' c'est convenable, 'enculé de raciste' c'est un beau compliment" : François Cluzet à la remise du prix de la meilleure adaptation.

"On a la même voix mais pas le même corps" : Joey Starr à Anna Mouglalis lors de la remise de la meilleure actrice dans un second rôle.
 

Le prix du film qui n'a rien gagné, et même l'actrice s'en doutait

Mal de pierres de Nicole Garcia, reparti bredouille malgré huit nominations. Marion Cotillard avait piscine ce soir-là.
 
 

Photo Marion Cotillard

 

Le prix de la star qui est à Hollywood depuis tellement longtemps qu'elle se croit vraiment dans un film

L'Américain George Clooney recevait un Cesar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière. Un prix remis des mains de son ami Jean Dujardin, qui lui a pardonné de l'avoir casté dans son navet nommé Monuments Men. Sur scène, les deux comédiens se sont d'abord amusés dans une classe extravagante avant de tourner au profond pamphlet politique. La star hollywoodienne a dénoncé la crainte qu'a su exploiter Donald Trump pour se faire élire, et a partagé son espoir de voir l'arrivée rapide de temps meilleurs où « nous ne serions plus guidés par la peur ». Qu'il se lance dans une carrière politique est une devenue une plaisanterie récurrente, mais pour le Batman de Joel Schumacher qui a fini avec deux Oscars, tout est possible - dans sa tête.

 

photo, George Clooney

 

Le sketch qui était marrant sur le papier. Voilà.

Cette année le concept c'était le catalogue des superlatifs et adjectifs, parce que c'est rigolo d'accueillir chaque acteur sur scène avec des phrases ridicules à sa gloire. L'idée était marrante, non ? Will Ferrell en aurait fait un truc sympa.

 

Le film trop bizarre qui était là pour faire bien, mais qui aurait dû servir de modèle à la cérémonie

Ma loute, neuf nominations et zéro statuettes. Dans un monde parallèle, Juliette Binoche et Fabrice Luchini ont présenté la cérémonie, avec la même diction que dans le film. Ils auraient régulièrement pris soin de se foutre des baffes et se taper avec des marteaux en mousse, comme dans un Tex Avery sous kétamine. Quand les discours étaient chiants, ils seraient venus hurler sur les artistes. A la fin de la soirée, ils auraient eu un maquillage affreux avec des visages violets et des dents en moins, et auraient jeté des César dans la salle.

 

Photo Fabrice Luchini

 

Le prix du buzz débile et méchant mais bon, bien fait

Meilleure tendance Twitter, Lily-Rose Depp. Il a suffit qu'elle perde quelques instants son sourire de fleur fraîche et encore pure (malgré une campagne pour vendre du parfum de luxe) pour qu'elle soit moquée et ridiculisée par des spectateurs tordus. Un screenshot diabolique sur lequel ont été collées des réflexions basses et mesquines ("Quand j'ai toujours été pistonnée mais que j'ai pas eu le César", "Lily-Rose Depp-itée"). Pauvre petite chose. Elle ira se se ressourcer sur l'île privée de Papa. Et éventuellement prendre le temps de lire de meilleurs scénarios que La Danseuse et Planetarium.

 

Photo César 2017

 

Le prix politique "ça fait chier" qui était bien quand même

Meilleur documentaire pour Merci patron !. C'est amplement mérité, et François Ruffin a profité de ce moment de gloire ironique pour rappeler à tous ces gens acteurs qu'ils feraient mieux de s'offusquer pour autre chose que le bashing de François Hollande, et à la ministre de la culture Audrey Azoulay que c'est bien joli d'être assise à côté de Clooney, mais que bon, c'est la merde.

 

Photo François Ruffin

 

Le prix politique "qu'est-ce que ça peut te foutre"

Meilleur film étranger pour Moi, Daniel Blake de Ken Loach. Monsieur n'était pas là mais a fait passer un message : Français, votez à gauche, pas à droite. On fait ce qu'on veut ! Brexit !

 

cannes 2016

 

Le prix du gars qui va finir par devenir super cool tellement les César (et Cannes) ne l'aiment pas 

Rien pour François Ozon, avec le fade Frantz. Encore. Il a beau appartenir pour beaucoup à la catégorie des réalisateurs clichés du ciné d'auteur à la française, il est passé à côté d'un César une douzaine de fois, dont quatre comme meilleur réalisateur. La hype Ozon étant en voie de disparition, il y a de quoi être triste pour lui. Sans compter que Cannes ne l'aime pas spécialement non plus, lui refusant l'accès au cercle très privé des réalisateurs-constamment-sélectionnés-même-pour-des-films-ratés.

 

Photo Pierre Niney

 

L'hommage tellement attendu que tu baîlles dès que ça commence, et que t'es même pas énervé tellement c'est sans intérêt

Jérôme "Goslain" et Martha "Stone" (t'as compris ?) qui refont un morceau de La La Land. Ça a duré une minute, et personne n'en reparlera plus jamais. Nous, on aurait préféré un hommage au film de Verhoeven, avec Jérôme qui saute sur Martha, sur scène. Mais bon.

 

Photo Emma Stone, Ryan Gosling

 

Le prix-hommage-léchage-ça-sent-le-sapin

Selon ses propres mots, on lui reprochait d'avoir une « sale gueule » lorsqu'il a commencé sa carrière. Un comble quand huit ans après sa dernière apparition sur grand écran, c'est en « magnifique » que le public de la salle Pleyel a ovationné ce monstre sacré. « Jean-Paul Belmondo est le cinéma à lui tout seul » a expliqué Jean Dujardin, « la réconciliation des films d'auteur et de la culture populaire, celui qui donné le coup d'envoi de la nouvelle vague et joué le Guignolo suspendu à un hélicoptère en caleçon ». Chapeau l'artiste.

 

Photo Jean-Paul Belmondo

 

Le prix des absents qui rappellent que les César, c'est bizarre

Nocturama de Bertrand Bonello. La Loi de la jungle d'Antonin Peretjatko. Louise en hiver de Jean-François Laguionie. Le cinéma français a offert des choses folles et fascinantes, et on se demande comment chacun de ces films a pu être snobbé. Surtout pour laisser de la place à certains autres.

 

Photo

 

Le sketch que t'as l'impression d'avoir vu 15 fois et c'était plus drôle ailleurs

Franck Dubosc et son ironie mordante sur le statut des remettants des César.

Le prix de la personne que t'as l'impression de voir qu'aux César (ou quand tu remates un bon Almodovar)

Rossy de Palma.

Le prix du site qui se la joue rebelle mais qui a maté la cérémonie comme d'hab, bande de débiles va

Ecran Large.

 

 

 

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commentaires
Copeau
25/02/2017 à 22:03

ça m'arrache un peu les poils des fesses de le reconnaître mais pour une fois je suis d'accord avec l'autre hurluberlu de Dirty Harry...article très sympa à lire ;)

RJ MacReady
25/02/2017 à 13:55

J'ai toujours pas compris le césar de la meilleur réalisation pour Dolan, pour certainement son plus mauvais film. Puis l'absence de Nocturama me consterne au plus au point :'(

Dirty Harry
25/02/2017 à 13:38

Très drôle ! Bon article caustique ça m'a évité de perdre ma soirée d'hier en vous lisant ! (mince c'est vrai l'Odyssée ça avait l'air propre, complètement zappé ce film...)

Nico
25/02/2017 à 13:16

Marion Cotillard était absente pour cause de "maternité imminente " selon Nicole Garcia