Festival Saint-Jean-de-Luz : Jour 3

Christophe Foltzer | 11 octobre 2013
Christophe Foltzer | 11 octobre 2013

On continue cette très belle sélection avec une troisième journée riche en émotions. Un peu de déception, la fatigue qui commence à poindre gentiment (et sûrement) mais surtout LE coup de cœur du festival, LA révélation. C'est parti.

Commencer la journée par Celui qui pleure a perdu met dans une ambiance étrange. Un sentiment de retour en arrière, de cristallisation à l'image de tout ce qu'on craignait de voir. A travers cette histoire de société qui propose aux gens de passer 10 minutes avec un disparu à condition de ne pas pleurer, la jeune Marion Lefeuvre (24 ans) ne convainc pas. Du postulat de base intrigant mais absolument pas crédible in-situ (et malheureusement jamais vraiment exploité) en passant par le jeu d'acteur plus qu'aléatoire de ses comédiens, le film accumule les défauts qui le rendent un tantinet énervant. Mais c'est probablement sa mise en scène qui retiendra le plus l'attention, tant elle frôle l'amateurisme et les partis-pris ambitieux mais casse-gueule mal maîtrisés (les personnages sont toujours bord cadre, les contre-champs sont très rares et il n'y a quasiment que des plans rapprochés, le tout filmé en 5D à l'épaule avec le plus souvent une mise au point au petit bonheur la chance), ce qui plombe d'autant plus une histoire sans grand intérêt et totalement bancale dans son approche psychologique du processus de deuil. Bref, pas grand-chose à sauver (mais ce n'est qu'un avis subjectif, puisque le public a, dans l'ensemble, apprécié) mais pourtant on a quand même envie de soutenir un minimum le film. Ne serait-ce que parce qu'il a été monté sans aucune aide, sans aucun financement d'aucune sorte, qu'il s'agit vraiment du travail de quelques passionnés qui ont décidé un jour de contourner le système. Si sa sélection en festival est pleinement justifiée, il n'en reste pas moins que nous sommes en présence d'un court-métrage type Femis gonflé artificiellement pour atteindre 1h15. Quoi qu'il en soit, on ne peut que souhaiter bonne chance à sa réalisatrice dans les deux autres festivals où le film est sélectionné (Washington, New-York).

 


 

Nous avions déjà été pas mal secoués par The Lunchbox et surtout par La pièce manquante, mais rien ne nous préparait au choc de La belle vie, LA révélation de ce festival et le chouchou d'une grande partie du public. Le premier film de Jean Denizot est à ce point excellent qu'on a du mal à croire qu'il s'agisse seulement d'un premier long-métrage. De son premier plan mystérieux à sa dernière scène bouleversante, tout est maîtrisé de bout en bout, parfait jusque dans ses moindres détails. En s'inspirant très librement de l'affaire Xavier Fortin (qui rappelons-le avait kidnappé ses propres enfants et vivait avec eux une vie nomade en France), Denizot dresse un portrait d'une telle justesse qu'elle en donne parfois le tournis. C'est bien simple, que l'on parle scénario, photographie, mise en scène et musique, il n'y a aucune faute de goût. Ce que l'on pressentait déjà la veille avec Nicolas Birkenstock semble aujourd'hui se confirmer : une nouvelle génération de cinéastes français se dessine et elle n'a pas peur de faire du vrai cinéma. Et que cela fait du bien de voir enfin un film profondément humain, tellement sincère, qui n'hésite jamais à dévoiler toute l'ambivalence des rapports entre les gens d'une même famille (le père étant à ce titre un modèle d'ambiguïté) tout en s'attachant à ses personnages adolescents qui, pour une fois, sont crédibles et profonds. A ce sujet, il faut s'arrêter un instant sur l'acteur principal du film, le jeune Zacharie Chasseriaud, qui explose littéralement l'écran par son interprétation. Déjà repéré dans Les Géants de Bouli Lanners (avec lequel ce film entretient de nombreux points communs) et bientôt à l'affiche de Aux yeux des vivants de Bustillo & Maury, Chasseriaud compose un ado d'une grande complexité avec un naturel confondant, devenant du même coup l'idole de toutes les mamies de la salle. Un nom à retenir donc, tout comme celui de son réalisateur. On pourrait s'étendre des heures sur ce film tant il est magnifique qu'on n'arriverait même pas à exprimer ce qu'on a ressenti à certains moments pendant la projection. Plus qu'un coup de cœur de festival, La belle vie se place direct dans le top des meilleurs films français de l'année. Seul problème, il n'a pas encore de date de sortie prévue (on nous parlait de mars ou avril 2014) mais soyez certains que dès qu'il sera sur les écrans nous serons là pour en remettre une couche.

 


 

Forcément, succéder à La belle vie n'est pas une chose aisée. Le sens de l'humour, de la comédienne-réalisatrice Marilyne Canto, ne s'en sort pas trop mal bien qu'il se révèle très bancal sur de nombreux points. Drame doux-amer sur le deuil et la reconstruction amoureuse, le film ne passionne jamais vraiment, la faute probablement à un scénario un peu trop abrupt, un mixage très étrange (certains dialogues étouffés, des bruitages qui percent les tympans) et une approche extrêmement parisianiste du cinéma. Nous sommes donc dans un cinéma de 11ème arrondissement, bobo mais pas trop, où il ne s'y passe pas grand-chose de palpitant mais où les personnages s'en prennent plein la gueule pendant 1h27. Pourquoi pas dirons-nous, mais le film se borne à enchaîner des séquences beaucoup trop explicatives, s'égare dans certains passages qui n'auraient pas mérités un coup de projecteur au détriment d'autres, s'arrête en pleine scène importante pour passer à quelque chose de plus futile. De l'aveu même de la réalisatrice, l'intention était de créer un personnage de femme triste et en colère, irritante parce que souffrante et de la mettre face à un homme posé et compréhensif, une sorte de prince charmant moderne et de voir comment on peut de nouveau accepter l'Amour après un drame. Pari à moitié remporté puisqu'effectivement, bien que l'on comprenne la souffrance de cette femme, on a sacrément envie de lui mettre des baffes. Bref, un bon film pour le circuit MK2.

On se donne rendez-vous demain avec les deux derniers films de la sélection, D'une vie à l'autre de l'allemand Georg Maas avec notamment Liv Ullmann, et La braconne avec Patrick Chesnais.

 

A suivre...

 

PS : Pour répondre à la vieille dame qui m'a posé la question en se marrant dans ses rides comme une collégienne : Non, ce n'est pas moi qui joue le pote d'Ashton Kutcher dans Jobs.

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