Festival Saint-Jean-de-Luz : Jour 4

Christophe Foltzer | 12 octobre 2013
Christophe Foltzer | 12 octobre 2013

Quatrième jour du festival et dernière ligne droite avec les deux derniers films de la sélection et un très beau cadeau hors-compétition dans la foulée. Go.

Pour son deuxième long-métrage, l'allemand Georg Maas n'a pas choisi la facilité puisqu'avec D'une vie à l'autre il n'hésite pas à se confronter à l'épineux problème du Lebensborn en mêlant habilement thriller et drame familial. Ou comment peu après la chute du Mur, les vieux secrets refont surface. Partagés entre l'Allemagne et la Norvège, nous suivons le douloureux parcours de Katrine, fruit d'une union entre une norvégienne (impeccable Liv Ullmann) et un soldat allemand pendant la Seconde Guerre Mondiale. Arrachée à sa famille par les nazis, elle a été placée en orphelinat pour renouveler le sang aryen. S'étant échappée il y a plus de 20 ans pour retrouver sa mère, elle a enfoui ce douloureux passé au plus profond d'elle et voit d'un très mauvais œil qu'un jeune avocat lui demande de porter plainte contre l'Etat Norvégien. Mais les apparences sont souvent trompeuses, surtout lors de l'effondrement du Bloc de l'Est et les gens ne sont pas forcément ceux qu'ils disent être. Il fallait vraiment prendre la peine de résumer les prémices de l'histoire pour bien comprendre le parcours tortueux du scénario, qui perd volontairement son spectateur dans les nombreuses fausses pistes échafaudées par les personnages pour le cueillir logiquement dans les dernières minutes. En résulte un thriller d'espionnage un peu en mode automatique et inutilement complexe formellement, doublé d'un drame familial poignant et mêlant intelligemment quatre générations qui essayent de survivre à l'Histoire. Un bon petit film, peut-être un peu trop mécanique et paradoxalement attendu sur le plan des révélations, aidé par des acteurs tous plus convaincants les uns que les autres et une mise en scène solide et efficace. 


Deuxième film de la journée, La braconne de Samuel Rondière avec Patrick Chesnais et Rachid Youcef. Là, nous ne sommes plus vraiment dans le même délire, bien que l'on y retrouve toutes les thématiques de cette Sélection, à savoir la famille et la solitude. En optant pour l'angle du film noir, Samuel Rondière fait le bon choix pour raconter cette histoire touchante d'un vieux truand qui prend sous son aile un jeune gars de banlieue un peu paumé pour lui apprendre les bases du métier et de la vie. Un postulat de départ archi vu et revu certes, mais traité avec beaucoup de finesse et de tendresse pour ses personnages. Si les premières minutes font un peu peur avec les poncifs que l'on attendait (le p'tit gars énervé qui parle banlieue, les autres qui parlent Audiard), on se laisse finalement prendre par l'histoire, l'univers mis en place et sa galerie de personnages colorés. Rondière a réussi à créer une atmosphère très particulière, qui rappelle beaucoup les films américains (on pense aux Affranchis en de courts instants, mais aussi au traitement naturaliste de la série Sur écoute) tout en conservant un cachet typiquement français qui rend le tout très crédible et plaisant. Rachid Youcef est très convaincant dans le rôle du petit con, il lui apporte progressivement une densité fort bienvenue et forme un duo efficace avec un Patrick Chesnais juste parfait dans son personnage de truand fatigué par la vie, charismatique en diable. Malheureusement, le film n'évite pas un certain maniérisme, notamment dans ses dialogues, beaucoup trop écrits. A la manière de, serait-on tenté de dire par moments tant certaines phrases sont artificielles et cassent l'ambiance. Mais gageons qu'il ne s'agit là que d'erreurs de jeunesse et qu'avec l'expérience, Samuel Rondière s'affirmera comme un réalisateur à suivre.



Après toutes ces morts, ces larmes et ces dépressions en devenir, il fallait bien un moment se changer les idées et relâcher la pression. C'est probablement dans ce but que l'équipe du festival a choisi Attila Marcel pour une projection hors-compétition assez exceptionnelle. Attila Marcel, un nom étrange, amusant autant qu'inquiétant. Pour ceux qui regardent en boucle Les triplettes de Belleville la surprise sera forcément moins forte, ils sauront d'emblée de quoi nous allons parler ici. Il s'agit effectivement du premier film live de Sylvain Chomet (Les triplettes donc, mais aussi le génial L'illusionniste), un métrage bien barré, poétique, enchanteur, magnifique. On y suit la vie de Paul (extraordinaire Guillaume Gouix), pianiste qui vit avec ses deux tantes acariâtres (Hélène Vincent et Bernadette Lafont, toutes deux excellentes), muet depuis le jour où ses parents sont morts devant ses yeux quand il avait deux ans. Traumatisé et complètement étouffé par les tantes foldingues, il trouve refuge deux étages en dessous, dans un appartement étrange, à l'architecture grotesque, chez Madame Proust (Anne Le Ny, parfaite), espèce de sorcière manouche qui va lui proposer de retrouver ses souvenirs d'enfant afin de surmonter son traumatisme et d'enfin profiter de la vie. Et pour ça, quoi de mieux que les drogues hallucinogènes ?



On pouvait craindre que le passage de l'animation au réel aurait une incidence négative sur l'imaginaire foisonnant de Sylvain Chomet. Il n'en est rien puisque Attila Marcel se place en direct filiation de ses précédentes œuvres, tout aussi fou, émouvant, entraînant (la musique et le chant en sont des éléments importants), bref c'est une grand réussite. On va essayer d'en révéler le moins possible puisque le film sort bientôt et, qu'à ce titre, une critique digne de ce nom est imminente, mais on ne peut que saluer la performance de toute l'équipe pour nous livrer ce petit bijou qui aura fait chialer la majorité de la salle lors d'un extraordinaire final d'une simplicité et d'une sincérité incroyable. Jeunet et Gondry doivent être bien dégoutés, ça leur fera les pieds.

 

On se retrouve demain pour le compte-rendu de la dernière journée du Festival avec au menu une séance de rattrapage pour Le géant égoïste, la projo du nouveau film d'Audrey Estrougo hors-compétition et, bien sûr, la cérémonie de clôture et la remise des prix.

 

PS : Chers membres du jury, si vous ne récompensez pas La belle vie, ça risque de vraiment mal se passer. Nous savons qui vous êtes, nous savons où vous créchez et nous sommes légions.

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