Soleil de Plomb : Dalibor Matanic, cinéaste à la frontière des genres

Jean-Luc Hassaique | 15 mars 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jean-Luc Hassaique | 15 mars 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Repéré en 2002 avec son impressionnant Fine Dead Girls, Dalibor Matanic a refait parler de lui quelques années plus tard avec Daddy, avant que son Soleil de Plomb n’illumine la sélection Un Certain regard du 68ème Festival de Cannes. Portrait d’un cinéaste atypique et peu connu.

Évidente plus qu’éclairante, l’idée selon laquelle le cinéma de ce metteur en scène Croate, né en 1975, consacre son cinéma à une radiographie de la guerre des Balkans doit bien sûr être abordée. L’artiste ne rechigne d’ailleurs pas à le faire et évoque lui-même directement l’influence de l’interminable conflit armé sur son cinéma. Interrogé sur la genèse de Soleil de Plomb en 2015, il répond ainsi à Cineuropa :

« Désormais la haine est incorporée aux gens. Vous n’avez plus besoin d’armes, plus besoin de conflits. La guerre fait partie des gens. »

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Ausculter une société innervée par les conflits ethniques est une évidence mais ce n’est peut-être pas la marque de fabrique première, la particularité précieuse de son cinéma. C’est dans le même entretien qu’au détour d’une phrase, un projet plus complexe, moins évidemment tourner vers l’histoire, se dégage. « Je veux stopper le récit, et redonner une chance, une décennie plus tard. »

Car à bien y regarder, ce qui frappe chez Dalibor Matanic et fait la force de son cinéma autant que son impact, c’est plutôt l’étonnant mélange de genre auquel il se  livre. Ses longs-métrages se regardent ainsi telles des expériences tantôt violentes, malaisantes ou vertigineuses, dont le spectateur ne sait trop sur quel pied elles l’enjoignent de danser.

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Dès Fine Dead Girls, on était surpris par le glissement inexorable du récit, d’un départ entre el drame et la comédie de moeurs, vers un terreau nettement plus sombre, brutal, à deux pas de l’horreur pure. On retrouvait dans Daddy une logique assez similaire. Après une première partie qui recyclait le cinéma de genre avec brio, conférant au film un pedigree évoquant aussi bien les lisières du fantastique que le thriller, le récit tournait au drame familial.

Des mutations opérées avec aisance, comme dans Soleil de Plomb, où la nostalgie, la mélancolie et le spleen qui nimbent les trois romances offertes au spectateur laissent régulièrement la place à une chronique extrêmement désenchantée de l’époque.

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Et là encore, Matanic sait se jouer des stéréotypes et des attentes. Car même quand son film laisse la place aux déferlements de haine, même quand il constate avec amertume combien la détestation de l’autre pollue et s’ancre dans psyché de tout un peuple,  il parvient à ne pas laisser de côté l’espoir, et la constance du romanesque.

Comme même si dans les heures les plus noires, même face à la haine la plus totale, l’amour devait toujours se lever pour combattre. Quitte à perdre, quitte à être étouffer. Mais répondant toujours présent pour annuler en partie l’horreur qui menace d’advenir. Encore un pas de deux, un mariage des genres et des affects, qui fait le sel d’un cinéma à part, qu’il est urgent de redécouvrir.

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