S.O.S. Fantômes : le pire de Hollywood... et des fans ?
Et si S.O.S. Fantômes 2016 n'était ni un désastre, ni une révolution, mais un triste cas d'école ?
Alors que la machine à nostalgie est de retour dans S.O.S. Fantômes : l’Héritage, le souvenir de S.O.S. Fantômes version 2016 reste. Débats houleux, appels à la haine, déclarations dans tous les sens, colère des fans, puis sortie désastreuse de la superproduction, critiques négatives, échec au box-office... le chemin a été long, bruyant et douloureux, pour tout le monde.
Maintenant que la poussière est retombée, retour sur ce cas d'école hallucinant.
AU COMMENCEMENT
Août 2014. Après des années de rumeurs contradictoires sur une éventuelle suite avec ou sans Bill Murray, puis la mort de Harold Ramis en février, S.O.S. Fantômes est de retour. La presse américaine annonce que Sony courtise Paul Feig, propulsé par le succès de Mes meilleures amies et Les Flingueuses, pour réaliser un nouveau film. Avec un détail de taille : il souhaite réunir une équipe féminine.
En octobre, le "S.O.S. Fantômes avec des femmes" est officiellement annoncé par le studio, avec Katie Dippold (Les Flingueuses, Parks & Recreation) au scénario, aux côté de Paul Feig. Après des années de tentatives pour relancer une franchise que personne n'ose toucher, Amy Pascal est séduite par l'idée du réalisateur. Après avoir refusé ses multiples offres, lu les scénarios disponibles, il n'a accepté qu'à condition de faire ce qu'il aime et comprend : un film drôle, avec des actrices comiques.
Hasard ou destin : en décembre, alors que la tempête se lève sur le projet, Amy Pascal est impliquée dans la vaste affaires des mails piratés de Sony. Un scandale qui tourne notamment autour du sexisme (les différences de salaire), thème au coeur des débats autour du film. Elle sera remerciée/virée en mai 2015.
2014 : LA GUERRE EST DECLARÉE
De l'été 2014 à juillet 2016, la guerre. On défend le film, ou on veut l'abattre. La plupart des fans des films d'Ivan Reitman refuse catégoriquement que la machine hollywoodienne régurgite un film si aimé, uniquement pour le business. Réaction légitime, et pas propre à ce cas. Certains, probablement moins nombreux mais nettement plus violents, focalisent leur violence sur le casting féminin. Choisir des actrices serait une méthode méprisable pour amadouer les consciences et s'attirer les faveurs d'un public prisonnier de la bien-pensance moderne.
Bien avant d'être apprécié des studios, Paul Feig préférait filmer des actrices, et Hollywood a toujours su s'adapter à son époque, parfois pour de mauvaises raisons mais de beaux résultats. Trop tard : la discussion est polarisée, simplifiée. Sexisme vs politiquement correct. Réac vs modernité. Cinéphiles vs génération Marvel.
Caisse de résonance monstrueuse, Twitter devient un champ de bataille. L'affaire empire lorsque Paul Feig finit par craquer et répond avec violence à quelques haters. Les actrices et lui ont pourtant été personnellement insultés, notamment sur le physique jugé indigne de Melissa McCarthy et Leslie Jones, qui réveille sans surprise le racisme. Le débat se déplace encore dans la tempête, et les paroles sont déformées : quiconque ne voudrait pas voir le reboot serait sexiste.
Le choix du fantasme Chris Hemsworth, pour incarner la version moderne de la secrétaire Janine, nourrit un peu plus les discussions extrêmes sur la domination féminine. Ce féminisme ne serait pas de l'égalité : il s'agirait de réduire l'homme, et se plier à la femme. Victime hier, elle serait désormais intouchable, puisque quiconque oserait l'attaquer, même pour de bonnes raisons, serait taxé de sexiste. Le nouveau point Godwin.
2015 : S.O.S. SKYZO
Sans surprise, la promo de S.O.S. Fantômes 2016 reflète le chaos. En juillet 2015, après des clichés volés par les paparazzis sur le tournage, Sony dévoile la toute première photo officielle de Melissa McCarthy, Kristen Wiig, Kate McKinnon et Leslie Jones. Rien d'incroyable, mais suffisamment pour alimenter les débats enflammés et les paris sur la désastre programmé.
En août 2015, le public apprend que Bill Murray et Dan Aykroyd apparaîtront dans le reboot. Comme Sigourney Weaver, Annie Potts et Ernie Hudson, annoncés dans la foulée. Sauf qu'aucun des acteurs ne reprendra son rôle des films originaux. Leurs déclarations enthousiastes sur le projet et leur parade promo classique (hormis Rick Moranis, qui explique n'avoir vu aucun intérêt dans le cameo proposé) ne convainquent pas les fans, au contraire. Et brouille encore un peu plus les pistes, alors que le studio est incapable de clairement définir le film, entre remake, reboot et suite.
En décembre 2015 : une série d'affiches sobres, en noir et blanc, centrés sur les costumes cultes. En avril 2016 : de nouveaux posters pop, autour de quelques plaisanteries ordinaires, avec les visages grotesques des actrices. Comme pour crier, "Ceci est une comédie".
2016 : GHOSTHATERS
Le 3 mars 2016, l'offensive est lancée. La première bande-annonce du film est vue, décortiquée, désossée. Elle est trop classique pour séduire, mais suffisamment claire pour nourrir les détracteurs.
Les premières images entretiennent le doute sur la nature du projet en commençant par rappeler les événements du film de 1984. Melissa McCarthy explique avoir partagé ses doutes sur ce choix marketing, mais on lui a gentiment dit de se taire. Nouvelle preuve, s'il en fallait encore, que la promotion échappe quasi systématiquement aux artistes (et notamment aux réalisateurs) à ce niveau de superproduction.
Sos Fantômes - Teaser - VO par Ecranlarge
Quelques semaines plus tard, la bande-annonce de SOS Fantômes devient la plus détestée de toute l'histoire de Youtube. Bien plus qu'une vidéo de Justin Bieber, nettement plus appréciée par rapport aux nombreux de vues. Avant même que le film ne sorte, il récolte des notes catastrophiques sur IMDb. Un mouvement de rejet massif, qui n'a plus rien à voir avec le film lui-même, et visera plus tard Black Panther ou Captain Marvel d'ailleurs.
Retour de flamme prévisible pour les haters : leur promesse solennelle de détruire le film prend des proportions absurdes, avec des méthodes de plus en plus ridicules. Plus personne ne sait réellement où se placer, avec une saturation après des mois de bataille bruyante et abrutissante.
La guerre s'étire encore quatre mois, alors que Sony inonde le marché de matériel promo ordinaire.
2016 : RELEASE
Juillet 2016. Le film est montré à la presse anglo-saxonne. Il récolte des critiques relativement bonnes, très loin des extrêmes annoncés.
Le calme après tempête. Le film, qui a coûté près de 150 millions hors marketing, semble sortir dans un calme relatif. Mais la balanche penche vite vers l'échec pour Sony, avec un box-office inférieur aux attentes du studio. Au final, ce sera bel et bien un four, avec à peine 230 millions dans le monde (sans la Chine, qui n'aime pas les fantômes).
Paul Feig a plusieurs fois parlé de cet échec. En 2017, il disait : "Je crois que ce qui nous a entravé c'est que le film est devenu une sorte de cause pour les gens. Et qu'une partie de notre public n'était pas du tout dans ce délire là. Ils n'en avaient rien à faire de la cause, ils voulaient juste voir un film. C'est l'un des grands regrets de ma vie que le film n'ait pas plus marché que cela, parce que je l'aime beaucoup. Ce n'est pas un film parfait, aucun de mes films ne l'est, mais j'aime ce que nous y avons fait. Il n'avait pas d'autre prétention que de divertir les gens."
Le réalisateur citait aussi le climat chaotique des élections présidentielles avec Hilary Clinton et Donald Trump, où les débats entre les camps sont vite devenus infernaux.
L'équipe du film ouvre les vannes
En marge, Dan Aykroyd a profité de ce bide pour régler ses comptes : "Le réalisateur a dépensé trop d'argent et n'a pas tourné des scènes qu'on lui suggérait. Plusieurs scènes qui allaient être nécessaires, mais il répondait, 'Non, on en a pas besoin'. Et puis on a montré le film en projection-test et ils en avaient besoin, alors il a dû y retourner. Environ 30 ou 40 millions de reshoots. (...) J'étais vraiment content du film, mais il a coûté trop cher, et Sony n'aime pas perdre d'argent. Le film a rapporté beaucoup d'argent dans le monde, mais il a coûté trop cher, ce qui fait que c'est économiquement infaisable d'avoir une suite. Donc c'est dommage."
Plus tard, il ravalera sa rage, un peu : "Paul a fait un bon film avec un superbe casting et beaucoup d'argent. On aurait juste préféré qu'il inclue davantage les initiateurs de la saga."
Paul Feig, lui, y allait aussi : il n'a pas caché ses désaccords avec le studio, notamment sur la promo, et sur le montage final orienté familial. Il parlait aussi des raisons d'un tel budget : "Une grosse partie est allée dans les droits et les accords de producteurs pour un projet qui a 30 ans, et avait tous ces bagages avec lui".
Autant dire qu'au moment du bilan, la suite annoncée était vite enterrée.
Sony quand Paul Feig reparle de sa suite
ÉPILOGUE
Il aura fallu attendre que S.O.S. Fantômes 2016 sorte, que le film lui-même s'offre enfin au public, pour que les deux camps retrouvent (un peu) la raison. Que reste t-il après cette tornade absurde et violente, et cet échec finalement ordinaire au box-office ? Un film ni fantastique, ni atroce, ni formidable, ni abominable. Une superproduction tièdasse et mal fichue, dans l'air du temps. Rien de plus, rien de moins.
S.O.S. Fantômes laisse la nette impression d'un gros film malade et sans queue ni tête, comme si Paul Feig avait lutté face au studio pour imposer son style - là encore, la chose la plus banale qui soit à ce niveau hollywoodien. Avec un rythme décousu, un timing comique bizarroïde, un scénario généralement paresseux, et des pelletées d'effets visuels grossiers.
Mais il y a également de nombreux éléments réussis et détonants. A commencer par Kate McKinnon, parfaite dans le rôle de la scientifique déglinguée, et qui surnage au milieu d'héroïnes insipides. C'est la seule à réellement exister, dans son propre monde, sur son propre tempo. De là à imaginer que c'est l'alter-ego de Paul Feig (elle est l'anomalie dans l'équipe d'archétypes, il est le Freak and Geek propulsé dans le circuit mainstream), il n'y a qu'un petit pas.
Dans un rôle plus attendu, Chris Hemsworth se révèle lui aussi formidable. Ca et là, les dialogues sont percutants, drôles. Et la direction artistique assume ses couleurs et ses fantaisies (repris dans le film de 2021 d'ailleurs), quitte à frôler un mauvais goût déjà présent dans les films originaux, sous le doux voile de la nostalgie.
Ce S.O.S. Fantômes 2016 est aussi celui d'un fan service indigeste, principalement dans la longue scène construite autour de Bill Murray, les autres ayant des apparitions trop ridicules pour être encombrantes. Mais là encore, rien d'extraordinaire. Il n'y a qu'à comparer l'apparition de Sigourney Weaver dans ce film, et dans S.O.S. Fantômes : L'héritage - dans les deux cas, des scènes affreusement nulles et plates, Dana Barret ou pas.
Entre ça et L'Espion qui m'a larguée...
A tous les niveaux, ce S.O.S. Fantômes apparaît comme un énième exemple, et aucunement une exception. Le film se cherche entre suite, reboot et remake... comme Jurassic World, Star Wars : Le Réveil de la Force, ou encore Jason Bourne. Un gigantesque portail s'ouvre dans le ciel, et commence à avaler la métropole... comme dans la moitié des blockbusters de ces dernières années. Le troisième acte est une orgie de CGI, comme Le Chasseur et la Reine des neiges, Warcraft, ou Independence Day : Resurgence.
Et il suffit de voir S.O.S. Fantômes : L'héritage pour constater qu'il coche à peu près toutes ces mêmes cases.
A la fin, les héroïnes de Paul Feig affrontent symboliquement l'emblème de la franchise culte, comme un ogre surpuissant qui menace de les écraser dans un décor bien connu. Un autre symbole chéri par les fans est sacrifié par les personnages lors du climax, dans une autre métaphore : détruire l'héritage pour se (re)construire sur ses ruines.
S.O.S. Fantômes 2016 n'a rien d'une révolution, ou d'un désastre cataclysmique (côté business, Le Roi Arthur : La légende d'Excalibur, John Carter, À la poursuite de demain et et Lone Ranger ont fait pire). Il n'est que le symptôme d'une maladie trop connue : la frilosité des studios, qui pousse à recycler plutôt qu'imaginer. Terminator, Halloween, Men in Black, Indiana Jones et compagnie ont continué à le prouver. A ce titre, il ne mérite ni clémence particulière, ni haine spectaculaire. Surtout quand 'autant plus que les autres blockbusters préfabriqués délivrés régulièrement par Hollywood semblent échapper à ce traitement extrême.
Beaucoup de bruit pour rien, donc. Car si les femmes sont bien des personnages comme les autres, SOS Fantômes version 2016 est un produit hollywoodien comme un autre.
29/12/2021 à 23:17
Un bien meilleur film que le remake complètement épuré et prévisible pondu en 2021. Je l'ai vu juste avant de voir le dernier (je l'avais raté) et j'ai eu le plaisir inattendu de découvrir une comédie à la place d'un remake et ça m'a fait du bien.
Ceux qui sont "horrifiés" par le décalage avec l'original de la franchise ont oublié que les Ghostbusters de l'époque n'étaient pas non plus des super films et n'avaient pas beaucoup d'univers propre à défendre vu qu'ils surfaient déjà un peu sur la pop-culture.
Conclusion : la seule façon de faire un remake qui ait du sens n'était pas de reprendre les mêmes codes pour les réchauffer à la sauce 2016 mais bien de jouer sur la pop-culture du moment et en ce sens c'est plutôt réussi.
A voir absolument. Dommage qu'aucune référence n'y soit faite dans Ghostbusters afterlife, cela aurait fait honneur aux actrices et n'aurait pas pour autant gâché ce deuxième remake vu qu'il est déjà gâché pour plein d'autres raisons.
06/12/2021 à 14:39
Cela aurait était simplement un groupe de copines qui reprennent le flambeau ok pas de soucis... Mais là ! L'on se retrouve avec la geek, la rigolote, l'intello et la black... C'est un vulguaire copier coller inversé absurde ! Bravo l'imagination !
Ce film n'a aucun interet et n'apporte rien a la franchise, meme pas un nouveau perso... De mon avis, c'est un mauvais clone du premier, une bouse sans ame !
06/12/2021 à 13:05
L'une des pires bouses que j'ai vu de ma vie...
Y a rien de bien dans ce film...
Ce n'est jamais, je dis bien jamais drôle... même pas un sourire...
Tout est raté dans ce film...
05/12/2021 à 21:56
ne serait ce que "me faire" sourir.(oups dsl)
05/12/2021 à 21:55
Finalement ce n'est même pas le fait que l'héritage soit insulté qui m'a déçu le plus dans ce film.
J'aime bcp le snl et suis assez fan de Kristen Wiig mais là, elle ne m'a jamais, ne serait ce que sourir. Pareil pour Melissa mcCarty qui me fait bien marré pour sa grossièreté ou ses blagounettes bien grasses mais là, encore une fois, pas marrante du tout. Mc Kinnon en fait des caisses pour un résultat décevant et Leslie Jones passe un peu pour le boulet de l'équipe limite débile puisque c'est la seule à ne pas être scientifique. Seul Chris Hemsworth me fait marrer. C'est cool qu'il casse son image de beau gossattitude. Dsl pour ceux qui me liront mais le coup du téléphone, les photos (où il joue ou bien il écoute le saxo) me font bien rire à chaque fois que je tombe dessus. Le méchant est nul et n'a aucun charisme, ce n'est ni un gozer ni même un viggo. On se tape une fin comme le premier mais moins bien. à quoi bon ?
Pas encore vu la mouture de cette année mais çà ne devrait pas tardé.
05/12/2021 à 21:33
@Alfred
"Ma question est la suivante, comment expliquer le culte autour de ces 2 films svp"
Je ne parlerai que pour le premier que j'ai vu au cinéma et puis j'aime moins le second.
Déjà l'affiche m'avait fait de l’œil. Il, y a un logo, comme une marque, ça semblait dépasser le cadre d'un seul film. C'était nouveau, décalé. Du fantastique avec les fantômes/spectres, de la techno avec les armes et autres outils de détection originaux, et de l'humour décalé ... et puis ce tube très cool qui trustait le top 50.
Tout était frais dans ce film, le mix est parfait. Un cocktail très équilibré, une nouvelle recette, coloré, acidulé, pétillante, légère, comme une glace avec des boules fluo avec des gouts inconnues. Un film fête foraine qui ne se prenait pas au sérieux et qui emmenait le spectateur faire un petit tour de train fantôme avec cette bande de loosers sympathique. Un film d'ados avec un petit coté sulfureux aussi, ah Sigourney possédé par l'esprit pleine de désir ... bref. Un vrai feu d'artifice pour la jeune génération de l'époque.
Pas comme celui de 2016 qui est surtout alourdi par pas mal d’éléments notamment les trop longs dialogues un peu trash entre copines sans grand intérêt. Et puis surtout la grosse erreur de n'avoir pas intégré les persos dans leur anciens rôles en faisant comme si la franchise n'avait pas de passé, alors que tous les éléments physiques accessoires voitures décors et les spectres ont été eux repris quasiment tels quels. Pas cohérent et idiot je trouve.
05/12/2021 à 19:30
A croire que le cinéma hollywoodien s'est arrêté aux années 90
05/12/2021 à 16:20
Je n'ai jamais accroché a cet univers, mais j'aime bien cette version de 2016
05/12/2021 à 15:35
Bonne analyse !
Perso le fait que le casting soit féminin ne me gène pas, si leurs perso avaient été un minimum crédible et travaillé. Mais entre l'humour gras, le scénario paresseux, et le degré 0 de charisme des personnages bah ça prend pas.
J'y verrais toujours malgré tout l'opportunisme des studios de surfer sur le féminisme bien pensant, en changeant l'équipe originale d'homme en femme.
Et quand c'est pour de mauvaises raison on fait un mauvais film.
Apres le film en lui même est trop lourding pour moi, ça ma vraiment saoulé, alors que ya quelque bonne scènes malgré tout.
05/12/2021 à 14:38
Ma question est la suivante, comment expliquer le culte autour de ces 2 films svp