Le Garçon et la Bête : découvrez Mamoru Hosada, nouveau maître de l'animation japonaise

Jacques-Henry Poucave | 18 décembre 2015
Jacques-Henry Poucave | 18 décembre 2015

Force est de constater que la retraite inattendue d’Hayao Miyazaki a laissé nombre de spectateurs orphelins. Pour autant on aurait tort de croire que la relève n’est pas encore arrivée. Avec Le Garçon et la BêteMamoru Hosoda prouve qu’il a tout pour être le héraut de l’animation japonaise et qu’il l’est déjà peut être depuis un bon moment.

Car si le nom du cinéaste était encore confidentiel il y a peu, ses films promis à une sortie hasardeuse à l’occasion de discrètes sorties estivales, Mamoru Hosada est, de par son parcours et ses œuvres, un des grands noms de l’Anime. Et si l’on peut aujourd’hui anticiper ses créations à la manière de celles de ses prédécesseurs, il faut pour en saisir la singularité, revenir sur son parcours.

A l’occasion de la sortie prochaine du Garçon et la Bête (le 13 janvier prochain), petite merveille sur laquelle nous reviendrons dans les jours qui viennent

 

Une histoire d’épisodes

L’Institut de formation des studios Ghibli fait office de véritable lieu saint pour quiconque entend devenir animateur au Japon. Mais, signe précurseur d’une carrière atypique, Hosoda ne passera pas par la voie royale. Il est tout simplement refusé par le studio. Comme si déjà, l’artiste ne pouvait suivre tout à fait le chemin tracé par Takahata ou Miyazaki.

Il fera ses débuts là même où les maîtres firent leurs premières gammes à savoir du côté de la Toei. Il n’est alors pas question pour lui de longs-métrages, mais bien de la fabrication industrielle d’épisodes de séries animés, les mêmes que l’on désigne alors sous le terme générique de « manga » dans l’hexagone.

Hosoda aura alors l’occasion de faire ses premières armes au cœur d’un système réputé pour son rythme de production parfois effréné et son exigence. Sa technique fera la différence et ses travaux sont remarqués notamment sur Dragon Ball Z.

C’est la Toei qui lui permettra de passer au format long avec une première adaptation des Digimon, une de ses séries animées maison. Après une suite qu’il réalisera également, il est repéré par Louis Vuitton, qui lui confie la réalisation d’un spot fabuleux, également supervisé par Takashi Murakami. D’une durée de 5 minutes, ce véritable court-métrage contient déjà nombre d’idées et de concepts que l’on retrouvera dans une œuvre plus personnelle d’Hosoda, le passionnant Summer Wars.

Approché par le studio Ghibli qui souhaite lui confier la réalisation du Château Ambulant, le cinéaste claquera finalement la porte d’une structure avec laquelle il semble ne jamais devoir collaborer. Peu après, il quitte également la Toei pour se rapprocher de Madhouse, studio qui lui conférera une liberté bien supérieure. Il faut dire qu’il s’agit de la maison mère d’un autre géant japonais, disparu (beaucoup) trop tôt : le fascinant Satoshi Kon, père de Perfect Blue ou encore Paprika.

 

Métrages Hybrides

Dès lors, la carrière de Hosada va muter en profondeur, et le brillant technicien devenir tout à fait l’artiste accompli qu’il est aujourd’hui. Les spectateurs français dans leur immense majorité n’entendront pas parler de son premier excellent film, La Traversée du temps, sorti en 2006 au Japon et plus d’un an après sous nos latitudes.

Le succès public sur l’Archipel et la curiosité d’une partie de la presse hexagonale viendront avec Summer Wars, sorti chez nous en 2009. La réputation de l’auteur ne fera plus que grandir, jusqu’à lui permettre de fonder son propre studio, Chizu, via lequel il produira Les Enfants Loups. Ce dernier sera un énorme succès au Japon, et l’amènera directement jusqu’à l’œuvre qui devrait signer véritablement sa consécration sur notre territoire et lui ouvrir les portes d’un beaucoup plus large public, à savoir Le Garçon et la Bête.

 

Hier et Aujourd’hui

Si Hosada n’aura pas été instantanément adopté par le grand public français, à la différence d’un Miyazaki, que connaissent même ceux qui n’ont jamais pleuré devant Princesse Mononoke, c’est peut-être car son cinéma n’est pas aussi évident à appréhender.

Loin de l’image « traditionnelle » souvent accolée à Takahata, ou du panthéisme pacifiste d’un Miyazaki, l’analyse évidente ou le penchant orientaliste glissent sur l’œuvre du réalisateur. A bien des égards, Hosoda est un artiste « de son temps » et ses personnages, toujours aux prises avec la modernité, jamais loin de ses artefacts technologiques (quand ces derniers ne sont pas au cœur de la mécanique narrative, comme dans Summer Wars), laissent à penser que le metteur en scène est plus « moderne » que les maîtres cités plus haut.

Mais ce serait oublier son attrait profond, son amour évident d’un Japon traditionnel, voir féodal. Dans Le Garçon et la Bête, l’univers animal, la dimension à laquelle accède le héros et qui lui servira de terrain de jeu initiatique en est une extension fantasmée, tandis que Les Enfants loups ne traite pas d’autre chose que du dialogue sans cesse renouvelé entre anciens et nouveaux.

De même, si les intrigues des métrages de Hosada, tout comme ses personnages, sont souvent teintés, voire imprégnés, de fantastique, impossible de ne pas apprécier le réalisme psychologique qui préside à ses films.

 

Traditionnel quoiqu’ancré dans son époque, produit de l’animation classique comme des Anime de notre enfance, Mamoru Hosada est déjà un grand. Il ne reste plus au grand public qu’à le découvrir véritablement à l’occasion du Garçon et La Bête, sans doute son œuvre la plus accomplie à ce jour, véritable synthèse des éléments qui concourent à faire de ce cinéaste un auteur aussi important qu’iconoclaste.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
ALLENW
23/10/2016 à 14:11

Je ne crois pas que l'animation japonaise soit aussi stigmatisée en france, c'est d'ailleurs un des pays où la culture "manga" passe le mieux en europe et même dans le monde. Y'a qu'à voir la japan expo chaque année qui accueille de plus en plus de monde. En revanche je pense que les salles de cinéma sont un peu frilleuses à l'idée de passer ce genre de production mais pourtant il y a un énorme public derrière.

Sermond
19/12/2015 à 19:25

Je ne vois pas comment on peut faire mieux que les enfants loups mais j'attends ce film avec impatience!!

Lolo Pecho
19/12/2015 à 17:30

"Il ne reste plus au grand public qu’à le découvrir véritablement à l’occasion du Garçon et La Bête": Le problème c'est qu'en France les films d'animations Japonais sont considérés comme trop mature pour les jeunes et trop enfantins pour les adultes (où on vous taxe de pédophile si vous les aimez). Rajoutez à cela une mauvaise distribution en salle et l'absence de diffusion sur les grandes chaines et vous comprendrez le manque de popularité de ce genre de films. Néanmoins super article et merci de défendre les films d'animations Japonais.

Hasgarn
18/12/2015 à 22:54

N'oublions pas que Mad House est le creuset que RinTaro et Yoshiaki Kawajiri se sont fait pour réaliser leur film bien avant Satoshi Kon. Ninja Scroll Meagalipolis et bien d'autres films et OAV grandioses sont sorti de ce studio. Kon peut être considéré comme un maître moderne et son héritage passera à la postérité. Mais Les 2 précités l'ont fait avant.