Mauvais Genre 2016 : lapins violeurs, sexe bio-mécanique et cinéma Hardcore

Simon Riaux | 31 mars 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 31 mars 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Cette année, le festival Mauvais Genre de Tours fêtait ses 10 ans. Retour sur une célébration haute en couleur, qui nous aura offert un panel de films inclassables frappadingues.

Si Mauvais Genre n’est pas (encore) une des manifestations culturelles les plus connues de France, c’est parce qu’elle a fait un choix radical et passionnant. Celui de proposer des films rares, voire introuvables, dont la majorité n’ont pas encore trouvé de distributeurs.

Les œuvres présentées au public sont donc particulièrement détonantes, originales et radicales,, qu’elles relèvent du drame, de la comédie, de la science-fiction ou de l’horreur. Cette ligne éditoriale courageuse (pas facile de faire le buzz en programmant avant tout des productions complètement allumées), se révèle d’autant plus nécessaire que la programmation des salles subit de plein fouet la domination de grosses machines – comédies françaises clonées ou blockbusters interchangeables – et que les espaces de diversité se font de plus en plus rares.

bande-annonce

 

 

Revenons donc ensemble sur les moments forts de cette 10ème édition, qui fut probablement la plus variée, solide et étonnante que nous ait offerte l’évènement depuis les cinq années que nous en assurons la couverture.

 

CINEMA IS NOT DEAD

A Mauvais Genre, il y en a eu pour tous les goûts. Du lapin mutant et Z de Bunny the Killer Thing en passant par les bidasses mongolo-fachos de 13 Hours, le prisme de cinéma convoqué ici impressionne. Pendant 5 jours, on est ainsi passés du rire gras, à l’action frontale, en passant par la SF hardcore. Et si le Festival s’illustre toujours par une sélection surprenante, difficile de faire la fine bouche, d’autant que nous avons posé les yeux sur quantités de perles.

Primé par le Jury et la Critique, Cord a mis à peu près tout le monde d’accord. Fable de science-fiction d’une noirceur infinie, ce métrage d’à peine 65 minutes nous propulse dans un univers post-apocalyptique où la sexualité, prohibée par le gouvernement, ne se vit plus qu’à travers des prothèses bio-mécanique provoquant l’addiction de leurs usagers.

 

S’en suit la descente aux enfers d’un couple incandescent, entraîné dans une folle fusion de chairs, d’orgasmes et de quête de soi. Vertigineux, sensuel, grave et violent, Cord tient à la fois du cauchemar de David Cronenberg et la folie viscérale d’un Tsukamoto. Sous nos yeux ahuris, les chairs se révulsent et les pupilles se dilatent, au rythme d’une valse désespérée. Réalisé par Pablo Gonzalez, le film est un coup de poing salvateur, d’une puissance totalement inattendue.

Œuvre difficile, Cord mérite néanmoins de connaître une carrière commerciale, ne serait-ce que pour son évident potentiel culte, et la révélation magnétique que constitue son actrice principale, Laura de Boer.

 

DES RAQUETTES ET DU SCHNAPS

On ne s’attardera pas ici sur la projection de Hardcore Henry, magnifique ode au meurtre et à la cocaïne dont vous retrouverez la critique ici, pour nous attarder sur deux autres évènements de la manifestation, le fantastique The Open et l’éthylique Alki Alki. Le premier est un pur OVNI. Réalisé par un français, produit par la Belgique, il met en scène trois personnages désaxés, préparant un tournoi de Roland Garros qui n’aura pas lieu, alors qu’a éclaté la 3ème Guerre Mondiale.

 

Poétique, désespéré et curieusement drôle, cette comédie lunaire signée Marc Lahore (qui a présenté son court-métrage DO, il y a deux ans à Mauvais Genre) est également un premier long-métrage. Tournée par la grâce d’un héritage tombé à pic, de la volonté de fer de son réalisateur et de l’inconscience de producteurs Belges cinéphiles mais probablement alcooliques, le résultat est une perle d’absurdité, dont on ne comprend pas bien qu’elle ait échappé aux distributeurs jusqu’à présent.

Une telle réussite, que plusieurs récompenses improvisées vinrent honorer The Open, en dépit de sa sélection Hors Compétition.

Alki Alki, nouveau film de Axel Ranish, cinéaste allemand découvert à Mauvais Genre grâce au passionnant Heavy Girls, nous a un peu déçu, malgré un pitch assez ahurissant. En dépit de ses problèmes de rythme et de sa photo crado, on se rappellera cette curiosité ou un homem cohabite et dialogue – littéralement – avec son alcoolisme, personnifié par un barbu ventripotent et envahissant. Curieux et inclassable, quoique  pas toujours abouti.

bunny killer thing 

 

LAPIN VIOLEUR ET PROPRIO COLLANT

Le reste de la sélection nous impressionna une nouvelle fois par sa variété et sa solidité. Malgré un aspect Z parfois difficilement supportable, impossible de ne pas glapir de plaisir devant Bunny Killer Thing, où un lapin mutant géant décime de malheureux jeunes gens avec gros chibre tout collant. Prévisible, mais carré et sacrément divertissant, 13 Caméras et son proprio voyeur tendance meurtrier cradingue nous aura particulièrement amusé, tout en nous rappelant subtilement que les gens laids et odorant sont le plus souvent des psychopathes avinés.

On découvrit avec tendresse Sunset Edge, chronique d’une Amérique désenchantées, ou un groupe d’adolescents, errant dans un trailer park abandonné va rencontrer une présence inattendue, qui donnera soudain un peu de sens au néant qui les entoure. Une tentative de fiction, entre Gus Van Sant, Malick et tout un pan du cinéma indépendant américain, développant une très belle réflexion sur un monde finissant.

The Forgotten fut une des plus intéressantes mais profondes déception du Festival. Ce récit confrontant un jeune garçon à son père, alors que celui-ci s’est réfugié dans une cité abandonnée de Londres avait tout pour nous séduire. Grâce à des personnages bien écrits et des scènes de flippe d’une terrible intensité, le métrage nous a pris à la gorge, jusqu’à une résolution indigne d’une blague potache improvisée après un gang bang extra-terrestre.

Enfin, on n’osera pas trop vous recommander El Mal del Arriero, qui n’est pas une histoire d’hémorroïdes, mais un film parfaitement intordable, qui confond manifestement surréalisme et torture objective du spectateur. Notons toutefois qu’après deux heures d’enquête au ralenti, d’humour pas drôle, de dialogues abscons et de plans interminables, on y voit un monsieur faire pipi sur des douilles, ce qui n’est pas commun.

bande-annonce

Bonus et à côtés

Impossible d’évoquer le festival sans traiter ses formidables à côtés. Pas sa buvette, pas ses bénévoles, à l’œil brillant, l’esprit alerte et la cuisse hospitalière, non, ses à côtés quoi, les évènements parallèles à sa compétition. On veut bien sûr vous parler de sa soirée french touch, où l’on posa les yeux sur l’excellent court-métrage La Fille Bionique, qui prouvait avec brio que l’on pouvait réconcilier SF, chanson française et couleurs pastels (parfaitement ma bonne dame).

On put aussi se faire une première impression de la série Reset, première tentative hexagonale de traiter de zombies et d’apocalypse via un format sériel. On ne s’attardera pas trop sur ce pilote, aussi correct techniquement que défaillant en termes d’écriture, et en souhaitant simplement que sa bonne tenue visuelle lui permette de nous offrir prochainement une saison à la hauteur de ses ambitions.

la fille bionique

 

UN DERNIER POUR LA ROUTE

Alors que les subventions se tarissent partout en France, que les auteurs remuant et les premiers films ont de plus en plus de mal à faire leur chemin en salles, Mauvais Genre s’est encore imposé comme une goulée d’air frais indispensable et rafraîchissante.

On salue donc le cœur gros et les larmes embuées de Vouvray son jury de haut vol, composé de sa Présidente Claude Perron, de Thierry Frémont, Eriq Ebouaney, Dédo et Nikias Chryssos. On embrasse son incroyable équipe de bénévoles, abattant un travail formidable, bordant les invités, leur tenant les cheveux au-dessus des trop rares cuvettes décorant le Festival, allant jusqu’à leur concocter des petits plats indispensable à la bonne indigestion continue de liquides liquoreux.

gwiliam

On tire également notre révérence aux équipes du Petit Faucheux, théâtre transformé chaque année en lieu de projection orgiaque, qui feraient passer le Caligula de Tinto Brass pour un Woody Allen sous Valium.

Enfin, on ne remerciera jamais assez tous ceux, public, journalistes, artistes, volontaires et victimes consentantes, qui font de ce lieu un refuge extraordinaire pour tous les énervés, amateur d’un cinéma autre, expérimental et accessible.

Tout savoir sur Hardcore Henry

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commentaires
stivostine
01/04/2016 à 09:36

un tres grand merci